Matériaux au contact : Une approche technique

13 novembre 2013

Les matériaux au contact : un problème technique, qui mérite une approche technique. C’est ce que se sont appliqués à faire, chacun à leur tour, plusieurs intervenants lors des réunions d’avant vendanges.

p16.jpgLes matériaux au contact des denrées alimentaires, des boissons alcoolisées… La législation en répertorie un certain nombre : matériaux pouvant provoquer un enrichissement en métaux lourds, plastifiants utilisés pour donner de la souplesse aux matériaux en plastique (phtalates)… Au sein de la filière Cognac, la prise en compte de la problématique « matériaux au contact » n’est pas nouvelle, comme cela fut justement rappelé à la Journée des courtiers, puis lors de la réunion des vendanges de l’UGVC. Elle remonte au début des années 2000, dans le sillage de la méthode HACCP et de l’identification des risques. Depuis 2002, l’organe technique du BNIC tient à jour une base de données sur les matériaux au contact.

En ce qui concerne les phtalates, la réglementation européenne a changé en 2001. Elle a fait tomber à zéro le seuil de migration testé sur les matériaux en plastique au contact des boissons alcoolisées mises sur le marché à partir de 2013. Autrement dit, pour être qualifiés, les matériaux en plastique au contact des boissons alcoolisées ne doivent laisser passer aucun phtalate.

En janvier 2013, deux pays, la Chine et Taïwan, ont décidé d’appliquer une norme « phtalates » aux produits agro-alimentaires eux-mêmes (et non aux matériaux au contact comme en Europe), que ces produits soient locaux ou importés. Les spiritueux, dont le Cognac, se sont retrouvés concernés, au même titre que les autres denrées. En matière de valeur-seuil applicable aux produits agro-alimentaires, les autorités chinoises retiennent des taux correspondant à la norme « matériaux au contact » appliquée par l’UE avant 2011. Est apparue ainsi en Chine une nouvelle réglementation sur la teneur en phtalates des produits agro-alimentaires.

Dans la région délimitée Cognac, la mise en place du nouveau dispositif a cueilli à froid les exportateurs qui ne s’y attendaient pas. En février-mars 2013, des marchandises se sont retrouvées bloquées en Chine et à Taïwan, en attente d’analyses. Les choses se normaliseront assez vite.

Aujourd’hui le commerce a retrouvé sa fluidité, en ayant intégré la nouvelle obligation. Rien ne part à destination de la Chine sans que la conformité aux normes phtalates ait été vérifiée. Un certificat d’analyse accompagne systématiquement les expéditions. « Nous pratiquons la transparence complète » confirment les négociants.

A l’autre bout de la chaîne, la production a pris la pleine mesure du critère « matériaux au contact ». C’était la moindre des choses. Petite révolution et léger vent d’inquiétude sur la viticulture. Il était temps de procéder à un état des lieux.

Durant l’été 2013, le BNIC a lancé un plan d’action en plusieurs étapes : vérifier l’inertie des matériaux, faire un point sur les installations, réaliser analyses et micro-distillations. Différents organismes apportèrent leur concours à la collecte des échantillons, au descriptif des équipements. L’enquête a porté sur un nombre significatif d’exploitations. Un premier bilan de l’opération a été tiré. C’est un peu le résumé de ces travaux qui fut présenté au cours des différentes réunions.

Si, ces cinquante dernières années, l’industrie chimique a enfanté une dizaine de molécules de phtalates, trois molécules principales se retrouvent dans le collimateur de l’administration chinoise : le DEHP, le DBP et le DINP. Les valeurs-seuils appliquées par la Chine s’élèvent respectivement à 1,5 mg/kg pour le DEHP, 0,3 mg/kg pour le DBP et 9 mg/kg pour le DINP. A noter que contrairement à l’habitude, ces normes ne s’expriment pas en mg/l mais en mg/kg. Un détail mais qui complexifie un peu l’interprétation des résultats d’analyse.

Que constate-t-on sur les produits issus de la région délimitée ? Elément plutôt positif : une des molécules – la molécule de DINP – n’apparaît pratiquement pas sur les écrans radars. Dans l’enquête, 95 % des échantillons d’eaux-de-vie nouvelles présentent des valeurs inférieures au seuil de détection de la molécule. Il faut dire que le DINP offre l’heureuse caractéristique de ne pas passer en distillation. Intéressant dans une région productrice d’eaux-de-vie. Restent les deux autres molécules, DBP et DEHP.

Pour ces deux molécules, l’idée est d’intervenir à la source, en évitant toute source de migration.

En ce qui concerne le DEHP, une attention toute particulière doit être portée aux résines époxydiques, notamment celles appliquées avant 2010. Ces résines époxydiques, où peut-on les trouver ? Lors de l’étape de la vinification (cuves revêtues) ou encore, à la marge, dans des bassins à brouillis revêtus. Pour être sûr de l’innocuité des résines époxydiques, une solution existe : faire réaliser en laboratoire des tests de migration.

Si le producteur veut utiliser de la résine époxydique à chaud pour ses installations récentes, il doit obligatoirement faire appel à un applicateur agréé. « La dépose de résine époxydique à chaud est une technique complexe à réaliser. Seuls des grands professionnels peuvent s’en charger » a-t-il été précisé lors de la réunion des vendanges.

Le DEHP, lui, est essentiellement lié aux opérations de transfert des eaux-de-vie et distillats. En jeu, les tuyaux, joints, corps de pompes… Il peut arriver aussi de retrouver en distillerie des petits contenants en matière plastique. A bannir absolument, comme les cuves en matière plastique pour loger les flegmes, voire les reliquats de mises en bouteilles ou de coupes. « Il est encore préférable de stoker les flegmes sous bois » conseillent les techniciens.

En matière de tuyaux, la préconisation de la filière est simple – Premièrement, proscrire les tuyaux PVC, totalement indésirables pour les alcools. Deuxièmement, privilégier, lorsque c’est possible, les tuyaux fixes en inox, chers mais inertes (en prenant la précaution de vérifier la qualité des soudures) et qui durent dans le temps. Lorsque ce n’est pas possible, utiliser des tuyaux souples multi-couches qualifiés par le BNIC. Quelle que soit l’option, il convient toujours de choisir le circuit de transport le plus court.

Depuis un certain temps déjà, la filière Cognac a mutualisé les tests de migration des matériaux au contact (tuyaux, joints d’étanchéité…). C’est la Station viticole du BNIC qui s’en charge. La liste des flexibles qualifiés par le BNIC est consultable sur le site dédié « Matériaux au contact » accessible sur l’extranet du BNIC réservé aux ressortissants. Attention ! Des tuyaux peuvent être qualifiés pour le moût ou le vin et ne pas l’être pour les distillats, eaux-de-vie ou Cognac. Car le facteur de migration varie en fonction de la richesse du milieu en alcool et en acide. Les éléments impactant ! La quantité d’alcool et la durée au contact. Un tuyau souple s’entretient (nettoyage, rinçage avant la première utilisation ; égouttage par la suite) ; se vérifie régulièrement pour s’assurer de l’intégrité de la membrane. Ne pas oublier que le flexible a une durée de vie limitée.

En ce qui concerne les équipements de chai, les pompes avec corps tout inox sont à privilégier, dans la mesure du possible. Mêmes commentaires que précédemment – « Ces matériels sont chers mais posent bien moins de problème et durent plus longtemps. » En matière de joints d’étanchéité et accessoires divers, le site dédié du BNIC indique les références d’élastomères qualifiés à ce jour.

 

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