Martine Nouet : Une fondue des eaux-de-vie

12 novembre 2010

La Rédaction

La journaliste Martine Nouet ne s’intéresse ni à l’économie ni au marketing des spiritueux. Elle concentre toute son attention aux arômes qui s’exhalent du verre. Cette amoureuse de l’Ecosse et de ses Whiskies s’est découvert une curiosité analogue pour d’autres catégories d’eaux-de-vie dont les Cognacs.

nouet.jpg« Le Paysan Vigneron » – Pourquoi cet intérêt pour les eaux-de-vie ?

Martine Nouet – Je suis Normande d’origine. Je fus un peu élevée dans le parfum du Calvados. Enfant, je me souviens de repas familiaux où mon père, après avoir bu son café, versait un peu de Calvados dans sa tasse encore chaude. Quand il quittait la table, je humais les quelques gouttes qui persistaient au fond de la tasse. C’est un souvenir très vivace. J’ai commencé ma carrière de journaliste comme chroniqueuse culinaire. Et puis, il y a une quinzaine d’années, je me suis mise à écrire sur les spiritueux, en commençant d’abord par les Whiskies. Car je suis tombée « en amour » avec l’Ecosse. C’est un pays qui me correspond. D’ailleurs, j’ai déménagé et vis depuis deux ans à Islay, une île des Hébrides écossaises, bien connue pour ses distilleries. En France j’ai lancé et fus rédactrice en chef de Whisky magazine, le journal associé à la Maison du Whisky à Paris. Chemin faisant, j’ai découvert ou redécouvert les eaux-de-vie françaises que je connaissais mal, Cognac, Armagnac, Rhum… Au fil du temps, je suis devenue « la » journaliste spécialisée sur le sujet. Ce qui m’intéresse beaucoup, c’est l’accord entre les mets et les eaux-de-vie, notamment pour le Cognac. Au sein de Whisky magazine, j’ai publié un supplément consacré au Rhum et deux suppléments dédiés au Cognac. Le dernier, paru en mai-juin, cherchait à comprendre comment les arômes viennent au Cognac. J’ai abandonné mes fonctions à Whisky magazine mais collabore régulièrement à la Revue des vins de France.

« L.P.V. » – Est-il vrai que la dégustation constitue votre porte d’entrée sur les eaux-de-vie ?

M.N. – Tout à fait. Ce qui me passionne, c’est vraiment ce qu’il y a dans le verre, la bouteille. Je ne suis pas du tout journaliste économique, je ne connais rien au marketing et cela ne m’intéresse pas. Par contre, j’aime les sensations que procure un Cognac à la dégustation. J’essaie de comprendre d’où il vient, quels sont ses assemblages, son profil aromatique, le temps qu’il a passé dans les chais… Derrière tout ça, se profilent la distillation, le travail du maître de chai. Sur les vins, je ne suis pas une spécialiste. Mes connaissances basiques me permettent juste d’établir le lien entre le vin et l’eau-de-vie. Mais ce qui me fascine vraiment, c’est la distillation, le vieillissement. Mes collègues m’ont surnommé la « reine de l’alambic. »

« L.P.V. » – N’est-ce pas dur pour une femme de déguster des eaux-de-vie ?

M.N. – Cette remarque je l’entends souvent. Pourtant, il n’existe aucune incompatibilité, rien qui rende la dégustation plus difficile à une femme qu’à un homme. Une bonne eau-de-vie n’agresse pas, ne brûle pas le palais. D’ailleurs, pour l’essentiel, la dégustation passe par le nez. Il suffit de bien choisir le verre qui va libérer un maximum d’arômes. Je bois très peu en dégustant. D’ailleurs, à titre personnel, je me méfie beaucoup de l’alcool. Même si j’apprécie un bon vin, je suis sans doute la plus modérée des journalistes.

« L.P.V. » – Appréhende-t-on de la même façon un Malt, un Cognac, un Rhum ?

M.N. – Bien sûr, chaque alcool a sa personnalité, son mode d’élaboration mais, globalement, l’approche reste la même. Je n’ai pas suivi d’école. Je me suis formée « sur le tas », en m’enrichissant du contact des professionnels, assembleurs, distillateurs, maîtres de chai. Ils m’ont donné beaucoup de leurs temps et m’ont communiqué un peu de leur savoir.

« L.P.V. » – On vous dit très précise dans le vocabulaire.

M.N. – Parmi les descripteurs, un terme comme « rancio » reste associé au Cognac. Le vocabulaire qui a trait à la tourbe, au fumé appartient de manière plus exclusive au registre des Whiskies. Par contre, toutes les eaux-de-vie se dévoilent à peu près de la même manière : plus une eau-de-vie est âgée, plus il faut accorder de temps à la dégustation pour découvrir toutes ses richesses.

« L.P.V. » – Avez-vous été bien accueillie à Cognac ?

M.N. – Comme dans tout milieu, il est toujours assez difficile de se faire accepter. Au début, je fus mise à l’épreuve et ce d’autant plus que j’étais une femme. Une fois la méfiance dissipée, les portes se sont ouvertes. Et je dois dire que si je ne rentrais pas par la grande porte, je rentrais par la fenêtre. Je me souviens avoir connu un démarrage un peu délicat avec un maître de chai. Je l’ai revu récemment lors d’une interview. Il fut absolument charmant. Au cours de l’entretien, il m’a dit des choses au sujet de son Cognac qu’il doit taire le plus souvent car il est assez secret sur son travail. Ce fut une très belle rencontre. Honnêtement, les gens du Whisky m’ont réservé un accueil plus immédiat.

« L.P.V. » – A votre avis, comment se porte la catégorie des spiritueux aujourd’hui ?

M.N. – Je constate un intérêt de plus en plus vif des consommateurs pour les eaux-de-vie et cette tendance se confirme. A meilleure preuve, le salon Whisky Live organisé le dernier week-end de septembre à Paris par la Maison du Whisky et où étaient présents des Cognaçais.

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