En Languedoc, il n’y a plus de vins à vendre, de vins de table en tout cas. L’an dernier, les prix plafonnaient à 17-18 F le °hl. Cette année, en rouge, ils se sont envolés à 26 F le °hl, avec des vins de cépages vendus entre 450 et 550 F l’hl vol. Dans les caves, les stocks sont à secs. Les faibles récoltes de l’Espagne et de l’Italie et l’important volume de distillation aidée qui a siphonné les cuves expliquent en grande partie cette situation. Depuis de très nombreuses années, les acheteurs s’étaient habitués à trouver, au mois de juin, des volumes disponibles à vil prix, vendus par des opérateurs aux abois, soucieux de vider leurs caves en prévision de la future récolte. En 2002, ce phénomène ne s’est pas produit, pour les causes déjà dites. Fébrilité des acheteurs qui ne s’étaient couverts qu’à 80 % de leurs achats, sûrs de trouver les 20 % restant à la baisse. Et le caractère erratique du marché a fait le reste : un litre de trop et l’on frôle l’asphyxie ; un litre qui manque et c’est la pénurie. La mécanique qui a joué pour les vins de table ne s’est pas dupliquée aux AOC génériques, preuve s’il en fallait que les deux marchés répondent à des logiques différentes. En Languedoc-Roussillon, les cours des AOC sont au plus bas et, dans une région plus proche, les Bordeaux génériques restent toujours très déprimés.
les blancs retrouvent des couleurs
Le marché des vins de table blancs, spécifique de celui des vins de table rouges même si des passerelles existent – transformation d’un moût rouge en jus blanc dit blanc de noir – a connu une évolution similaire. En Charentes, les opérateurs régionaux s’étaient, disent-ils, déjà préparés avant vendanges à faire passer une augmentation de 15 à 20 % à leurs acheteurs. Mais les prix de marché ont peut-être dépassé leurs espoirs. La grande masse des moûts de vinification est partie entre 16,50 et 19 F le °hl (voire 20 F). Quant aux vins de table, leur prix minimum s’affiche aujourd’hui à 3,30 e (21,60 F), des cours qui ont pu grimper pour certaines qualités autour de 24-25 F. Et s’il arrive que l’on parle de 26 ou 27 F, « à ce prix-là, je ne vends pas » tempère un opérateur. Comme pour les vins rouges, c’est la petite récolte qui explique le redressement des prix. En l’occurrence, il s’agit du Gers, deuxième principale région productrice de vin blanc de table dans l’hexagone, avec les Charentes. Le marché des vins de table a également bénéficié des conditions de l’année, qui ont permis d’obtenir des degrés élevés, autour de 9,5-10 % vol. En moûts de vinif., les Charentes auront peut-être expédié 550 000 hl vol. Quant aux volumes expédiés en vin, eh bien, pour l’instant, c’est un peu le pot au noir. Les opérateurs eux-mêmes ont du mal à y voir clair. Théoriquement, la campagne de distillation Cognac relativement faible – on parle de 375 000 hl AP – devrait se traduire par des quantités en hausse d’au moins 400 000 hl vol. Ces chiffres seront-ils au rendez-vous ? Si tel n’était pas le cas, le bénéfice escompté de la hausse des prix fondrait d’autant, et pour les négociants et pour la viticulture. Face à ce marché des vins de table, une question plus générale se pose ? Comment se fait-il qu’un marché des vins de table donné comme moribond par tous les caciques de la profession, persuadés que l’avenir ne passera que par la qualité et le haut de gamme, trouve encore les ressorts nécessaires pour rebondir et faire la pige (au moins cette année) aux AOC génériques ? Hervé Pogliani (Distilleries Charentaises à Saint-Savinien) livre une explication : « Malheureusement ou heureusement, tout le monde n’a pas encore les moyens de s’offrir une bouteille de vin fin. Et puis quand vous prenez un marché très important au départ et que vous lui enlevez tous les ans 5 à 6 %, il en reste encore quelque chose. L’autre raison tient sans doute à la disparition de pans entiers de zones productrices de vins de table. Aujourd’hui, une région comme le Gers ne produit quasiment plus que des vins de pays. Indubitablement, cela libère de la place pour les producteurs de vins de table. »
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