maison Marnier-Lapostolle : Orange Caraibe à Cognac

25 juillet 2013

Depuis novembre dernier, la maison Marnier-Lapostolle distille son parfum d’orange à Cognac. En plus de l’approvisionnement en Cognac, le site de production de Bourg-Charente maîtrise l’autre ingrédient du Grand-Marnier, le distillat d’orange. Un redéploiement industriel qui renforce encore l’ancrage du liquoriste en terres charentaises.

p39.jpgLa maison Marnier-Lapostolle s’est livrée à une petite révolution en déménageant son site de production de parfum d’orange de Neauphle-le-Château, en région parisienne, à Bourg-Charente, tout près de Cognac. A Neauphle-le-Château, la maison y était chez elle depuis presque un siècle et demi, quand Louis-Alexandre Marnier-Lapostolle, le fondateur, crée sa liqueur éponyme en 1880. Dans cette maison de tradition, le changement ne fait pas partie des valeurs cardinales. On s’y résout mais pour de – très – bonnes raisons. Des questions environnementales autant que de rationalisation des tâches vont conduire la société à abandonner le site de Neauphle. Sans doute faut-il y voir aussi le signe de la confiance accordée par la maison à Patrick Raguenaud, directeur de la production pour l’ensemble des sites de la liqueur Grand-Marnier. Cette confiance et ce respect mutuel se lisaient le jour de l’inauguration, le 18 avril dernier.

En 2009, décision est prise de concentrer le fonctionnement de l’entreprise sur deux sites de l’entreprise, Gaillon dans l’Eure et Bourg-Charente, en région de Cognac. Gaillon conserve l’assemblage des deux ingrédients de la liqueur, la mise en bouteille et l’expédition des marchandises. Elle hérite, en prime, de la petite partie conditionnement du Pineau et du Cognac. Au site de Bourg incombera désormais la production du distillat d’orange, en plus de l’approvisionnement en eaux-de-vie de Cognac. Fin 2012, les nouvelles installations démarrent à Bourg, à peu près dans les délais prévus. Le 18 avril, la société conviait partenaires, fournisseurs, professionnels des autres maisons de Cognac à venir découvrir l’outil. En tout plus de 400 personnes. La famille Marnier-Lapostolle participa à ce moment très particulier : Jacques Marnier-Lapostolle, président du directoire, son fils Stéphane, sa fille Alexandra… Tous les deux occupent des fonctions de direction dans l’entreprise. Patrick Raguneaud se charge de la visite.

Un peu en contrebas du château, en direction du golf de la Maury, le nouveau site industriel occupe une surface d’environ 2 000 m2. Il se partage entre distillerie, bâtiments de stockage et de traitements des écorces d’oranges. La maison souhaitait qu’il s’intègre le plus possible au site. Pari réussi. Les architectes ont joué de la déclivité du terrain pour gommer l’aspect trop érigé des bâtiments. Le choix des matériaux – bois, pierre – a fait le reste. Mais c’est surtout le côté rationnel et fonctionnel des équipements qui ressort de la visite. Pas de superflu mais des installations adaptées aux besoins.

Pour élaborer son parfum d’orange, la maison Marnier-Lapostolle utilise des écorces d’orange amères. Aux antipodes de l’orange à jus, elles sont du même type que celles qui servent à fabriquer la marmelade d’orange si prisée des Anglais. Pour fabriquer la liqueur, seule la variété Bigarade est retenue.

Des plantations à Cap haïtien

La société possède des plantations à Cap haïtien, au nord de l’île, à l’opposé de l’épicentre du tremblement de terre de janvier 2010. Ramassées encore vertes, les oranges amères se récoltent fin d’été, début d’automne. Débarrassées de leur pulpe, quasiment sans jus, pour ne conserver que la peau, les oranges sont découpées en quartiers et séchées sur les claies à l’air libre (mais sous contrôle). Elles sont ensuite mises en sac de jute et expédiées par bateau dans des containers. A Bourg-Charente, elles rejoignent les deux bâtiments de stockage affectés à cet usage, d’une capacité de 250 tonnes chacun. Avec 500 tonnes, la société couvre non seulement ses besoins de l’année mais s’assure une année d’avance, par sécurité.

Le processus d’élaboration du parfum d’orange peut alors commencer. La première étape est celle du nettoyage. Le contenu des sacs de jute est déversé dans de grands entonnoirs. Par tout un jeu de vibreurs, d’aspirateurs, les petits cailloux et autres poussières sont éliminés. Vient ensuite la deuxième étape, celle du zestage. Au préalable, il faut réhumidifier l’écorce pour l’assouplir. Le zestage consiste à retirer la zone blanche du zeste. Appelée albédo, cette peau blanche présente un goût amer très prononcé qui altérerait la qualité. Le zestage se fait à l’aide de deux rouleaux dont l’un est équipé d’une lame de rasoir. Il sépare le zeste de la partie blanche. Mais pour que l’opération se passe bien, il faut que l’écorce… arrive dans le bon sens. Un système de lecture optique trie les écorces et élimine celles qui se présentent mal. Un opérateur veille au grain, au cas où…

La partie verte (le zeste) est alors mise à macérer dans des bidons avec l’alcool. L’alcool utilisé est de l’alcool surfin agricole titrant 96 % vol., auquel on ajoute de l’eau pour faire descendre le degré à environ 27 % vol. La macération dure environ huit jours. L’alcool permet de dissoudre les extraits aromatiques composés. Cette opération débouche sur la distillation. Le site emploie vingt personnes et ne connaît pas de saisonnalité, contrairement au Cognac. La distillerie fonctionne en moyenne quatre jours par semaine mais le rythme peut s’accélérer selon les besoins.

A Bourg-Charente, à l’arôme du Cognac est venu se mêler le parfum d’orange. Une passerelle entre la vieille Europe et les Caraïbes.

Grand Marnier Titanium – Au bout de la nuit

Si on voulait être trivial, on pourrait dire qu’il s’agit « d’une boisson de mec ». Le nouveau né de Grand Marnier n’est pas une liqueur mais un spiritueux (sans sucre). Il s’adresse à une tribu plus masculine et rajeunie. Un vrai challenge pour la marque.

Sur le million de cols vendu annuellement par la société Marnier-Lapostolle, 60 % partent aux Etats-Unis. C’est le marché phare de la marque. Eh bien, c’est sur ce marché que va être testé Grand Marnier Titanium, produit voulu et soutenu par Alexandra Marnier-Lapostolle, présidente de la branche US de la société.

Avec Titanium, l’idée est de se démarquer de Grand Marnier Cordon rouge ; jouer sur un registre différent. Les bars à cocktails sont le domaine d’excellence de Grand Marnier Cordon rouge ! A Titanium les bars de nuit. « Nous avons souhaité élaborer un produit qui se consomme seul, sur glaçons, pas forcément en cocktail. La cible consommateur est masculine et plus proche des 25-35 ans que des 30-50 ans » explique Alexandra Marnier-Lapostolle.

Dans la galaxie de la marque, Grand Marnier Titanium introduit un autre genre de rupture. Ce n’est plus une liqueur (teneur minimale en sucre) mais un spiritueux. Si l’essence d’orange et le Cognac se tutoient dans l’assemblage, on ne retrouve pas une once de sucre. Pour un liquoriste, quelque chose qui frôle la damnation.

Sur le marché ultra compétitif qu’est l’Amérique du nord, il fallait un packaging à la hauteur du challenge. La maison a développé avec l’un de ses fournisseurs une bouteille innovante, à l’aspect métallisé. Sans vraiment casser les codes de la marque – même bouteille « iconique » – elle les actualise à fond. La bouteille sera vendue quelques dollars de plus que Grand Marnier Cordon rouge. « Il n’y aura pas cannibalisation » incline à penser la présidente de la branche US. En septembre prochain, le produit va être introduit sur quatre marchés test : Washington, Floride, Chicago et New York. Autant dire la moitié des Etats-Unis. Si tout se passe bien, il pourra entamer une carrière « offshore », ailleurs dans le monde.

 

 

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