A quelle date s’est mise en place la politique contractuelle chez Camus ?
Elle remonte à une trentaine d’années. Auparavant, la maison s’approvisionnait davantage via les distillateurs et les marchands en gros. Et puis, au milieu des années 80, la société a souhaité infléchir sa politique. Aujourd’hui, une partie importante de nos volumes provient du cadre contractuel, notamment pour toutes nos qualités supérieures. Nos contrats sont presque tous des contrats de bonne fin glissants à trois ans. La reprise s’effectue en pourcentages de comptes 0/2/ 4 ou 6, au choix du viticulteur. Le contrat glissant signifie qu’il y a toujours besoin d’un préavis – de trois ans en l’occurrence – pour dénoncer le contrat. Ce type de contrat offre plus de latitude au livreur pour raisonner ses investissements, se projeter dans le futur. Prenons l’exemple de la récolte 2012. Si un viticulteur a un engagement jusqu’au compte 6, cela lui donne une visibilité jusqu’en 2019 et, avec les trois ans glissants, jusqu’en 2022. Il s’agit tout de même d’une sécurité.
Sur quelles caractéristiques du contrat insisteriez-vous ?
A la différence de certains contrats plus ou moins unilatéraux proposés par d’autres maisons, dans notre contrat, les deux parties s’engagent, sur des dates de reprise et sur des prix. Les deux sont définis à l’avance. Je ne reviendrai pas sur la notion de durée. En ce qui concerne le prix minimum garanti, il couvre plus que le coût de revient additionné des frais de distillation, de stockage et de financement. Il se bonifie par un complément de prix et/ou une notion de prime qualité. Les deux peuvent jouer simultanément, en fonction des années, de la conjoncture, de la progression de nos ventes sur les marchés. A cela s’ajoute un système de notation de la qualité des vins, des eaux-de-vie livrées, de la fidélité, du respect des engagements contractuels. Si, pour leur majorité, les eaux-de-vie sous contrats de bonne fin sont encore logées dans nos chais, de plus en plus de viticulteurs stocks chez eux. Cette option, comme la montée en comptes d’âge, reflète bien l’évolution régionale. La recherche de plus-value passe par le portage du stock.
On a pu entendre ici et là que la maison Camus payait moins cher que ses confrères.
Aujourd’hui, je crois pouvoir dire que nous sommes tout à fait dans le marché. Certaines fois, nous sommes mieux placés que d’autres maisons, d’autres fois un peu moins. En 2012, nos prix ont progressé de 10 %. Sur les trois ou quatre dernières années, nous avons appliqué des hausses considérables. Par ailleurs, la maison Camus entretient un relationnel fort avec ses livreurs. Une proximité existe entre eux et nous. Autant Nathalie Marchais, responsable des relations avec les viticulteurs, que moi-même, sommes toujours accessibles.
La maison Camus achète dans tous les crus.
En effet, il s’agit d’une de nos spécificités. Nous avons toujours acheté dans tous les crus de la région de Cognac, y compris dans les « crus à terroirs », pour ne pas dire les Bois Ordinaires. Nous travaillons avec l’île de Ré depuis une dizaine d’années. Par expérience, nous savons que chaque cru recèle des choses intéressantes. Notre travail consiste à mettre en valeur la typicité de tous les terroirs. Notre gamme compte deux mono-crus, île de Ré et Borderies.
Vous distillez avec les lies ?
En effet, nous poussons l’ensemble de nos livreurs à distiller avec les lies, pour aller chercher le meilleur, le potentiel aromatique, les esters. Bien sûr, nous faisons de même dans notre propre distillerie, au lieu-dit le Buisson, à Saint-Laurent-de-Cognac. Equipée de huit alambics de 25 hl vol., la distillerie traite une partie de nos contrats. A titre d’anecdote, la distillerie, de par sa proximité avec Revico, est la seule à déverser directement ses effluents de distillation à l’unité de dépollution.
En période de distillation, nous organisons régulièrement avec nos bouilleurs de cru des matinées « mises au courant » au pied de l’alambic. Nous parlons méthodes de distillation, équipements, automates et surtout nous goûtons les eaux-de-vie. Nous échangeons sur les litres de têtes à prélever en début de chauffe de vin, en début de bonne chauffe. Une sensibilisation aux aspects de tri, de sélection.
Comment qualifieriez-vous le « style » Camus ?
Au niveau de la distillation, je définirais notre approche par une recherche importante d’esters, d’arômes, de typicité. Quant au vieillissement, nous le préférons plutôt subtil. Nous n’aimons pas que nos Cognacs soient très boisés. Nous privilégions un vieillissement grains fins, grains moyens, chêne français. Je serais tenté de dire qu’un pourcentage relativement faible de fûts neufs nous convient. A l’analyse, nos Cognacs affichent une teneur en polyphénols (en tanins) généralement très inférieur à beaucoup de Cognacs. Nous ne souhaitons pas un Cognac « de mode », du type de ceux que l’on peut trouver sur les marchés, avec beaucoup de bois, très sucrés. Nous cherchons des choses plus subtiles, plus « Cognacs de connaisseurs », pour marchés matures. Que ce soit sur les VS, VSOP ou XO, nos clients aiment à retrouver un cru, une notion de terroir.