Le Cadre Légal

15 mars 2009

La Rédaction

drapeau_europe_opt.jpegLa liberté de circulation des personnes dans l’espace Schengen ne présume pas d’une totale libéralisation du travail à l’intérieur de l’UE à 27. Durant une période intermédiaire, les conditions de travail restent très encadrées pour les ressortissants d’un certain nombre de pays européens.

 

 

Quand on parle du travail de ressortissants européens, encore faut-il savoir ce qui est visé ? Est-ce l’emploi d’un salarié permanent, d’un ouvrier saisonnier (activité salariée dans les deux cas) ou bien un apport de main-d’œuvre par le biais d’un contrat d’intérim ou d’un contrat prestation de service ? Selon les différentes options, le cadre réglementaire variera.

emploi d’un salarié permanent ou occasionnel

Sauf erreur, à ce jour, seuls les ressortissants des quinze premiers pays membres de l’UE (1) ainsi que ceux de Malte et Chypre sont directement employables et peuvent donc être embauchés sans autre formalité comme salariés permanents ou occasionnels par les entreprises françaises. Les ressortissants des dix pays entrés dans l’UE en 2004 (2) – moins Malte et Chypre – ainsi que les ressortissants bulgares et roumains entrés le 1er janvier 2007, sont soumis à des mesures restrictives d’accès au marché français du travail pendant une période transitoire. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que l’embauche de ces salariés est soumise à autorisation et que les contrats de travail sont limités dans le temps. Par définition, il ne peut donc s’agir que d’emplois saisonniers (voir encadré). Cette période transitoire va courir au plus tard jusqu’au 1er mai 2011 pour le premier « pack » de pays et jusqu’au 1er janvier 2014 pour la Bulgarie et la Roumanie. Parmi la liste des 150 métiers « en tension » ouverts aux demandes d’autorisation de travail des nouveaux ressortissants européens, figurent les métiers de maraîcher- horticulteur, arboriculteur-viticulteur.

des contrats spécifiques
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Mais l’apport de main-d’œuvre peut également passer par d’autres canaux que l’emploi direct. L’entreprise peut recourir aux services d’une société de travail temporaire étrangère (société d’intérim). Elle a aussi la possibilité d’entrer en contact avec une société étrangère, avec laquelle elle établira un contrat de prestation de service. Ces contrats de service, très encadrés juridiquement, sont surveillés à la loupe par les pouvoirs publics, Inspection du travail, Direction du travail et de l’emploi. L’objectif est de lutter contre le travail dissimulé ou le prêt de main-d’œuvre illicite. Pour ce faire, société de travail temporaire comme prestataire de service devront montrer « patte blanche ». On exigera d’eux des garanties financières (caution bancaire…) qui prouveront qu’ils sont capables de garantir les rémunérations et accessoires de rémunération des salariés mis à disposition des entreprises françaises. Ils devront être en mesure de fournir à l’exploitant agricole un ensemble de documents officiels. Qui plus est, une attention toute particulière portera sur le lien de subordination des salariés vis-à-vis de l’encadrement. Car il faut savoir qu’aussi bien pour le contrat d’intérim que pour le contrat de prestation de service, l’employeur du salarié n’est pas l’entreprise utilisatrice (l’exploitation agricole en l’occurrence) mais la société de travail intérimaire ou l’entreprise de prestation de service. Il ne doit donc pas avoir de lien de subordination entre le salarié étranger et l’entreprise qui « l’emploie », au sens vernaculaire du terme. Au risque, sinon, de prêter le flanc à un délit de « marchandage », un délit vieux comme le monde qui, en droit social, sanctionne le prêt de main-d’œuvre à but lucratif et la fausse sous-traitance. L’entreprise utilisatrice (l’exploitation agricole) en ferait les frais, en voyant son contrat d’entreprise requalifié en contrat de prêt de main-d’œuvre illicite. Elle s’exposerait alors à une lourde amende, voire à une peine d’emprisonnement pour infraction à la législation du travail. Ceci étant, sur ces questions, il n’est pas toujours facile d’y voir clair.

En ce qui concerne l’intérim par exemple, si c’est bien la société de travail temporaire qui, juridiquement, est l’employeur du salarié, l’entreprise utilisatrice gère les conditions d’exécution du travail. Par contre, impossible de déroger à la règle qui veut que ce soit l’entreprise de travail temporaire qui paie le salarié.

travailler en totale autonomie

En matière de prestation de service, les choses sont plus claires. Les salariés doivent travailler en totale autonomie. Le prestataire doit conserver l’autorité sur le personnel et exercer un contrôle sur la réalisation du travail en encadrant sur place ses salariés. Le prestataire assure la responsabilité de l’exécution des travaux. Par ailleurs, il est dit que « la prestation de service est par nature temporaire et non durable, puisqu’elle a pour objet la réalisation d’un travail précis ». Si le recours à de la main-d’œuvre étrangère représente une formule attractive, la vigilance est donc de rigueur pour les employeurs français, même si l’on peut penser que les flux migratoires « d’immigrés sans immigration » vont se pérenniser et, d’une certaine manière, se normaliser.

D’ailleurs, il serait faux de considérer la circulation des travailleurs comme un phénomène nouveau. Il s’agit au contraire d’une forme très ancienne d’organisation du travail et de répartition des richesses. De richesses, l’Europe centrale en a bien besoin et surtout la population rurale, qui fournit le gros des travailleurs étrangers. Ce que l’on nomme parfois abusivement « l’Europe sociale » a-t-elle des chances de devenir une Europe solidaire ?

Des travailleurs saisonniers polonais

En viticulture et arboriculture, la Charente compte plusieurs contrats de travailleurs saisonniers polonais, employés en CDD par les entreprises.

L’embauche temporaire de travailleurs issus de Pologne mais aussi d’Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République tchèque, Roumanie et Bulgarie est soumise à deux conditions : l’octroi d’un titre de séjour “salarié” et d’une autorisation de travail.

Carte de séjour temporaire – Elle est valable pour une durée maximale d’un an. Seule la carte de séjour temporaire portant la mention “salarié” permet de travailler en France. Si le titulaire est toujours salarié au moment de sa demande de renouvellement, elle est renouvelable de plein droit. Par contre, s’il est privé d’emploi au bout du 2 ème renouvellement, elle pourra lui être refusée. Une carte de séjour permanente peut être délivrée aux étrangers séjournant régulièrement en France depuis 3 ans et de plein droit à plusieurs catégories de personnes ayant des attaches familiales. Elle est valable pour une durée de 10 ans.

Autorisation de travail – L’employeur dépose une demande d’introduction de salarié auprès de Direction Départementale Travail Emploi et Formation Professionnelle (DDTEFP) qui l’instruit. Avant de délivrer l’autorisation, la DDTE interroge les services de l’Inspection du travail, pour vérifier si l’entreprise respecte les règles d’hygiène et de sécurité et n’est pas sous le coup d’un procès-verbal pour travail dissimulé.

Durée des contrats saisonniers – La durée totale du contrat saisonnier d’un travailleur étranger ne peut en principe excéder six mois sur douze mois consécutifs. De plus, un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats saisonniers pour une période supérieure à douze mois sur douze mois consécutifs

Versement d’une taxe à l’ANAEM (Agence nationale pour l’accueil des étrangers et des migrations) – L’employeur d’un saisonnier étranger s’engage à verser une redevance forfaitaire à l’ANAEM, d’un montant de 158 € si la durée du contrat est inférieure à 2 mois ; 194 € de 2 à 4 mois, 336 € de 4 à 6 mois, 473 € si, à titre exceptionnel, le contrat dépasse 6 mois sans excéder 8 mois.

Salaire – Ce sera le salaire applicable en France, selon la convention collective en vigueur, avec déclaration à la MSA, pour acquittement des charges sociales aux conditions du pays d’accueil.

 

 Une récente étude du GEOPA (Groupe des employeurs des organisations professionnelles agricole de l’UE), parue en septembre 2007, met le doigt sur l’état de délabrement de l’agriculture dans de nombreux pays de l’ex bloc soviétique. « Les nouveaux Etats membres ne se préoccupent pas de leur agriculture. Ces pays, qui étaient exportateurs de produits agricoles, vont devenir importateurs, comme c’est déjà le cas en Tchéquie. Le secteur agricole sera durement affecté par cette évolution. En quelques années, de deux à quatre millions d’agriculteurs devront quitter l’activité en Bulgarie et Roumanie et il y en aura presque autant dans les huit autres pays de l’Europe centrale. C’est donc une véritable catastrophe qui se profile. » Un expert hongrois confirme : « Après les bouleversements politiques de 1990, les deux tiers des entreprises agricoles – principalement des coopératives et des exploitations d’Etat – ont très rapidement perdu des emplois en raison de la crise économique et de la restructuration forcée de l’agriculture. Cette tendance perdura : entre 1990 et 2004, 8 à 10 000 emplois ont été supprimés chaque année. La contribution du secteur agricole au PIB national s’amenuise et la production agricole est désormais déficitaire. Le manque de rentabilité a des conséquences sur le revenu des salariés agricoles, qui est d’environ 30 % inférieur à la moyenne nationale. La plupart des salariés agricoles ne perçoivent que le salaire minimum. »

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