L’observatoire de la résistance au mildiou de Charentes Alliance

4 juin 2013

Le mildiou en 2012 a mis à mal beaucoup de calendriers de traitements dont certains présentaient des failles et d’autres pas. Le service technique de Charentes Alliance a été sollicité par les équipes de terrain pour comprendre un certain nombre de situations d’échecs. Les conclusions de ce travail ont débouché sur la mise en place en Charente et en Charente-Maritime d’un observatoire de la résistance à diverses familles de fongicides anti-mildiou. Cet état des lieux représente une nouvelle source d’informations permettant, d’une part, de mieux gérer les choix des différentes matières actives dans les calendriers de traitements 2013 et, d’autre part, d’anticiper l’apparition d’éventuelles dérives d’efficacité des produits.

p33.jpgA l’issue de la campagne 2012 très compliquée en matière de lutte contre le mildiou, la coopérative Charentes Alliance s’est intéressée aux problèmes de résistances. Patrick Mandon, l’animateur terrain, considère que l’épidémie de mildiou en 2012 a à la fois conforté un certain nombre de certitudes techniques et aussi soulevé de nouvelles interrogations : « Dans le cadre d’une année à très forte pression de mildiou comme 2012, les dispositifs de protection mis en place par les viticulteurs ne devaient présenter aucune faille. La puissance de l’épidémie était telle que le moindre incident, un sous-dosage, une qualité de pulvérisation déficiente, des cadences de renouvellement inadaptées, un incident mécanique lors des traitements… a eu des conséquences lourdes. Nos équipes de terrain ont été confrontées à une diversité de situations d’échecs de la protection, dont certaines pouvaient être reliées à un événement précis et d’autres pas. Les résultats d’itinéraires de protection bien maîtrisés (en terme de dates d’application, de cadences de renouvellement et de qualité de pulvérisation) et incluant deux applications de fongicides à base de CAA positionnées en préventif n’ont pas été à la hauteur des attentes. L’identification de la cause de ces défaillances était au départ peu évidente à cerner ! L’analyse approfondie de divers itinéraires de protection nous a amenés à nous interroger sur d’éventuelles pertes d’efficacité des fongicides de la famille des CAA. Au sein de la coopérative, cela fait un certain nombre d’années que les calendriers de traitements intègrent en moyenne deux interventions de fongicides à base de CAA dont les applications sont préconisées en préventif. Néanmoins, avec la succession d’années à mildiou, 2007, 2008 et 2012, il est indéniable qu’une pression de sélection de mildiou a pu se produire dans le vignoble de Cognac. N’a-t-on pas assisté en 2012 à une érosion partielle de l’efficacité des fongicides à base de CAA ? Il nous a paru important de mettre en place une action technique pour répondre à cette question. »

De nouveaux outils d’aide à la décision pour pousser plus loin le raisonnement de la lutte

Le service technique de Charentes Alliance a décidé, au cours de l’été 2012, de mettre en œuvre une démarche d’étude des phénomènes de résistance au mildiou de plusieurs familles de fongicides. L’objectif de la démarche est de construire une stratégie pluriannuelle de surveillance de la résistance au mildiou sur l’ensemble de l’aire d’activité de la coopérative. Un partenariat a été noué avec Hervé Stéva, du cabinet CJH, pour mettre en place toutes les démarches de prélèvements d’échantillons et ensuite la réalisation des analyses (par le laboratoire Conidia). P. Mandon explique que cette initiative atteste de la volonté de la coopérative de se doter de moyens nouveaux pour proposer aux adhérents des conseils plus efficients, plus respectueux de l’environnement : « La protection du vignoble connaît une profonde évolution avec la prise en compte des nouvelles exigences environnementales fixées dans le cadre du plan Ecophyto. L’objectif de réduction d’utilisation des intrants phytosanitaires doit être abordé de façon réaliste en s’appuyant sur plus de technicité. Les aspects de conseils vont prendre dans les années à venir une place de plus en plus importante dans l’activité des techniciens de terrain. Leur rôle prioritaire sera à terme d’aider les viticulteurs à se doter d’éléments d’information pour pousser plus loin le raisonnement des stratégies de lutte contre les principales maladies. Le développement de réseaux d’observation de terrain, d’essais plus spécifiques et la mise en place de nouveaux outils d’aide à la décision sont des axes de travail permanent au sein de la coopérative. Nous disposons d’un service technique de 3 personnes qui toute l’année travaillent sur les problématiques de protection du vignoble. Le nouveau réseau de surveillance de la résistance au mildiou s’inscrit dans cette logique d’apport de technicité. Notre rôle d’interlocuteur privilégié auprès des viticulteurs doit désormais reposer sur une expertise technique solide et indépendante. C’est une évolution inéluctable de notre métier. »

Un réseau de surveillance de 58 points de prélèvement

La mise en place du réseau de surveillance de la résistance a concerné deux familles de fongicides, les CAA et QII. Les 58 prélèvements ont été effectués au mois de septembre dernier sur des sites dont les programmes de traitements avaient intégré en moyenne 2,35 applications de produits à base de CAA. 42 % des parcelles avaient été protégées à deux reprises et 32 % des autres sites avaient reçu trois applications dont une positionnée en curatif. Enfin, 11 % des sites prélevés ont été traités 4 fois ou plus avec des produits à base de CAA. Dans cette dernière situation, plusieurs applications sont intervenues de façon curative pour endiguer une épidémie déclarée qui a fait malgré tout des dégâts. Initialement, l’ensemble des calendriers de traitements avait été construit pour positionner les deux applications de manière dissociée et en préventif par rapport au développement de l’épidémie.

Une résistance généralisée au CAA et une situation saine pour les QII

La pression de mildiou extrême en 2012 a engendré certains excès d’utilisation dont les conséquences sont préjudiciables à l’efficacité de cette famille de fongicides. P. Mandon n’a pas été réellement surpris par les résultats qui font état d’une situation de résistance au CAA quasi généralisée : « Les résultats de l’étude de la résistance sur les 58 prélèvements ont révélé que toutes les populations renferment plus de 30 % de phénotype résistant au CAA. La moyenne de la présence des souches résistantes dans les échantillons est de 86,9 % et, dans certaines situations, la totalité de la population est devenue résistante. Indéniablement, la situation est très critique car moins de 20 % des parcelles ne sont pas concernées par la résistance. Cet état des lieux de la résistance aux CAA en 2012 a contribué à alimenter la réflexion technique de la coopérative pour construire les calendriers de traitements 2013. Un seul traitement à base de CAA positionné en préventif a été proposé aux adhérents. Les techniciens ont aussi la consigne de ne plus préconiser ces produits en curatif sur du mildiou déclaré. Le même travail de recherche de phénotypes résistants aux QII a été réalisé sur les 58 échantillons, qui a révélé seulement 4 sites de populations résistantes. La situation est donc saine avec les QII mais il convient de faire preuve de vigilance dans leur utilisation pour préserver leur efficacité. Notre suivi de la résistance est justement un moyen d’anticiper l’apparition de nouveaux problèmes de dérive d’efficacité avec les QII, mais aussi dans l’avenir avec d’autres familles de fongicides. »

Un observatoire de la résistance pluriannuel

Le service technique de Charentes Alliance a l’intention de poursuivre pendant plusieurs années la surveillance des résistances au mildiou, car c’est véritablement un outil pour gérer plus efficacement l’utilisation des différentes familles de matières actives. Le renouvellement des gammes de fongicides anti-mildiou repose essentiellement sur des innovations avec des produits ayant des modes d’actions unisite sur le champignon. Ces spécialités sont toutes potentiellement susceptibles de favoriser l’émergence de phénomènes de résistance. Cela justifie aussi pleinement la mise en œuvre d’un observatoire pluriannuel de la résistance au cœur de la région de Cognac. Par ailleurs, au niveau des CAA, la poursuite des tests de résistance durant les deux ou trois années à venir permettra d’apprécier les conséquences de la baisse d’utilisation de ces produits. La résistance est-elle en mesure de régresser ? On peut imaginer qu’un travail du même type sur les anilides serait aussi très intéressant. Le service technique de la coopérative réfléchit aussi à la mise en place de tests de résistance à l’oïdium, suite à l’apparition de phénomènes de résistance aux QOI dans le Gers.

 

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