l’INRA de Bordeaux, deader des recherches sur le biocontrôle en vigne

17 août 2017

     Denis Thiéry, le directeur de l’unité  Santé et agroécologie du Vignoble de l’INRA de Bordeaux est un expert des pratiques de lutte de biocontrôle en vigne.  Cette unité de recherche est composée d’une équipe d’une quarantaine de chercheurs qui travaillent sur de nouveaux concepts de lutte biologique. De part sa formation d’entomologiste, le chercheur est un grand spécialistes des insectes qui s’est beaucoup intéressé au mode de vie des vers de la grappes et aux méthodes de luttes alternatives à l’usage des insecticides. Il considère que la protection du vignoble pourra bénéficié d’innovation très importantes dans la décennie  à venir si les recherches bénéficient d’un soutien actif.


– Le Paysan Vigneron : – La lutte biologique est-elle actuellement un axe de recherche prioritaire au niveau de la protection des cultures ?

 

-Denis Thiéry : – Le ministère de l’agriculture à la fin des années 2000 a clairement souhaité renforcer les recherches sur toutes les stratégies de lutte alternative aux méthodes de protection conventionnelle avec des intrants chimiques. L’INRA au niveau national s’est clairement engagé depuis 10 ans dans des études de démarches alternatives englobant des travaux sur le matériel végétal et la lutte biologique. De gros efforts budgétaires ont été consacrés pour relancer toutes les recherches qui permettent de diminuer l’utilisation des pesticides. Cette nouvelle dynamique concerne à la fois les grandes cultures, l’arboriculture et la vigne. L’INRA de Bordeaux de par l’antériorité des travaux au niveau de la vigne est devenu en quelque sorte une unité pilote sur cette culture.

 

– Le Paysan Vigneron : – Pensez-vous que les stratégies de lutte biologique en vigne pourront être à terme aussi efficientes que l’utilisation des intrants chimiques ?

 

-Denis Thiéry : – Aujourd’hui, nous ne possédons pas encore d’alternatives à la lutte chimiques vis-à-vis des maladies majeures de la vigne, le mildiou, l’Oïdium et le botrytis. Il faut 20 ans pour créer de nouveaux concepts de lutte et des nouveaux produits. Certes, on a pris du retard mais depuis 10, le soutien pour l’étude des stratégies de lutte naturaliste est fort. Je pense réellement qu’en matière de lutte biologique et de biocontrôle, de nombreuses pistes d’études sont porteuses d’espoir et déjà quelques résultats concrets ont été obtenus. Il faut créer une filière d’étude large sur tous ces sujets en impliquant, les professionnels des différentes régions viticoles, les techniciens et les viticulteurs sur le terrain et aussi des fournisseurs pour valoriser les acquis.

 

 

– Le Paysan Vigneron : – Quels sont les axes de recherche de l’unité santé & agro-écologie du vignoble à l’INRA de Bordeaux que vous dirigez ?

 

– Denis Thiéry : – L’unité regroupe des équipes de chercheurs qui sont des spécialistes des maladies et des ravageurs de la vigne. Depuis 10 ans, les mécanismes de régulation naturels qui permettent d’optimiser la mise en œuvre des pratiques de lutte biologiques et de biocontrôle, sont devenus des thèmes d’études prioritaires. Cela concerne les éléments liés directement à la plante et à tous les facteurs liés à la parcelle. On cherche à comprendre pourquoi certains sites et certains cépages sont plus sensibles à des attaques de vers de la grappe, de mildiou, …. alors que d’autres le sont beaucoup moins. Les méthodes d’entretien des sols, l’établissement et la conduite des souches, l’architecture de inflorescences et des grappes, l’environnement de la parcelle (une situation de monoculture ou la présence d’autres cultures, de zones sauvages, de haies, … jouent un rôle sur la capacité de la vigne à être plus ou moins réceptives aux agressions des divers paraistes et insectes. Ce type d’approche doit permettre de construire des stratégies de lutte innovantes beaucoup plus en phase avec le respect environnemental. Les travaux engagés ont déjà débouché sur des éléments concrets qui sont à l’origine de diverses méthodes de lutte biologiques nouvelles, la confusion sexuelle, les trichogrammes et les insectes parasites.

 

      – Le Paysan Vigneron : – Les recherches sur des méthodes de lutte alternatives contre les vers de grappes bénéficient d’avancées significatives ?

 

Denis Thiéry : – Mon équipe et moi avons beaucoup travaillé sur les vers de la grappe depuis 25 ans. L’étude des cycles de développement de l’eudémis et de la Cochylis ont révélé diverses choses essentielles pour comprendre les différences de dynamiques de ces populations de ravageurs. On s’est attaché à mieux comprendrecomment ces insectes vivaient. Des acquis nouveaux ont été obtenus sur la dynamique des pontes, les éléments influençant la fécondité des femelles (le facteur cépage, le choix des mâles au moment de l’accouplement, l’environnement et la biodiversité des parcelles, … ), l’appétit des chenilles, leur sensibilité à la climatologie (températures), la durée des cycles, leur développement variable selon les cépages, … . L’ensemble de ces éléments influencent directement la dynamique de développement des insectes dans leur environnement. L’étude fondamentale de tous ces éléments a contribué à affiner fortement les méthodes de lutte et tout particulièrement travailler sur des méthodes biologiques. Après une grosse quinzaine d’années de travail sur tous ces sujets, mon équipe et moi pensons que les stratégies de biocontrôle contre les vers de la grappes représentent une alternative efficace aux applications d’insecticides traditionnels.

 

– Le Paysan Vigneron : – Il vous paraît donc réaliste d’envisager de lutter contre les vers de grappes en utilisant des stratégies de lutte de biocontrôle ?

 

– Denis Thiéry : – Effectivement, nous sommes convaincus que l’utilisation judicieuse de stratégies de lutte comme la confusion sexuelle et les applications de bio-insecticide BT (Bacillus Thuringiensis) sont aujourd’hui efficaces quand leur positionnement est parfaitement maîtrisé. Le comportement des vols d’eudémis et de Cochylis est soumis à des effets locaux que seule, la mise en place de réseaux de piégeages (sexuel et alimentaire) permet d’apprécier de façon juste. Les informations de suivi des captures issues du terrain « nourrissent » la réflexion sur la dynamique des vols de première et de seconde générations et permettent de suivre l’efficacité des stratégies de lutte. L’utilisation des insecticides d’origine naturelle à base de BT nécessite de l’expertise et un encadrement technique sérieux pour surveiller l’étalement des pontes. L’intervention doit être réalisée au moment le plus opportun sinon elle est moins efficace. Les spécialités commerciales à base de BT en vigne n’ont jamais réellement convaincu en raison de leur durée d’action limitée qui est liée à des problèmes de formulation. Nous sommes convaincus que si les industriels travaillaient sur les aspects de formulation, l’utilisation des bio insecticides à base de BT décollerait. La confusion sexuelle a été développée dans les laboratoires de l’INRA de Bordeaux et elle représente une alternative innovante à la lutte chimique. Le projet de créer des diffuseurs de phéromones a mobilisé beaucoup d’énergies et nous regrettons qu’il se soit au final peu développé. Seulement deux fournisseurs, BASF et Biogard se sont intéressés à cette technique qui actuellement est utilisée sur environ 10 000 ha de vignes en France. L’utilisation des trichogrammes et  l’implantation d’insectes parasites sont également des pistes qui présentent de l’intérêt. Leur développement devrait se poursuivre dans les années à venir.

 

– Le Paysan Vigneron : – D’autres projets de stratégies de biocontrôle sur les maladies cryptogamiques de la vigne sont-ils en cours au sein de l’INRA de Bordeaux ?

 

– Denis Thiéry : – L’unité travaille sur beaucoup de projets concernant les maladies de la vigne, le mildiou, l’oïdium, le botrytis, les maladies du bois et il y a dans nos laboratoires des résultats intéressants qui n’ont pas encore trouvé de débouchés. Cela peut paraître paradoxal, mais les connexions avec les fournisseurs sur tous les sujets de lutte biologiques sont difficiles. Les grandes firmes produisant des intrants phytosanitaires qui ont longtemps participé à des actions de recherche, sont moins nombreuses et aussi moins présentes. Des PME de taille plus petites commencent à s’intéresser aux concepts de biocontrôle mais leur niveau de soutien n’est pas du tout comparable par exemple aux investissements privés dans les recherches en œnologie. Le budget pour recruter un ingénieur en CDD s’élève à 45 000 € et le financement d’une thèse durant trois revient à 90 000 €. Des équipes de l’INRA ont noué des partenariats avec plusieurs nouvelles sociétés qui s’intéressent notamment aux extraits d’algues. Des essais de plein champs d’utilisation de solutions de micro-organismes antagonistes au botrytis sont aussi en cours.


– Le Paysan Vigneron :
– L’intérêt des fournisseurs pour les résultats des recherches sur l’utilisation des produits de biocontrôle vous paraît jusqu’à présent trop limité ?

Denis Thiéry : – Le travail de « screening » sur les bienfaits de diverses substances d’origine naturelles que nous réalisons est réellement porteur d’espoir. Notre souhait est de pouvoir en quelque sorte passer la vitesse supérieure en nouant des partenariats avec des industriels qui eux, seront en mesure de finaliser le développement des futurs produits de biocontrôle. Cela nous paraît être le moyen d’aller jusqu’au bout des démarches et de pouvoir mettre à disposition des vignerons des solutions alternatives à la lutte chimique dans des délais corrects. Plus on a de moyens, plus on cherche et plus on a de chance de développer des choses innovantes. Les partenariats historiques avec le CIVB (comité interprofessionnel des vins de Bordeaux) ont été et restent très importants pour notre unité de recherche. Le soutien du Cognac Jas Hennessy aux travaux de recherche sur le dossier des maladies du bois représente une nouvelle opportunité très intéressante. Il s’agit pour l’instant d’une initiative unique au service de l’innovation dans le vignoble que l’on ne peut que saluer.

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