L’Incidence Du Déroulement des vinifications sur la qualité des eaux-de-vie 2001

27 décembre 2008

A l’issue de cette campagne de distillation, Georges Clot, le maître de chai de la société Rémy Martin, considère que les températures élevées du mois d’octobre ont perturbé le déroulement des vinifications et cela a eu une incidence déterminante sur les caractéristiques aromatiques des eaux-de-vie nouvelles 2001. Les titres alcoométriques élevés de vins ne constituent pas un critère de qualité et les niveaux d’acidités relativement élevés contribuent à l’extériorisation du potentiel aromatique des eaux-de-vie dans la mesure où la conduite de la distillation tient compte des caractéristiques des vins mis en chaudières.

georges_clot.jpgDepuis une vingtaine d’années, il est indéniable que la teneur en alcool des vins de distillation a tendance à augmenter. Le meilleur entretien du vignoble, et notamment le suivi rigoureux de la protection phytosanitaire, permet de maintenir un feuillage fonctionnel beaucoup plus tard en saison. Le souci de maîtriser les coûts de production et l’introduction de limites de rendements ont incité les viticulteurs à mettre en œuvre des méthodes culturales qui réduisent la vigueur et favorisent l’augmentation du degré potentiel des moûts au moment de leur récolte. Georges Clot, le maître de chai de la société Rémy Martin, considère effectivement que l’on a plus de chance d’élaborer des eaux-de-vie aromatiques avec des vins d’un TAV de 9 % vol. qu’avec des productions de 10,5 à 11 % vol. Néanmoins, la richesse en alcool n’est pas en soit le critère de qualité de référence car, par exemple en 1999, les teneurs en alcool des vins étaient faibles et la qualité des eaux-de-vie était moyenne. Les fortes pluies de l’automne avaient entraîné une dégradation de l’état sanitaire, et une dilution des teneurs en sucre et de l’acidité. Par contre les TAV relativement élevés des vins des deux dernières récoltes ont permis d’élaborer des eaux-de-vie d’une qualité différente. Les productions de 2001 sont moins bonnes que celles de l’année précédente, ce qui confirme l’importance d’autres éléments dans la définition du profil de qualité idéal des vins de distillation.

Les fortes températures durant la vinification ont eu une incidence sur l’équilibre qualitatif des vins

Les vins ayant un degré moyen semblent qualitativement intéressants pour la distillation par le fait qu’ils possèdent des niveaux d’acidité plus élevés. Les techniciens de la société Rémy Martin considèrent que des vins ayant des niveaux d’acidité totale supérieurs à 4,5 à 5 g/l (pH inférieur à 3,2-3,3) sont qualitativement intéressants pour la distillation en raison de son rôle au niveau de la conservation et de la concentration en esters aromatiques. Par ailleurs, les vins acides possèdent en général des TAV moyens, ce qui facilite le déroulement de la cinétique fermentaire régulière et sans excès thermiques. G. Clot considère d’ailleurs que les différences de qualité entre 2000 et 2001 sont principalement liées aux conditions de déroulement des fermentations alcooliques. Lors des dernières vendanges, la climatologie très chaude a souvent rendu difficile la maîtrise du processus fermentaire alors qu’en 2000, des niveaux de températures plus frais avaient permis de gérer le déroulement des fermentations alcoolique d’une manière plus régulière et « tempérée ».

Le déroulement très rapide des fermentations alcoolique (en 3 ou 4 jours) provoque de fortes élévations de températures et cela a une incidence défavorable sur l’équilibre qualitatif des vins de distillation. Lorsque les températures de fermentation sont comprises entre 20 et 25 °C, la concentration des vins en substances aromatiques est nettement plus importante. A l’inverse, des températures trop élevées modifient le « fonctionnement » des populations de levures qui synthétisent plus d’alcools supérieurs et moins d’acides gras.

Des eaux-de-vie nouvelles en 2001 d’une qualité correcte mais hétérogène

En 2001, de nombreux échantillons de vins présentaient des niveaux d’alcools supérieurs élevés et les teneurs en acides gras étaient globalement plus faibles (et les lies étaient moins riches sur le plan aromatique). G. Clot juge la qualité des eaux-de-vie nouvelles en 2001 très correcte mais plus hétérogène que l’année précédente, et ses propos confirment en 2001 la forte relation entre la qualité du vin et celles des eaux-de-vie :

« Nous avons constaté cette année que les eaux-de-vie pouvaient avoir des caractéristiques aromatiques très différentes à quelques kilomètres d’intervalle. Le savoir-faire des bouilleurs de cru a souvent joué un rôle déterminant pour savoir tirer profit des moyens technologiques des installations vinaires et des distilleries. Certains lots présentaient à la fois une grande finesse et une structure intéressante, et l’apport des lies de qualité a pleinement contribué à l’obtention d’eaux-de-vie riches et équilibrées. Par contre, d’autres lots manquaient d’élégance et présentaient parfois une certaine lourdeur que la distillation avec lies n’a pas toujours arrivé à corriger. » L’époque de distillation interfère aussi sur l’extériorisation du potentiel aromatique des eaux-de-vie et les conditions climatiques de l’hiver 2001 permettaient d’envisager une conservation des vins sur toutes leurs lies pendant quelques semaines. C’est un facteur d’amélioration aromatique dont il faut essayer de tirer profit quand les vins son de parfaite qualité. Cela ne sert à rien de distiller précipitamment après la fin des vendanges, mais l’idéal est aussi d’avoir terminé la distillation à la fin du mois du février.

Les niveaux d’acidité plus élevés des vins font partie de la culture régionale

Les ingénieurs de la société Rémy Martin constatent que, depuis quelques années, les accidents de conservation des vins liés à une mauvaise hygiène vinaire sont de plus en plus rares. Le niveau de technicité des bouilleurs de cru en matière de vinification s’améliore et la conservation des vins sur toutes leurs lies sans adjonction de soufre pose de moins en moins de problèmes. Par ailleurs, ils estiment aussi que des niveaux d’acidité élevés des productions d’Ugni blanc sont en quelque sorte « culturels » et historiques dans la région de Cognac, et G. Clot a tenu des propos réalistes sur ce sujet :

« Pour les vins de distillation, la recherche du maximum de sucre au moment de la récolte ne constitue pas un objectif en soit. C’est également vrai pour les autres productions comme les vins de base mousseux ou les jus de raisin. Or, l’introduction du rendement agronomique volumique incite les viticulteurs à rechercher le maximum de degré pour optimiser leurs niveaux de valorisa-tion/hectare. En tant que maître de chai, je pense que l’introduction d’un rendement agronomique en alcool pur serait beaucoup plus en phase avec les attentes qualitatives de la production d’eaux-de-vie. Faire de la qualité, c’est prendre des risques et cela a effectivement un coût qu’il ne faut pas sous-estimer. Le système Rémy Martin de primes de qualité sur les eaux-de-vie nouvelle contribue justement à récompenser les efforts des bouilleurs de cru. »

Louis Nondeudeu, le responsable du service études et conseils, considère qu’il existe une relation de cause à effet entre des niveaux d’acidité plus élevés dans les vins et l’extériorisation d’arômes généreux dans les eaux-de-vie. Durant la distillation, il se produit dans l’alambic des réactions d’hydrolyse qui sont favorisées par des teneurs plus élevées en acides tartrique et malique, et cela conduit à la formation d’arômes.

Faire la Chasse aux arômes en segmentant plus finement les vapeurs à la mise au courant

La conduite de la distillation de vins dits forts (entre 10 et 11 % vol. et plus) doit être abordée différemment, surtout au niveau des approches de fractionnement des distillats. Le phénomène de concentration en alcool au cours de la distillation avec des vins de 11 % vol. est naturellement moins important et cela interfère sur la sélection de vapeur à l’intérieur des vapeurs. L. Nondeudeu considère que l’objectif de la distillation charentaise est de « faire la chasse » aux arômes quel que soit le degré alcoolique des vins. La mise en chaudière de vins forts conduit inévitablement à l’obtention de brouillis et d’eaux-de-vie plus forts, ce qui n’est pas contradictoire à l’extériorisation des arômes. La conduite des chauffes doit être adaptée à cette richesse alcoolique supérieure du produit de base, dans la mesure bien sûr où les vins sont d’une qualité parfaite sur le plan gustatif et analytique (absence d’acétate d’éthyle, d’éthanal, d’acétal, de marqueurs de la trituration). La notion de sélection gustative des vins avant leur distillation est très importante pour déterminer des groupes de qualité (de vins bons ou fragiles) en terme de richesse aromatique et d’équilibre.

Des travaux de la Station Viticole du BNIC ont mis en évidence que durant la distillation, le passage des substances aromatiques était important pendant les deux premières heures de coulage des brouillis et des bonnes chauffes. L. Nondeudeu considère qu’avec des vins forts, il est très important de segmenter les vapeurs durant la phase de mise au courant des bonnes chauffes afin de pouvoir mieux sélectionner les têtes. L’idéal est de réaliser une mise au courant progressive en diminuant les pressions de gaz à l’approche de l’ébullition des brouillis afin d’avoir un débit de têtes plus faible dont il sera facile d’optimiser les prélèvements. Lorsque les vins sont de bonne qualité, les taux de prélèvement des têtes peuvent être réduits à 4 à 5 l pour les chauffes de vins et autour de 15 l pour les bonnes chauffes (pour une chaudière de 25 hl), et ce type d’eaux-de-vie est naturellement enrichi en substances aromatiques. Les allures de coulage seront aussi ralenties pendant les deux premières heures (tant que la chaudière sera « riche en alcool ») et l’approche de la coupe. Les secondes sont coulées dans les brouillis jusqu’au niveau de 10 % vol. où les queues sont dirigées dans les vins. Cette dernière fraction de distillat est en général riche en produits lourds qui passent en fin de distillation, et le fait de les recycler dans les vins permet d’en diluer l’incidence.

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