Dossier LGV : Terres agricoles et viticoles

30 juillet 2012

Là ou passe la LGV SEA, paysages, jardins, bâtiments, maisons, mais aussi prairies, champs, vignes, forêts… doivent céder la place. C’est le tribut qu’il faut savoir payer au progrès… un tribut qui mérite cependant une juste compensation, d’autant plus sensible à mesurer lorsqu’il s’agit de terres agricoles ou viticoles, chargées du poids des traditions, du terroir, du travail, de la famille… En Charente, comme dans les 5 autres départements impactés par le tracé, les organisations professionnelles agricoles (Chambre d’Agriculture et FNSEA) sont en première ligne depuis le début du projet pour défendre les intérêts du monde agricole.

 

 

p21.jpg« Depuis le tout début du projet, les élus des organismes des 6 départements (Indre-et-Loire, Vienne, Deux-Sèvres, Charente, Charente-Maritime, Gironde) ont décidé de travailler en commun, dans un cadre interrégional, pour harmoniser les réponses apportées au monde agricole, explique Aurélie Joumier-Michaud, responsable du département foncier à la Chambre d’Agriculture de la Charente. Mais si les discussions et la concertation ont démarré très en amont, la participation des organismes professionnels agricoles pendant plusieurs années s’est surtout traduite par une présence sur le terrain, avec les représentants de RFF pour expliquer ce qui allait se passer. Et puis en 2005, le projet est devenu plus concret, on a senti un besoin de “mise en forme” des prochaines étapes. Un premier protocole a été signé en février 2006 autour des compensations pour les dégâts causés par les sondages géotechniques. »

Après ce premier accord, les négociations se sont poursuivies avec Réseau Ferré de France (RFF), pour aboutir à la signature d’un second protocole le 25 novembre 2009 qui statue sur :

• Les indemnisations pour l’occupation temporaire des terrains, telle que prévue par la déclaration préalable du projet. Cela comprend les diagnostics d’archéologies préventives, en passe d’être terminées, mais aussi, pour toute la durée des travaux, la présence d’entrepôts de matériel ou les « dépôts définitifs » (voir « En savoir plus »). Les compensations financières pour les dépôts prennent en compte le temps qui sera nécessaire pour que le terrain retrouve sa valeur productive d’avant travaux, un critère mesuré au préalable par des études agropédologiques (propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols).

• Les compensations des préjudices liés aux travaux, qui peuvent obéir à trois scénarios différents en fonction des choix effectués par les commissions communales d’aménagement foncier (voir « En savoir plus ») :

Scénario n° 1 – La commune ne fait aucun aménagement foncier (ex-remembrement). Dans ce cas de figure, les terrains agricoles traversés par la ligne sont achetés par COSEA, aux conditions prévues par le protocole. Pour les éventuels reliquats de terres agricoles ou viticoles de part et d’autre de la ligne, rien ne change. Les parcelles resteront exploitées telles quelles.

Scénario n° 2 – La commune opte pour « l’exclusion d’emprise ». Dans ce cas, en plus du rachat des terrains traversés, un aménagement foncier est effectué a minima sur le reliquat des terrains amputés, dans le but d’en faciliter les accès et l’exploitation. Le bouclage de ces dossiers d’exclusion est prévu pour 2015-2016. Les procédures ont été lancées au cours du premier semestre 2012.

Scénario n° 3 – La commune opte pour « l’inclusion d’emprise », c’est-à-dire qu’elle procède à un vaste aménagement foncier, sur un périmètre pouvant aller jusqu’à 20 fois l’emprise de la LGV sur la commune. Dans ce troisième scénario, on ne parle plus d’achat mais bien d’échange de terrains, un réaménagement rendu possible grâce aux réserves foncières constituées en amont par RFF puis COSEA. Pour permettre la mise en place de ces inclusions, un périmètre a été dessiné à l’aide de géomètres experts. Ce dernier a été entériné par une enquête publique. Ensuite, les différentes parcelles ont été classées par nature de production, qualité de sol, rendement, etc., par les commissions, avant une nouvelle enquête publique. Ce classement doit permettre de redistribuer les terrains aux propriétaires et aux exploitants en tenant compte de la qualité des terres agricoles qu’ils cultivaient avant l’aménagement foncier. C’est le Conseil Général qui mène à bien les décisions arrêtées et coordonne l’aménagement avec l’aide des cabinets de géomètres choisis par appel d’offre. Dès le second semestre 2012, pour les secteurs les plus avancés, les avant-projets de ces aménagements seront présentés aux commissions qui devront les étudier et statuer avant une dernière enquête publique. La clôture des premiers aménagements proprement dits est prévue fin 2013-début 2014. A noter par ailleurs que les exploitants sont indemnisés de la Privation de Jouissance de leurs terres agricoles occupées par les travaux pendant toute la durée de l’aménagement foncier.

En ce qui concerne les indemnités financières, si leur mode de calcul obéit au même principe dans tous les départements, elles ont été, pour des raisons fiscales, négociées au niveau de chaque région entre les différents partenaires. Elles prennent en compte le coût à l’hectare négocié pour chaque catégorie de terre agricole, mais aussi les améliorations réalisées sur les parcelles (irrigation, drainage, amendement…), la perte de revenus, les dépréciations de propriétés, les allongements de parcours…

En savoir plus :
* Les commissions communales ou intercommunales d’aménagement foncier : elles se composent d’élus locaux, de propriétaires élus par les conseils municipaux, d’exploitants désignés par les chambres consulaires et d’experts.
* Les « dépôts définitifs » sont des terrains utilisés pour accueillir les volumes de matériaux excédentaires pendant les travaux. Les parcelles concernées seront restituées à l’agriculture à l’issue des travaux de construction de la LGV.
* Ce sont environ 50 viticulteurs qui sont impactés en Charente par le passage de la LGV.

Ce qu’ils en disent…

Jean-Claude Devaux est président de la commission territoire à la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime : « Cela fait longtemps que notre commission travaille sur le projet de la ligne LGV, depuis les études sur le type de production, les problématiques de drainages, de qualité de sol, etc., qui étaient faites sur les différents fuseaux possibles. Ensuite, nous avons participé aux négociations sur les protocoles et à toutes les réunions avec les agriculteurs. La Chambre d’Agriculture se devait d’être force de proposition, de défendre au mieux les intérêts du monde agricole. Il y a peu de viticulteurs impactés par le passage de la ligne en Charente-Maritime, c’est surtout les éleveurs qui vont devoir se réorganiser mais les négociations devraient permettre de trouver des contreparties avantageuses. L’arrivée de la LGV dans un secteur paisible comme le nôtre, au début ça crée un grand trouble et on se demande comment on va vivre ça. Après réflexion, on se dit que ça va nous rapprocher de Paris et que pour le bien de notre environnement, il faut vraiment favoriser le train plutôt que l’avion. »

Pascal Durand est viticulteur et membre de la commission intercommunale d’aménagement foncier de Champagne-Vigny : « Notre commission a opté pour l’inclusion d’emprise. Nous avons depuis un moment déjà terminé l’étape de “classement” des parcelles qui s’est très bien passée et nous devrions très bientôt découvrir le projet de réaménagement. C’est peut-être là que les discussions vont vraiment commencer, lorsque ça va devenir plus tangible : mon exploitation est loin du tracé, donc je ne suis pratiquement pas impacté, ceux qui sont sur la ligne vont devoir se réorganiser ; et même si les indemnités ont été bien négociées, il va quand même y avoir des contraintes, des nuisances… Quant à la commune, elle va profiter de ce remembrement pour “remettre a plat”, réorganiser le territoire, revoir le tracé de certains chemins… »

 

 

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