L’utilisation de fûts et de tonneaux dans les domaines viticoles a toujours été un moyen de valoriser le potentiel de qualité des vins et des Pineaux, mais l’entretien de ces contenants sur le plan de l’hygiène représente un enjeu majeur pour la bonne conservation des productions. Or, le bois n’est pas particulièrement facile à nettoyer et à désinfecter, compte tenu de l’état de surface de ce matériau et de la capacité des vins à imprégner les premiers millimètres d’épaisseur des douelles. L’entretien que nous avons eu avec M. Nicolas Vivas, un œnologue formé à l’Institut d’œnologie de Bordeaux qui a beaucoup travaillé sur la connaissance du bois et les méthodes de tonnellerie, nous a fait part des moyens les plus efficaces pour maintenir une bonne hygiène dans les logements bois.
« Le maintien d’une parfaite hygiène des logements bois est relativement facile à maîtriser quand le parc de barriques n’est pas trop âgé et surtout quand celles-ci sont toujours maintenues pleines. Par contre les choses se compliquent sérieusement quand les fûts et les tonneaux vieillissent et sont conservés vides pendant un certain temps. » Cette réflexion de Nicolas Vivas, œnologue conseil, docteur ès sciences et chercheur à l’université de Bordeaux I, s’appuie sur une douzaine d’années de travaux scientifiques réalisés sur le rapprochement entre les connaissances du bois et celles de l’élevage des vins. Les recherches qu’il a conduites à mi-chemin entre les activités de tonnellerie et l’œnologie lui ont permis d’acquérir une compétence sur de nombreux sujets et tout particulièrement sur les aspects d’hygiène des logements bois. L’une de ses réflexions principales est aussi de dire que l’utilisation du soufre sous la forme gazeuse (le méchage) demeure un moyen incontournable pour aseptiser les barriques lorsqu’elles sont conservées vides pendant un certain temps.
Les phénomènes d’imprégnation des douelles favorisent le développement des bactéries et des levures
Le bois de chêne utilisé pour la fabrication des fûts et des tonneaux est un matériau vivant et après une phase de séchage, il héberge encore de nombreux micro-organisme. Les douelles neuves, même après l’opération de bousinage, abritent des champignons et des bactéries qui ne peuvent pas se développer dans le vin. Une barrique neuve est donc parfaitement saine avant sa mise en œuvre au moment de la vinification et de l’élevage des vins. Par contre, les barriques après leur première utilisation deviennent potentiellement propices à être « contaminatrices ». Dans la pratique, le niveau d’asepsie des barriques se dégrade de manière significative à partir de la troisième ou quatrième utilisation. Durant la période d’élevage des vins, il se produit un phénomène d’imprégnation sur au moins 5 à 8 mm de profondeur qui se traduit par une consume de plusieurs litres de liquide. Le phénomène est très visible avec des vins rouges et la découpe des douelles permet de se rendre compte que les composés phénoliques pénètrent sur les trois premiers millimètres, mais l’alcool et d’autres substances rentrent plus profondément dans le bois. Ce phénomène d’imprégnation du bois sur une épaisseur de 5 à 8 mm crée les conditions de milieu favorables au développement des levures et des bactéries, d’autant que ces zones microporeuses laissent passer l’oxygène.
Seules les vapeurs de soufre des méchages ont la capacité de désinfecter le bois
Les études réalisées par le laboratoire de M. Nicolas Vivas ont permis d’identifier la flore de micro-organismes présente dans des fûts de 3e ou 4e vin (les bactéries acétiques, les bactéries lactiques [Eonococus œni, leuconostoc, lactobacillus] et de nombreuses levures de contamination). Outre le fait que cette microflore représente un danger pour la stabilité biologique des vins, sa situation incluse dans un matériau poreux (et donc pas directement en contact avec le milieu extérieur) présente de nombreux inconvénients sur le plan de la maîtrise de l’hygiène. La microflore est difficile à extraire et la conduite des opérations de nettoyage est beaucoup plus complexe à mener que sur des matériaux ayant une surface complètement lisse. Le maintien d’une bonne asepsie dans des logements bois repose sur le méchage des fûts. Cette technique traditionnelle s’avère incontournable et efficace dans la mesure où le sulfitage est réalisé dans des conditions bien précises. Le méchage doit être effectué sur des contenants vides, détartrés, propres et secs. L’efficacité d’un sulfitage sous la forme de vapeur est particulièrement adaptée à la nature des logements bois, du fait de la capacité migrante du soufre moléculaire. Les vapeurs de soufre pénètrent dans les couches superficielles du bois. Si le méchage intervient dans une barrique humide (aussitôt un lavage), l’efficacité antiseptique du sulfitage est moindre. Après un lavage, la réalisation du premier méchage (sur un fût parfaitement sec) doit être effectuée à une dose de 10 g pour une capacité de 225 l.
Conserver les fûts et tonneaux vides parfaitement secs
L’efficacité antiseptique des méchages est tout de même limitée dans le temps et il convient de les renouveler tous les 2 à 3 mois à une dose de 5 g pour une barrique de 225 l. L’un des éléments importants pour optimiser les conditions de conservation des fûts et des tonneaux et de les garder parfaitement secs. Les barriques ne sont pas faites pour rester vides très longtemps car ce contexte de non-utilisation est souvent favorable à l’activité des bactéries. L’alcool est oxydé par les bactéries acétiques et les teneurs en acide acétique augmentent parfois de façon surprenante. Le remplissage de telles barriques entraîne parfois une augmentation assez spectaculaire des teneurs en acidité volatile des vins dont les teneurs étaient auparavant très faibles. On assiste aussi dans une barrique vide à une transformation du soufre en sulfate qui, lors d’un avinage ultérieur, se solubilise et confère aux vins des saveurs gustatives de dureté. La réutilisation de vieilles barriques peut tout de même être envisagée en prenant certaines précautions. Il faut remplir les fûts d’eau sulfitée à 2 ou 3 % pendant 3 à 4 jours afin de faire migrer les sulfates et l’acide acétique.
La vapeur est difficile à mettre en œuvre sur des logements bois
L’utilisation de la vapeur dans des logements bois est un moyen efficace sur le principe de créer de bonnes conditions d’asepsie. Il faut que le milieu ambiant atteigne au moins 60 à 70 °C pour qu’un phénomène de pasteurisation se produise. La mise en œuvre de cette technique dans des fûts et des tonneaux est souvent difficile car le bois est un mauvais conducteur de la chaleur. De nombreux essais ont montré qu’avec de l’eau à 80-85 °C, il faut attendre 30 minutes pour que la chaleur atteigne 60 °C à dans les 5 à 8 premiers millimètres d’épaisseur des douelles. L’utilisation de groupe de production de vapeur rend faisable l’utilisation de cette technique, mais cela demande du temps et le résultat n’est pas toujours satisfaisant.
Le traitement à l’ozone : un principe intéressant mais inadapté à de petites unités de vinification
Récemment, une nouvelle technique de nettoyage et de désinfection à l’ozone a été testée à la fois sous la forme de gaz et de solutions liquides. L’ozone (forme activée de l’oxygène) se dégrade en radicaux libres qui des substances très nocives vis-à-vis de tous les micro-organismes. Les radicaux libres agissent sur les parois cellulaires et s’attaquent à toutes les matières vivantes. Les solutions liquides d’ozone ont une durée de vie courte (de l’ordre de 10 mn) alors que les formes gazeuses ont une efficacité de plusieurs jours. L’utilisation de solutions gazeuses s’avère efficace sur toutes les surfaces lisses et dans les logements bois car elles ont la capacité de migrer plus facilement sur les couches superficielles des douelles.
Les traitements à l’ozone possèdent un certain effet antiseptique, mais N. Vivas considère que c’est une technique complémentaire sur le bois. Par ailleurs, le coût des générateurs d’ozone, bien qu’ayant fortement baissé, n’est pas encore accessible aux unités de vinification de petite et moyenne tailles. Le traitement peut être utilisé sur une grande diversité de matériaux (inox, ciments revêtus, fibre de verre, tuyaux, bois), mais sa mise en œuvre nécessite beaucoup de précautions sur le plan de la sécurité des utilisateurs (du fait de son agressivité sur les tissus vivants et tout particulièrement la peau). Le rinçage doit être effectué avec d’efficacité car d’éventuels résidus ont la capacité d’oxyder tous les composés du vin. Une finition de rinçage avec de l’eau légèrement sulfitée est un moyen judicieux de s’assurer de la destruction de l’ozone pouvant encore être présente dans le milieu. Le traitement à l’ozone est un procédé de désinfection adapté à des unités de vinification de taille importante qui possède aussi une grande technicité.
Le permanganate de potassium est un oxydant puissant, la soude seulement un détartrant
Il existe également des produits chimiques spécifiques qui peuvent être utilisés pour désinfecter les contenants bois. Les solutions à base de permanganate de potassium de par leur action d’oxydant puissant possèdent une bonne efficacité sur les fûts et les tonneaux ayant des accidents de conservation (dans des situations humides favorables à l’apparition de moisissures). C’est un produit intéressant par le fait qu’il détruit « tout ». Dans les foudres, l’utilisation de solution à 5 % donne de bons résultats. L’autre avantage du permanganate de potassium est la facilité d’observer la qualité du rinçage.
En effet, quand les eaux deviennent incolores, les fûts et les tonneaux sont parfaitement rincés. La soude est un produit adapté aux opérations de détartrage mais il convient de l’utiliser avec rigueur. Les solutions à base de soude tamponnée ont la capacité de bien rentrer dans le bois et leur rinçage pose de nombreux problèmes. L’idéal est de les utiliser uniquement pour détartrer et sans attendre d’avoir des épaisseurs de tartre trop importantes à éliminer.
Des principes d’hygiène simples et associés au niveau d’utilisation
N. Vivas estime que le maintien d’une bonne hygiène des logements bois repose sur la mise en œuvre de principes simples mais complètement associés au niveau de l’utilisation de la futaille. Un parc de barriques ou de tonneaux n’est pas fait pour être conservé vide longtemps et dans des propriétés où l’on s’engage dans des démarches d’élevage sous bois, il faut s’organiser pour minimiser « les vides ». Ensuite, il est indispensable de nettoyer les contenants entre chaque transvasement en réalisant une démarche d’hygiène complète. Si les barriques doivent être conservées vides plusieurs semaines ou plusieurs mois, l’opération de nettoyage doit être envisagée avec encore plus de rigueur, car la microflore de bactéries présentent dans le bois a la capacité de prospérer au niveau des douelles inhibées d’alcool, de sucres et d’autre composés.
Une véritable démarche d’hygiène doit être mise en œuvre pour créer des conditions favorables à la conservation des contenants bois.
Dans un premier temps, il faut éliminer les souillures visibles, puis décoller le tartre et éventuellement réaliser une désinfection. Par la suite, les barriques seront mises à sécher et, une fois sèches, un méchage sera réalisé pour aseptiser le milieu. Il faudra renouveler le méchage tous les deux à trois mois pour maintenir dans le temps l’efficacité antiseptique du soufre. L’utilisation de moyens technologiques comme les cannes de lavage équipées de buses rotatives améliore nettement les conditions d’élimination des souillures et du tartre. La démarche d’hygiène présentée précédemment concerne l’entretien des barriques et des tonneaux sachant que plus les contenants sont de grande capacité, plus la phase de séchage est délicate.
En effet, si le déplacement d’un fût dans un endroit bien ventilé pour optimiser les conditions de séchage ne pose aucun problème, il est par contre impossible de transporter un tonneau. Le séchage ne peut être envisagé qu’en créant un courant d’air permanent entre la trappe latérale et la cheminée d’ouillage, et N. Vivas conseille en général de réaliser une désinfection systématique des tonneaux à l’issue des opérations de lavage (à titre préventif) pour en quelque sorte réduire l’importance de la microflore contaminante.
Cap-OENOV
Dugar, fabricant espagnol de lave-fûts, n’avait pas d’importateur en France. Désormais, Cap-Oenov le représente sur notre territoire. Cette société, installée en Médoc (Gironde), distribue sept modèles depuis le lave-fûts manuel jusqu’aux machines entièrement automatiques, qui nettoient 250 barriques par jour selon un cycle défini par l’opérateur.
L’appareil manuel est adapté aux petits chais. Les gros équipements ont un rendement d’environ 20 à 25 barriques à l’heure. Certains modèles relèvent la barrique une fois que l’opérateur l’a mise en place et un temporisateur permet de définir le temps de lavage.
Toute la gamme Dugar est équipée de têtes de nettoyage rotatives qui permettent l’utilisation d’eau chaude jusqu’à 100 °C.
Cette gamme comprend également un modèle pour le nettoyage automatique de fûts sur berceaux.
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