Le projet « Zéro HerbiViti »

29 avril 2013

Enherber sous les rangs de vigne, l’idée peut sembler incongrue. Pourtant, avec l’apparition sur le marché de tondeuses inter-ceps, cette technique est désormais accessible. Elle offre aux viticulteurs une nouvelle alternative pour réduire l’utilisation des herbicides et répondre aux objectifs de qualité des eaux. Mais cette technique est-elle adaptée à tous les types de vignobles ? Quelles sont les caractéristiques des matériels disponibles ? Quelles stratégies adopter ? Comment adapter ses pratiques pour s’affranchir des contraintes techniques, agronomiques et économiques ? Autant de questions auxquelles vise à répondre le projet « Zéro HerbiViti » qui a été présenté les 24 et 25 octobre derniers. 150 personnes très attentives et participatives ont assisté aux restitutions et échanges qui ont eu lieu en salle, à la cave de Rauzan et au Château Dillon, puis sur les parcelles vitrines des domaines viticoles à vocation expérimentale.

Le projet « Zéro HerbiViti », subventionné par l’Agence de l’eau Adour-Garonne, vise à diminuer les surfaces des parcelles viticoles recevant des herbicides pour participer à l’atteinte des objectifs de bon état global des eaux fixés par la directive cadre sur l’eau.

Ce programme part en effet du constat que les herbicides sont les premiers produits phytosanitaires dégradant la qualité des eaux de surface. Les 10 pesticides les plus retrouvés dans les rivières du Bassin Adour-Garonne sont des herbicides, le premier étant l’AMPA, produit de dégradation du glyphosate. En ce qui concerne les eaux souterraines, le premier pesticide retrouvé est l’atrazine. Cet herbicide, pourtant interdit depuis 2009, illustre la forte rémanence de certaines matières actives dans le milieu. Un second constat concerne la diminution des matières actives herbicides (40 en 2001 et seulement 20 en 2011) dont l’effet pervers est inévitablement l’augmentation de l’utilisation des molécules restantes. Enfin, si nous pouvons constater une progression de l’enherbement de l’inter-rang, le
désherbage chimique sous les rangs reste la norme.

Le projet « Zéro HerbiViti » s’est donc particulièrement attaché à l’étude de l’enherbement sous les rangs de vigne à l’échelle de l’exploitation agricole sur les sites vitrines et à l’interrogation des viticulteurs localisés sur le territoire représentatif du bassin afin de tester la transférabilité du dispositif. Les motivations et les freins à la pratique de l’enherbement total sont nécessairement différents entre un viticulteur, propriétaire de son exploitation et coopérateur de l’Entre-Deux-Mers et un directeur technique d’un château du Haut-Médoc.

Deux freins majeurs régulièrement invoqués sont la crainte d’une concurrence hydrique et azotée excessive et la crainte d’un alourdissement des coûts générés par cette pratique.

La concurrence hydrique et azotée augmente nécessairement lorsque l’on accroît la surface enherbée. Tous les sols ne sont pas aptes à supporter un tel enherbement.

Cependant, des modulations sont possibles en jouant sur des implantations de couverts peu concurrents ou tout simplement en détruisant l’inter-rangs lorsque les conditions sont trop stressantes.

Si les temps de passage pour la tonte sous les rangs sont toujours plus élevés que pour le désherbage chimique, il est néanmoins envisageable d’obtenir des coûts équivalents voire inférieurs dans une pratique sans herbicides, en utilisant notamment des outils combinés. Ainsi, cette année, les coûts d’entretien du sol chez Jean-Luc Audubert, viticulteur réalisant des essais dans le cadre du programme « Zéro HerbiViti » depuis 2010, étaient moins élevés sur la partie où le rang était enherbé naturellement que sur la partie où le rang était désherbé chimiquement, comme l’atteste le tableau suivant.

L’objectif final des restitutions et échanges qui ont eu lieu les 24 et 25 octobre sur la thématique « Zéro HerbiViti » n’était pas de fournir une recette passe-partout pour que l’ensemble du vignoble aquitain soit conduit en enherbement total. Ces journées ont eu cependant le mérite d’ouvrir des pistes de réflexions aux viticulteurs de notre secteur.

Des itinéraires originaux comme l’enherbement du rang et le travail de l’inter-rangs, ou bien le désherbage du rang d’un côté par une tondeuse rasant les pieds sans pénétrer dans la zone inter-ceps et un désherbage chimique de l’autre côté ont su interpeller les viticulteurs…

Pascal Guilbault
Service Vigne et Vin
Chambre d’Agriculture de la Gironde
Vinipôle Bordeaux Aquitaine

Le programme « Zéro HerbiViti est un projet collaboratif subventionné par l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Son objectif est de diffuser à large échelle des pratiques culturales supprimant l’utilisation d’herbicides en viticulture. Il est porté par l’Institut Français de la Vigne et du Vin Pôle Sud-Ouest en partenariat avec l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan, l’Université Toulouse le Mirail (CERTOP UMR 5044 du CNRS), les Chambres d’Agriculture de la Charente et de la Gironde ainsi que 7 domaines viticoles à vocation expérimentale dont 2 sites vitrines localisés en Gironde :
– Les Vignobles Mallet-Audubert (Saint-Aubin-de-Branne)
– Le Château Dillon – EPLEFPA (Blanquefort)

 

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