Les Viticulteurs Charentais Ont Arbitré En Faveur Du Cognac

25 février 2009

Entre Cognac et vins de table, les viticulteurs de cette région ont toujours eu le choix. Cette année, ils ont arbitré en faveur de Cognac. Apparemment, le Cognac fera le plein ou presque. Les besoins estimés pour la campagne 2005-2006 s’élevaient à 544 000 hl AP, une fois déduite la sur-distillation de l’an dernier. On s’acheminerait plutôt vers une distillation de 580 000 hl AP. C’est en tout cas le chiffre qui revient le plus souvent dans la bouche des professionnels. « Ce n’est pas une catastrophe mais c’est dommage », notait Philippe Boujut lors d’une réunion. Dommage aussi pour les opérateurs vins de table qui espéraient 900 000 hl vol. et tablaient sur au moins 500 000 hl vol., même une fois leurs prétentions revues à la baisse. En fait, ils seront loin du compte. De leur propre aveu, s’ils réalisent 300 000 hl vol., ce sera le bout du monde, entre les 200 000 hl de moûts de vinification élaborés au cours des vendanges, les 50 000 hl de vins vinifiés à la mi-février et les 50 000 hl qui se libéreront peut-être d’ici la fin de campagne de distillation. Un revers qui était pressenti – surtout par la famille de la viticulture – mais dont l’ampleur semble avoir surpris les opérateurs eux-mêmes. « C’est une situation rarement vue : pas un échantillon proposé, pas de vin, rien, on ne nous consulte même pas. » Nous sommes loin, très loin, de l’année record de 1998, où la région avait traité 2,2 millions d’hl de vin. Est-ce un problème de prix ? En partie sans doute. Les négociants expliquent que le délestage de vin blanc de table à des prix défiants toute concurrence par des coopératives du grand Sud-Ouest – en dessous de 18 F le °hl dit-on – n’a sans doute pas aidé la situation. Mais parle-t-on encore de prix quand il n’y a pas de marché ? « Le point positif pour la région, c’est que les vins de distillation tiennent le choc alors que l’on pouvait craindre qu’ils se cassent la figure » énonce Hervé Pogliani, président du Syndicat des vins de table.

Renseignements pris, les vins de distillation se tiennent effectivement et ce dans tous crus, Bons Bois, Fins Bois, Champagnes. On constate même une légère tendance à la hausse pour les derniers hl d’AP écoulés, liée peut-être à des achats des bouilleurs de profession ou à des marchands en gros. Sur le second marché, les eaux-de-vie rassises se comportent bien également, avec une légère tension sur les cours en tout compte d’âge : un, deux, quatre, six, dix. Auprès des grandes maisons, l’augmentation des cours vient plus significativement du fait d’achats dans le compte d’âge réel – diminution du phénomène de déclassement – ainsi que d’achats dans le cru d’origine, d’où, au final, une progression intéressante. Il n’est pas rare de voir des ventes se conclure à environ 900 e pour des comptes jeunes et jusqu’à 2 200-2 400 e l’hl AP pour de vieilles eaux-de-vie d’excellente facture. De l’avis des courtiers, le courant d’affaires est bon, même si un tri s’effectue sur une base qualitative.

Après le Cognac et les vins, un troisième marché imprime sa marque sur la région, celui des jus de raisin, sans parler bien sûr du Pineau et des Vins de pays charentais mais qui se situent plus sur une stratégie de niches. Contacté, l’opérateur majeur Foulon-Sopagly dit préparer sa stratégie 2006 avec en toile de fond la récolte 2007. Comme tout le monde, il s’attend à un « calage délicat » lors de cette étape. Sa contribution ? « Aller en direction de la viticulture. » « C’est dans l’ordre des choses, explique le directeur Pierre Guyot. Voilà quinze ans que nous travaillons avec des regroupeurs mais il faudra bien que se crée un maillon supplémentaire avec la viticulture. Et si les intermédiaires ne le font pas, nous passerons devant. Ce n’est pas grave. L’essentiel, c’est que ça se fasse. »

L’activité jus de raisin va être définitivement arrêtée à Rivesaltes. C’est la nouvelle qu’a annoncée P. Guyot. L’explication de cette restructuration ? Elle est double. Elle renvoie d’abord à un problème de logistique. Descendre à Rivesaltes pour remonter au fin fond de l’Allemagne – là où se situe le gros des consommateurs de jus de raisin – n’a rien de très rationnel. L’usine de Mâcon occupe à l’évidence une position bien plus stratégique, avec une ligne de démarcation entre fournisseurs et clients « qui passe quelque part entre Cognac et Mâcon ». La seconde raison – la plus déterminante sans doute – tient au repli volumique subi par la société : des ventes de jus de raisin en retrait de 100 000 hl vol. Pour le directeur de Foulon-Sopagly, cette contre-performance est la conséquence directe d’un marché tiré par le bas. En ligne de mire, des concurrents jugés peu scrupuleux, dont les « tours de passe-passe » entre raisins de table et raisins de cuve se traduisent par des ventes de jus de raisin rouges premier prix en Allemagne à des prix inférieurs à certains prix d’achat de la matière première en Charentes. L’idée qui sous-tend la démarche de l’opérateur français de jus de raisin : que le marché d’aval s’organise suffisamment pour qu’un prix plancher s’instaure, prix en dessous duquel il serait difficile de descendre. Où l’on voit que l’amont et l’aval peuvent parfois faire cause commune dans un rapport « gagnant-gagnant ». Des prémices de démonstration apparaissent dès cette année. Des opérateurs charentais disposant de capacité de logement ont stocké des volumes conséquents de jus de raisin. Ils les ont réalisés quand le besoin s’est fait sentir. En pratiquant de la sorte, ils ont « ramé dans le bon sens », tout en s’octroyant au passage une substantielle plus-value.

Les vingt salariés du site de Rivesaltes vont être pris en charge par une cellule de reclassement qui les aidera à retrouver du travail. Foulon-Sopagly continuera à s’approvisionner dans le Midi.

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