Les tailles en fiançailles : des pratiques toujours d’actualité; L’avis constructif d’un spécialiste

22 février 2018

            La taille en Fiançailles est très souvent considérée comme étant une pratique « vieillotte » et inadaptée à l’organisation humaine et économique actuelle des propriétés viticoles. Pourtant, un certain nombre de viticulteurs qui l’ont mis en œuvre au printemps 2017, en ont perçu les bienfaits. Le risque de gel de printemps que l’on avait presque oublié dans la région délimitée depuis deux décennies est  malheureusement redevenu d’actualité lors des printemps 2016 et surtout en 2017. Jean-Christophe Gérardin, l’expert taille de la chambre d’Agriculture de la Charente porte un regard constructif sur cette pratique qui a fait ses preuves depuis longtemps.

 

 Dans toutes les zones de production basses de la région délimitée, les démarches de taille tardive faisaient partie « du bagage culturel » de la plupart viticulteurs mais la succession de conditions climatiques printanières clémentes a eu tendance à faire oublier pratiques « de précaution ». L’évolution des structures de production avec l’une augmentation constante des surfaces des propriétés a aussi modifié profondément l’organisation de tous les travaux et tout particulièrement ceux concernant la taille, le tirage des bois et l’attachage. La mise en œuvre d’approches de gestion économiques rationnelles, l’externalisation partielle ou totale des travaux les plus lourds ont trop souvent supplanté les principes agronomiques. Pourtant, le respect des contraintes agro-climatiques représente pourtant un volet majeur et noble du métier de viticulteur dont l’importance s’est avérée déterminante au cours des derniers millésimes.

 

Fiancer, un moyen de se prémunir du gel qui a fait ses preuves

 

            Jean-Christophe Gérardin, le conseiller viticole ayant en charge les formations de taille à la Chambre d’Agriculture de la Charente considère que la taille en Fiançailles n’est pas du tout une technique dépassée. Bien au contraire, de par son expérience dans d’autres régions viticoles, il a pu observer que « fiancer » était un moyen efficace de se prémunir du risque de gel sur 15 à 20 % de la surface d’une propriété. Dans de nombreuses régions viticoles, en Champagne, dans la Vallée de La Loire, ce mode de taille est encore fréquemment pratiqué. Il estime aussi que dans les zones considérées comme gélives, la hauteur d’établissement des souches est un élément à ne pas négliger. Dans le cadre de gelées de printemps ne descendant pas en dessous – 2 °C, l’implantation de conduite en arcure hautes en cordon de Royat haut établis entre 1,20 et 1,40 m de hauteur représente un véritable plus. Une latte peut-être bien gelée à 0,70 m de hauteur et presque totalement préservée à 1,30 m.

 

Une forme d’assurance gel pour les zones sensibles

 

            Le technicien estime qu’en Charentes, la taille en fiançailles doit être abordée en tenant compte de la topographie de chaque vignoble et des spécificités du cépage Ugni blanc : « La connaissance des zones les plus sensibles au gel au sein de chaque propriété est souvent un élément majeur au même titre que l’âge et les potentialités agronomiques des vignes. La notion de plafond de hauteur de gel dans les situations plutôt basses ou de mi-coteaux en présence de sinistres d’intensité normale doit permettre d’établir un zonage des îlots à risque. Ensuite, la juste appréciation du travail que demande la mise en œuvre d’une taille en fiançailles est très importante. Divers retours d’expériences indiquent d’une part une légère augmentation des temps de travaux (une dizaine d’heures/ha) et surtout, une concentration du travail sur des périodes de 2 à 3 semaines à l’approche du débourrement. Pourquoi ne pas externaliser certains travaux d’attachage en fin de saison pour mobiliser le personnel qualifié sur cette activité  plus technique. À mon sens, c’est une pratique à intégrer sur 15 à 20 % de la surface des propriétés. Cela peut être considéré comme une forme d’assurance contre le gel pour les zones les plus sensibles ».

 

Bien prendre la notion de «vitalité des souches »

 

            La vitalité des parcelles que l’on souhaite fiancer doit également être prise en compte. Les jeunes vignes extériorisant « une bonne forme » présentent a priori de meilleures aptitudes. En effet, les tailles tardives ou fiancées interviennent alors que le processus de circulation de sève est déjà bien enclenché et une partie des bourgeons sont déjà développés. C’est justement le fait de conserver tous les bois du cycle végétatif précédent qui retarde à la fois le débourrement des bourgeons de la base des sarments et le démarrage du cycle végétatif. Néanmoins, lors d’une taille très tardive les quantités de sève dispersées dans les sarments de l’année précédente sont définitivement perdues pour stimuler le démarrage du cycle végétatif. Un tel phénomène a probablement des conséquences sur la physiologie des ceps dans la première phase du cycle végétatif mais aucune étude scientifique n’a permis de le vérifier.

 

L’importance du capital de réserves accumulé à l’automne précédent

 

            J-Ch Gérardin pense que l’importance de capital de réserves présent dans les souches joue un rôle majeur sur la qualité du débourrement ( taux de sortie des bourgeons) et le déroulement des quatre premières semaines du cycle végétatif : « D’une manière générale, la juste connaissance du capital de réserves dans les bois et les souches des parcelles que l’on souhaite fiancer me paraît-être une donnée importante. Les écoulements et pertes de sève avant l’intervention de taille représentent une source de nutriments qui est définitivement perdue pour stimuler la croissance des bourgeons. La sève contient de l’eau et des éléments nutritifs (amidon, acides aminés composés minéraux,…) provenant des troncs et des bras des ceps qui sont accumulées pendant la phase de mises en réserves. Ce processus se déroule à l’automne précédent, du début de la phase de maturation des raisins à la chute des feuilles. Le niveau de fonctionnalité du feuillage pendant cette période interfère directement sur l’importance du stock des réserves. La persistance de bonnes conditions climatiques jusqu’à la mi-novembre est toujours bénéfique alors que des gelées très précoces peuvent le stopper brutalement. Lors des phases de taille en fiançailles, la phase de débourrement consomme donc plus de réserve, d’où l’importance de ne pas négliger ce critère dans le choix des parcelles que l’on souhaite fiancer ».

 

Tenir compte des spécificités de l’ugni blanc et des enjeux de pérennité

 

            La mise en œuvre de la taille en fiançailles est une thématique technique qui a été finalement très peu étudiée. Ce sont les retours d’expériences qui nourrissent les démarches mises en œuvre sur les propriétés. Les divers témoignages que nous avons pu recueillir démontrent d’ailleurs qu’il se pratique une diversité de mode de taille en Fiançailles. J-Ch pense qu’une série d’éléments majeurs doivent être pris en compte pour l’implanter et la réussir. Les spécificités du cépage ugni blanc en matière de fructification des bourgeons, la gestion de la pérennité de la taille et des souches et les contraintes d’organisation du travail représentent des données indissociables pour bien raisonner et maîtriser cette pratique. En d’autres termes, il ne suffit pas de sortir les sécateurs tard en saison pour réussir une taille en fiançailles.

Concilier les objectifs de productivité élevée à l’équilibre de la vigueur des souches

 

            L’un des principes majeur de toutes tailles est d’adapter la charge de bourgeons aux objectifs de production et à l’équilibre des souches. La taille en fiançailles s’inscrit dans cette même logique. Comme en Charentes les niveaux de productivité sont actuellement élevés, laisser une charge de bourgeons suffisante mais pas excessive doit se raisonner en fonction de l’équilibre de vigueur des souches. Tailler trop long conduit à favoriser les phénomènes d’acrotonie qui sont problématiques. Les tailles longues à plat sont toujours plus sensibles à ce phénomène. À l’inverse, les tailles longues en arcures favorisent la sortie des bourgeons de la base et sont mieux adaptées aux principes de fiançailles. J Chr Gérardin pense qu’il faut aborder la taille en fiançailles en ayant toujours le souci d’être en mesure de s’adapter aux circonstances de post-débourrement : « Il me paraît souhaitable de construire une démarche de taille en fiançailles en ayant un potentiel de bourgeons fructifères important au départ. À l’issue de la première taille de sélection des futures lattes, laisser un maximum d’entre-coeurs représente le moyen de retarder au maximum le débourrement. À l’issue de la deuxième intervention de taille dite de finition, il faudrait essayer de conserver une charge de 9 à 12 bourgeons fructifères par lattes. Après un gel qui aurait détruit une partie des bourgeons les plus développés à l’extrémité des latte, on pourrait laisser quelques bourgeons sur des entre-coeurs bien placés. Certes, ils sont moins fructifères mais portent souvent des grappes de plus petites taille ».

                                                                                                                                                                                            

 

Les conseils de Jean-Christophe Gérardin pour maîtriser les tailles en Fiançailles :

 

  • Fiancer, un moyen toujours actuel et efficace de se prémunir des risques de gel dans les zones sensibles

  • Limiter à 15 à 20 % les surfaces à fiancer pour bien maîtriser cette pratique

  • Une technique de taille à implanter dans des vignes ayant une bonne vitalité

  • Bien anticiper la charge de travail supplémentaire qui est concentrée sur une courte période

  • Être conscient que les pertes de sèves liées à cette pratique peuvent avoir des conséquences sur la physiologie des parcelles

  • Bien apprécier le stock de réserves présent dans les bois et les souches

  • La taille en arcure est la plus adaptée pour réussir une taille en fiançailles

  • Tenir compte des spécificités de l’ugni blanc

  • Raisonner la charge de bourgeons en conciliant les objectifs de productivité élevés à l’équilibre de vigueur des souches

     

     

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