Les réactions

25 février 2009

Jacques Maroteix

« L’affectation ne résoudrait rien »

photo_id.jpg« Dans une région de Cognac où la démarche spéculative est quasiment d’ordre génétique, les viticulteurs ont toujours eu l’habitude de distiller et de stocker, dans l’attente de jours meilleurs. Dans un tel contexte, une affectation des hectares qui ne s’accompagnerait pas d’un message clair aux viticulteurs – sous la forme d’un extournement obligatoire – confinerait à l’échec. La plupart des viticulteurs affecteraient tout au Cognac, avec la conséquence attendue : un blocage de la QNV à 6, empêchant les viticulteurs de gagner correctement leur vie. Pour pouvoir faire évoluer la QNV, il faut avoir au préalable résolu la question du potentiel de production. Car le maintien d’une certaine rareté du produit est le seul garant d’un maintien des prix. L’abandon de la double fin ne peut se réaliser que si un projet sérieux existe en face. Une affectation « sèche » ne suffirait pas. La région retomberait dans la crise.

Lors de la réunion du 15 novembre, la Charente-Maritime a apporté son soutien à l’arrachage en acceptant que la viticulture finance une partie de la prime d’arrachage servie aux plus de 55 ans, dans la perspective d’une rallonge d’enveloppe. Mais nous disons que le soutien à l’arrachage va de pair au soutien à la reconversion obligatoire. Les deux dossiers sont indissolublement liés et doivent être défendus de concert. A travers eux, s’exprime l’idée de départ du Plan d’adaptation qui était d’aider l’arrachage pour financer la reconversion. Arracher 20 000 ha dans la région de Cognac reviendrait à fermer une usine de 2 000 salariés. C’est inenvisageable. Dans un premier temps, nous devons convaincre le ministère de l’Agriculture de la faisabilité d’un extournement obligatoire, pour que lui-même obtienne de la Commission européenne une décision unanime de modification du Règlement européen, ratifiée par un vote au Parlement de Strasbourg. Pour obtenir ce résultat, nous aurons besoin de l’aide de nos parlementaires. La Charente-Maritime s’y emploie et une délibération commune, votée par les deux Chambres d’agriculture 16 et 17 devrait nous y aider aussi. »

 

Yves Dubiny, Secrétaire Général Du SGV Cognac

« Le Risque De Pourrissement »

yves_bubigny.jpg« En ce qui me concerne, je considère que les 15 % d’extournement obligatoire sont impossibles et je vais même plus loin, sont-ils souhaitables ? On me dira que je cultive le paradoxe, que je suis le plus libéral de l’équipe ! Peut-être, mais au nom de quoi quelqu’un déciderait-il à ma place de ce que je vais faire de mes vignes. Tout dépend de la situation de l’exploitation, de son historique, de ses débouchés. Et puis 15 % d’extournement sur une exploitation de 10 ha, ce n’est pas du tout la même chose que 15 % sur une exploitation de 80 ha. Cela risque de ne pas se traduire de la même façon. Et que dire des problèmes posés par le fermage. Pour arracher ou reconvertir, le fermier a besoin de l’autorisation du propriétaire. Comment imposer aux bailleurs une obligation de 15 % ? C’est déjà sur de tels arguments juridiques que le projet soutenu par Bernard Guionnet en 1997 avait achopé.

Nous nous sommes mis d’accord sur un projet d’affectation des ha, sur ses modalités d’application, son délai de mise en place. On ne va tout de même pas changer d’orientation tous les huit jours. On nous dit : “les viticulteurs vont affecter toutes leurs surfaces au Cognac”. Si, dans le cadre d’une affectation des surfaces, 70 000 ha étaient affectés au Cognac, il faudrait en tirer les conséquences sur le niveau de QNV. Mais ne rien faire sous prétexte que cela ne marchera pas est la meilleure façon de justifier l’immobilisme. A se gargariser de choses impossibles à obtenir, le risque est très clair : c’est se retrouver, en 2006, avec une QNV régionale de 100 hl vol./ha pour tout le monde, débouchant sur une production de Cognac de 7,4 millions d’hl vol. Qui a intérêt à ce pourrissement ? Une fois de plus, la région cède à ses démons. A chaque fois qu’une solution semble viable, il y a toujours quelqu’un pour se mettre en travers. Je crois que nous aurions bien plus intérêt à nous bagarrer tous ensemble pour obtenir les rendements différenciés, rendements différenciés qui représentent la clé de voûte du système d’affectation. L’identification parcellaire est en bonne voie, via l’INAO. Mais une identification parcellaire sans rendements différenciés serait un non-sens total. Reconversion, arrachage et rendements différenciés constituent un bloc. Si un maillon manque, on court à l’échec.

Il faut bien savoir qu’engager ses surfaces au Cognac signifiera qu’au-delà du Cognac, il n’y aura plus rien. Je compte sur le bon sens des viticulteurs pour faire leurs calculs, en sachant que l’affectation des surfaces demandera de la souplesse dans l’application, afin de pouvoir rectifier le tir.

Au sujet de l’extournement obligatoire, demandons aux autorités compétentes une réponse claire et rapide, une fois pour toutes et passons ensuite, le plus vite possible, à l’application de l’affectation des ha assortie de rendements différenciés. Je préfère des incitations fortes, économiques et réglementaires à une obligation. On ne fait pas de la reconversion par la contrainte mais parce que, financièrement, on y trouve son compte. »

 

Jean-Louis Brillet, président du SVBC

« Pas d’Affectation Sans Restructuration Préalable »

brillet.jpg« Nous disons non à l’affectation sans restructuration. Sinon, le report de vignes se fera sur le Cognac, avec deux conséquences attendues, aussi désastreuses l’une que l’autre : ou on laisse produire 8 de pur sur l’ensemble de la surface et les prix vont tomber ; ou l’on s’oblige à réguler, et nous garderons les 6 de pur, ad vitam aeternam. De toute façon, sans restructuration préalable, l’on aboutit à une impasse. Il faut absolument restructurer avant affectation, en reprenant le Plan de 1998. C’est-à-dire aider ceux qui ont commencé à restructurer et encourager ceux qui ne l’ont pas fait. L’objectif ? Atteindre un seuil minimum de 15 % de restructuration, ce qui retirerait, grosso modo, 12 000 ha du potentiel de production Cognac. Ces surfaces se répartiraient, à la fin du Plan, entre 6 et 7 000 ha d’arrachage, 5 000 ha de vins de pays et 10 000 ha affectés aux vins de base. Sur les surfaces restantes, l’application de 8 de pur donnerait une production Cognac de 460 000 hl AP, ce qui est tout à fait conforme aux besoins. Le viticulteur qui, au lieu de restructurer 15 %, restructurait 20 % s’attirerait un droit à QNV supplémentaire, même chose pour une restructuration de 25 %. Dans notre esprit, la restructuration avant affectation est une restructuration volontaire et non obligatoire, le caractère obligatoire paraissant impossible à obtenir. Les incitations reposeraient sur le niveau de QNV, les aides à l’arrachage et à la reconversion, voire un CTE simplifié pour ceux qui s’engagent dans la restructuration. Tout cela se formaliserait par un contrat tripartite entre la viticulture, l’Etat et le négoce, la viticulture s’engageant à restructurer, l’Etat à aider la restructuration et le négoce à conduire une politique de prix de façon à apporter un revenu décent. Nous n’accepterons plus une année à moins de 30 000 F l’hectare. »

 

Bernard Guionnet, Président De l’Interprofession

« Idéale Mais Pas Applicable »

guionnet.jpg« Je vois que le chiffre de 15 % s’affirme de plus en plus comme le niveau minimum souhaitable pour la reconversion régionale. Quand j’en parlais il y a cinq ans, ce chiffre faisait figure d’épouvantail. Il était horrible à entendre. Je constate avec un certain plaisir que les idées évoluent de temps en temps. Sur la faisabilité juridique d’un extournement obligatoire de 15 %, les techniciens du ministère de l’Agriculture m’avaient dit à l’époque que c’était une “illusion”. A priori, les fonctionnaires n’ont pas beaucoup changé et l’on risque fort de s’attirer la même réponse de leur part. Pour dire que l’extournement obligatoire est possible, la consultation juridique commandée par la Chambre d’agriculture 17 se fonde sur la distillation de crise de l’article 30. En Charentes, cette distillation de crise est très peu activée. Elle porte sur des volumes infimes, de l’ordre de 6 000 hl vol. par tranche. Dans ces conditions, il me semble difficile de tirer argument de la distillation de crise pour demander une modification du règlement européen. Qui plus est, cette modification devrait passer par la voie législative. Je vois mal députés et sénateurs s’engager sur ce terrain.

L’extournement obligatoire de 15 % des surfaces représente sans doute une solution idéale mais nous connaissons tous le sort réservé aux solutions “idéales”. Elles sont rarement applicables. Une lettre signée de tous les acteurs régionaux va partir au ministère, pour connaître la faisabilité juridique d’un extournement obligatoire. Il nous faut la réponse avant trois mois, pour ne pas laisser pourrir le système. Inutile de rééditer l’épisode “Office du Cognac”. »

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