Les Exemples De La Champagne Et Du Chablis

18 mars 2009

Nicolas Ozanam, directeur du SGV Champagne et Frédéric Gueugneau, sous-directeur de la coopérative La Chablisienne, ont présenté le fonctionnement de leurs réserves. Ils étaient invités par le SGV Cognac, à l’occasion de son assemblée générale du 12 mai dernier.  

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Nicolas Ozanam.

A la pointe nord de la Bourgogne, Chablis frôle la Champagne de Reims. Une distance d’à peine 30 km sépare les deux vignobles. C’est dire l’exposition aux risques climatiques et notamment au gel de printemps de ce vin blanc de haute tenue, issu des parcelles délimitées et des « climats » (ou lieux-dits) composant les quatre appellations de Chablis (Grands crus, Premiers crus, Chablis, Petit Chablis). D’une récolte à l’autre, la variation de rendement peut s’avérer assez importante. Ainsi, l’introduction, par décret du novembre 2005, à titre expérimental, d’un VCI (volume complémentaire individuel) a été plébiscitée par la communauté viti cole chablisienne. Chaque viticulteur peut constituer une réserve maximale équivalente à la moitié de sa récolte (pour un rendement Chablis de 60 hl/ha, 30 hl/ha en cumulé). La réserve ne sera prélevée qu’entre le rendement de base de l’appellation (60 hl/ha) et son rendement butoir (70 hl/ha), soit sur les 10 hl vol. d’écart. C’est le syndicat viticole qui, chaque année, en fonction de la maturité, de la qualité espérée du millésime, décide d’ouvrir ou non la réserve. En cas de feu vert, chaque viticulteur a alors la possibilité d’abonder sa réserve individuelle mais sans y être obligé non plus.

la champagne au taquet

Au taquet ! La Champagne est au taquet. Grosse demande et disponibilité limitée font du marché de la « bulle champenoise » l’exemple même d’un marché tendu. Aujourd’hui, sur les 34 000 ha délimités de la région champenoise, 33 000 ha sont en production. Et le processus de révision de l’aire géographique, enclenché cette année, mettra au moins dix ans à se concrétiser. « Quand on touche les frontières physiques de l’appellation, chaque diminution de rendement devient problématique » notait Nicolas Ozanam, le directeur du SGV Champagne, le 14 mai dernier à l’AG du SGV Cognac. Comment faire pour essayer de limiter au mieux les fluctuations de récolte ? En 2007, la Champagne a introduit un nouveau concept, celle de réserve individuelle. Ceci étant, le terme de « réserve individuelle » ne doit pas abuser. Comme le relève N. Ozanam, « en Champagne, on est gaulois mais aussi germain. On râle mais la discipline est assez forte ». C’est pour cela que les Champenois sont loin d’avoir démantelé le système de réserve collective qui s’appliquait auparavant, avec blocage et déblocage déclenchés collectivement par l’interprofession. Ils ont simplement introduit « une touche de gestion individuelle dans un système collectif ». La « touche individuelle », elle s’exerce principalement au niveau de l’alimentation de la réserve. Entre le rendement de l’appellation et le rendement maximum (dit encore rendement butoir), les vignerons ont tout loisir de constituer leur réserve de production. Seule contrainte : cette réserve ne doit pas dépasser 8 000 kg/ha. A noter que les vins mis en réserve ne sont pas « tirables ». Cela signifie que bien qu’ayant déjà la qualité d’AOC, ils restent sous la forme de vins tranquilles, non commercialisables. L’assemblage et la prise de mousse n’interviendront qu’une fois les vins débloqués. Avant chaque récolte, l’interprofession champenoise (le CIVC) calcule le rendement maximum du vigneron, c’est-à-dire le plafond de production qu’il ne doit pas dépasser sous peine de faire exploser le rendement butoir et/ou la réserve des 8 000 kg/ha. D’où le qualificatif de réserve individuelle. Par contre, au niveau du déblocage des volumes, on se situe bien dans une logique de gestion collective.

déblocage des volumes

C’est l’interprofession champenoise qui décide du déblocage des volumes. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’interprofession champenoise a les moyens de ses ambitions. Explication du directeur du SGV Champagne : « L’interprofession champenoise a la chance de disposer d’un arsenal de sanctions efficaces, qu’elle tient de sa nature juridique de bureau de répartition, créée par la loi de 1940 et confirmée à la Libération. » Contrairement au BNIC qui, il y a un peu plus de trente ans, a abandonné son statut de bureau de répartition au profit de la loi du 10 juillet 1975 sur l’extension des accords interprofessionnels, le CIVC a conservé ses prérogatives de puissance publique. Il est aujourd’hui l’une des dernières interprofessions françaises, pour ne pas dire la dernière, à profiter de ce régime sui generis et des pouvoirs qui lui sont attachés. C’est ainsi que le CIVC encadre le déblocage des volumes car il peut sanctionner les manquements, sans crainte de se faire retoquer par la Cour de justice de Luxembourg. Les cas de déblocages sont au nombre de quatre : déblocage collectif décidé par l’interprofession en cas de surchauffe du marché (par exemple déblocage de 1 600 kg/ha l’an dernier) ; déblocage en cas de diminution de surface (pour que le vigneron ne se retrouve pas avec une réserve excédant les 8 000 kg/ha) ; déblocage en cas de cessation d’activité puisque la réserve est liée à l’exploitant* et enfin déblocage obligatoire lorsque la récolte est déficitaire. Contrairement au passé où l’interprofession champenoise laissait le choix aux opérateurs de débloquer ou de ne pas débloquer leurs réserves en cas de déficit de récolte, dorénavant lorsque le vigneron n’atteint pas le rendement de l’appellation, il doit impérativement débloquer sa réserve individuelle, à concurrence du rendement de l’appellation. Selon Nicolas Ozanam, c’est sans doute par cet aspect que s’exprime le mieux la gestion collective de la réserve champenoise.

* Qui dit déblocage ne dit pas forcément vente mais « prise de mousse ».

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