Le test d’équipements d’attachage qui a été réalisé à Arthenac à la fin du mois de janvier a permis de recueillir des éléments technico-économiques sur l’utilisation de six attacheurs : l’A3 M v2 d’Infaco, le Fixion de Pellenc, le Léa 30 S de Mage Application, le Ligatex des Ets Lebec, la Ligavigne de Stylsnaf et le Ligapal de la société Ligapal. La manifestation est l’aboutissement d’une collaboration entre les Jeunes Agriculteurs de la Haute Saintonge, la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, la MSA des Charentes et la revue « Le Paysan Vigneron ». L’implication des principaux constructeurs a contribué à la réussite de ce banc d’essai.
Une offre d’attacheurs assistés qui s’est étoffée
L’utilisation des équipements d’attachage facilite considérablement la mise en œuvre et la productivité de ce travail qui est de plus en plus souvent effectué par du personnel saisonnier (pas toujours formé). Les pinces manuelles qui existent depuis une quinzaine d’années ont représenté une première évolution et beaucoup de propriétés utilisent encore ces équipements. La pince Ligapal avec son petit crochet mobile en forme de tire-bouchon, la pince Ligavigne et la lieuse Ligatex ont séduit un certain nombre de viticulteurs dans beaucoup de régions viticoles. Au milieu des années 2000, le lancement par Pellenc de la première pince d’attachage assistée fonctionnant avec des batteries a été un véritable événement. Fort de son expérience au niveau des sécateurs électriques, le constructeur a littéralement ouvert le marché de la mécanisation de l’attachage. Les gains de productivité importants et surtout la facilité d’utilisation du pistolet attacheur par toutes les mains ont séduit de nombreux utilisateurs. Le succès commercial de l’AP 25 et du Fixion a créé une certaine émulation au sein des constructeurs de pinces manuelles et des nouveaux fabricants. Infaco, un acteur majeur au niveau des sécateurs électriques, a sorti une autre pince assistée et depuis trois ans, une autre société, Mage Application, a lancé une troisième pince électrique. L’offre d’équipements d’attachage s’est profondément étoffée au cours des dernières années et les viticulteurs s’interrogent sur les performances des différents matériels.
Évaluer les performances et la facilité d’utilisation de six attacheurs
Ces réflexions exprimées par les Jeunes Agriculteurs de la Haute Saintonge ont été à l’origine du test d’attachage qui a eu lieu à Arthenac le 29 janvier dernier dans le vignoble de Ludovic Benassy. L’idée a été de comparer sur un même site l’utilisation des équipements les plus utilisés dans le vignoble de Cognac. La pleine collaboration entre les Jeunes Agriculteurs de la Haute Saintonge, Michel Girard, le technicien viticole de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, Michel Saunier, le conseiller prévention de la MSA de Cha-rente-Maritime et l’équipe de la revue « Le Paysan Vigneron » a permis de cons-truire une initiative originale pour tester les équipements dans les conditions de la pratique. Le fruit des discussions a débouché sur la mise en place d’un test comparant l’utilisation de 6 pinces à attacher à l’attachage manuel avec du fil PP. Les objectifs étaient d’évaluer les performances en terme des débits de chantier, d’estimer la solidité des liens, et d’appré-cier la facilité et les contraintes d’utilisa-tion de chaque équipement. Un protocole a été mis en place en ayant le souci de créer un test où les conditions d’attachage sont identiques et les plus reproductibles possibles. Or, les effets opérateurs, attentes de qualité de travail, parcelles et les conditions climatiques influencent directement le déroulement des chantiers d’attachage. Les organisateurs ont choisi de mettre en place un banc d’essai où les six équipements seraient utilisés le même jour dans une même parcelle (et sur un nombre de souches suffisant et identiques) par des opérateurs différents mais déjà utilisateurs des différents équipements.
Le banc d’essai s’est déroulé le 29 janvier dernier à Arthenac
Une parcelle d’essais taillée en double arcure
La parcelle mise à disposition par Ludovic Benassy pour conduire le test est une vigne large (3 x 1,20 m) palissée d’ugni blanc homogène d’une vingtaine d’années et ayant une certaine vigueur. La taille en double arcure rend l’attachage plus technique du fait d’une part de la longueur des sarments portant en moyenne 10 à 11 bourgeons et d’autre part du mode de pliage arqué, plus contraignant à mettre en œuvre. L. Benassy accorde de l’importance à la qualité de l’attachage qui doit contribuer dans les vignes palissées à bien maintenir la tête de la souche dans l’axe du palissage : « L’attachage ne se limite pas à la simple action de coucher les sarments sur le fil de base du palissage. Avec la taille en arcure, les notions de courbure des bois et leur passage entre les fils nécessitent de la dextérité. Il faut réellement passer correctement les sarments entre les deux fils pour assurer le bon maintien de la tête des souches. C’est important dans les jeunes vignes comme dans les parcelles plus âgées. Mon souhait est de réaliser une arcure bien courbe et pas trop plongeante pour que la base des sarments attachés ne dépasse pas trop en dessous le fil inférieur. Des extrémités de sarments trop basses favorisent la présence de raisins proches du sol que les machines à vendanger ne récoltent pas bien. L’idéal pour moi est que les extrémités des sarments dépassent au maximum de 5 à 10 cm le niveau du fil inférieur. » Lors du test, le jeune viticulteur avait demandé aux différents opérateurs de respecter ces consignes qualitatives d’attachage.
L’effet « opérateur » sur le débit de chantier est plus limité que l’on ne l’imagine
Des attacheurs testés sur 250 souches et 500 sarments
Les mesures de performances et les observations sur l’utilisation des matériels ont été effectuées pour chaque équipement sur 250 souches et 500 sarments attachés. La parcelle de l’essai, d’une surface de plus de 2 ha (avec une centaine de ceps par rang), a été répartie en trois blocs successifs et homogènes intégrant les 7 modalités. Les six équipements et le fil PP ont été utilisés dans les mêmes conditions par une équipe de 7 personnes qui ont commencé le travail en même temps au début de l’après-midi du 29 janvier. L’équipe de jeunes viticulteurs s’est fortement impliquée dans l’organisation de l’essai. Sylvain Magnan, Jean-Baptiste Mariau, Ludovic Benassy, Vincent Pitard et Thomas Robin se sont investis dans la mise en œuvre concrète du test. Les Jeunes Agriculteurs ont trouvé les sept personnes qui ont effectué l’attachage. Le jour du test, le 29 janvier, leur rôle a été d’encadrer les différents opérateurs et d’apporter un témoignage de viticulteurs sur l’utilisation des différents matériels et la qualité de l’attachage.
Des relevés de temps de travaux complétés par des commentaires d’utilisation
M. Girard, le technicien viticole de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, a pris en charge toute l’organisation du test. Diverses mesures et des relevés de performances ont été effectués le jour de l’essai. Des relevés de temps de travaux concernant le temps d’installation de la bobine, le temps d’attachage total des 500 lattes et le temps des incidents au cours du travail ont été réalisés. Chaque utilisateur d’attacheur était suivi dans les rangs par un jeune viticulteur (n’ayant aucun lien avec l’opérateur) qui d’une part réalisait les chronométrages et d’autre part observait le déroulement de l’attachage. À la fin du travail, les utilisateurs et les viticul-teurs ont été sollicités pour faire part de leurs réflexions sur l’utilisation de chaque équipement. Toutes les pinces, toutes les batteries et toutes les bobines de fil ont été pesées. Michel Girard a collecté tous ces éléments qui sont présentés dans les pages XX à XY. Michel Saunier, le conseiller sécurité de la MSA, a suivi le fonctionnement de l’ensemble des équipements dans la parcelle durant toute l’après-midi du 29 janvier. Cela lui a permis d’établir les commentaires concernant les mouvements, les efforts, les avantages et les contraintes nécessaires à la mise en œuvre des différentes pinces manuelles et assistées.
Une réflexion au niveau de la solidité et de la tenue dans le temps des ligatures
Des mesures d’efforts de rupture des liens pour apprécier leur solidité
Est-il possible d’apprécier la solidité des ligatures réalisées avec les différentes pinces et le fil PP ? Les organisateurs ont souhaité répondre à cette interrogation en mettant en œuvre des tests de mesure des efforts nécessaires à la rupture des liens. Sur les conseils de Matthieu Sabouret, le conseiller en machinisme de la Chambre d’agriculture de Charente, les mesures d’efforts pour atteindre la rupture des liens ont été effectuées en utilisant un dynamomètre. Les premiers essais de cet équipement ont mis en évidence la forte influence à la fois de la résistance du fil d’attache porteur des liens (la tension du fil) et de l’utilisateur du dynamomètre sur les conditions de rupture. La plus ou moins grande souplesse du fil de fer porteur des attaches et les conditions d’utilisation du dynamomètre peuvent rendre les mesures aléatoires et fluctuantes. Un petit protocole a été mis en place pour essayer de minimiser l’incidence de ces éléments. Les liens ont été réalisés sur un tube fixe (un barreau de cuve) de diamètre équivalent à celui d’un sarment, ce qui rend la pose des ligatures parfaitement reproductibles. Ensuite, le dynamomètre a été utilisé par une même personne qui a essayé d’appliquer un effort graduel et constant dans les temps. Dix mesures de rupture ont été effectuées le jour du test pour chaque type de lien. Le souhait d’apprécier le vieillissement et l’état de dégradation des liens en fin de saison sera apprécié par la réalisation de nouvelles mesures dans la parcelle au mois de novembre prochain. Les valeurs d’efforts de rupture des différents liens (issues de la moyenne des 10 mesures de chaque modalité) présentées dans le tableau ci-dessous doivent être relativisées car ces données chiffrées restent aléatoires. Par contre, les différences de valeurs d’effort de rupture entre les différents liens présentent de l’intérêt.
Les attacheurs Fixion, Mage Application et A3 M v2 performants et souples d’utilisation
Les relevés de temps de travaux se sont déroulés sans demander aux différents opérateurs d’effectuer le travail dans un état d’esprit de compétition mais en privilégiant les attentes d’attachage formulées par L. Benassy. Le déroulement du travail lors du test du 29 janvier correspondait aux conditions d’utilisation habituelles des différents équipements dans des vignes taillées en arcure de notre région. La présence d’un palissage haut avec un fil inférieur d’attachage implanté à une hauteur d’environ 0,70 m facilitait le travail du personnel qui ne se penchait que rarement pour réaliser les opérations de liage. Les débits de chantier des attacheurs assistés Fi-xion, Léa 30 S et A3 M v2 se situent entre 221 à 236 ceps/heure. La machine Léa 30S, qui a été utilisée par une personne totalement inexpérimentée, n’a été que peu pénalisée (221 ceps/heure). Par contre, le manque de maîtrise de l’équipement par l’opérateur a engendré un incident (bourrage du fil) au début du travail, suite à une mauvaise manipulation. Au bout d’une demi-heure de travail, l’utilisateur avait déjà acquis une meilleure prise en main de l’outil. La moindre pénibilité et la facilité d’utilisation des machines assistées rendent leur emploi facile et performant. L’effet opérateur souvent mis en avant comme élément déterminant de la productivité de ce travail s’est avéré assez limité dans cet essai.
La pince manuelle Ligatex a confirmé son efficacité
La pince manuelle Ligatex a atteint un très bon niveau de performances avec le meilleur débit de chantier (avec 243 ceps/h et 1 h 06 mn pour attacher 500 lattes). La simplicité d’utilisation de cet équipement avec seulement deux gestes à réaliser pour effectuer l’attachage (pousser et tirer) explique le niveau de performances. L’ouverture de 21 mm du bec d’attachage de la pince Ligatex ne permet pas toujours d’attacher deux sarments de gros diamètre avec un seul lien. Le débit de chantier avec la lieuse manuelle Ligavigne a été moins élevé (208 ceps/heure et 1 h 20 mn pour attacher 500 lattes), suite à des phénomènes de blocages du fil sûrement liés aux conditions pluvieuses. Enfin, l’historique pince Ligapal a été moins performante (169 ceps/heure et 1 h 48 mn pour attacher 500 lattes), ce qui s’explique par son principe demandant plus de manipulations (3 à 4 gestes) pour effectuer le liage. Par contre, sa mise en œuvre reste simple et facile quelles que soient les conditions d’utilisation.
La mécanisation de l’attachage permet de doubler le débit de chantier
Le niveau de performances de l’attachage manuel a été bien sûr inférieur à toutes les autres modalités (121 ceps/heure et 2 h 06 mn). Les conditions climatiques pluvieuses avec de fréquentes averses n’ont pas facilité la prise en main du petit fil PP. En absence de pluie, le débit de chantier aurait été sûrement un peu plus élevé. La personne ayant effectué l’attachage manuel a fait preuve de beaucoup de conscience pour bien arquer et lier les lattes. Le débit de chantier de cette modalité représente une référence de productivité assez représentative des conditions moyennes de l’attachage manuel dans la région. La prise en compte de l’ensemble des performances permet de constater que la mécanisation de l’at-tachage permet de doubler le débit de chantier par rapport à l’attachage manuel.
Cela justifie pleinement l’utilisation des différentes pinces manuelles et assistées. Dans une vigne large, l’attachage de 2 500 ceps/ha (5 000 lattes) demande 11 à 12 heures de main-d’œuvre avec les pinces assistées ou manuelles et plus de 20 heures avec du fil PP.
Des différences de niveaux de solidité entre les liens
Les chiffres des efforts de rupture des liens présentés dans le tableau ci-dessus doivent être interprétés avec une certaine prudence même si les organisateurs ont essayé de construire un protocole sérieux pour réa-liser les mesures.
Le principal intérêt de ce travail réside dans l’appréciation globale des mesures qui révèle des différences de « solidité » entre les liens. Les liens manuels effectués avec le fil PP s’avèrent pratiquement aussi résistants que les ligatures avec des fils biodégradables des attacheurs Fixion et Léa 30 S (7,12 kg pour le premier, 7,38 pour le second et 7,02 pour le troisième). Les liens réalisés avec l’attacheur A3 M v2 et les pinces manuelles Ligatex et Ligapal ont une résistance intermédiaire se situant entre 5,65 kg et 6,05 kg. Le lien le moins résistant est celui posé par la pince Ligapal. Les mesures de ruptures des liens et les observations de leurs tenues qui seront effectuées au mois de novembre prochain apporteront sûrement des éléments complémentaires intéressants.
Le coût assez modique des liens
Les constructeurs d’équipements d’atta-chage ont aussi développé des fabrications de liens spécifiques à leurs équipements. L’utilisation de liens standardisés qui existent est déconseillée par les constructeurs qui justifient cette préconisation par des contraintes d’utilisation de leurs attacheurs respectifs.
Les conditions de fabrications spécifiques des bobines de fils Pellenc, Mage, Infaco, Lebec… permettent d’optimiser le fonctionnement des pinces assistées et manuelles, et doivent constituer aussi une source de revenu complémentaire. Le ta-bleau ci-contre permet de situer la valeur des consommables utilisés lors de l’essai d’Arthenac. Le prix de revient des liens posés avec les pinces Fixion, Léa 30 S, A3 M v2, et Ligatex fluctue entre 11,70 € HT et 15,60 € HT/ha. Par contre, le coût à l’hectare des liens des équipements Liga-vigne et Ligapal revient par contre deux fois plus cher (autour de 30 € HT/ha). Le plus économique est bien sûr l’historique fil PP.
Bibliographie :
− Synthèse de l’essai attachage du 29 janvier dernier.
− Données techniques fournies par les sociétés Pellenc, Mage Appli-cation, Infaco, Lebec, Stylsnaf et Ligapal.
− Eléments technico-économiques fournis par les coopératives CARC et Charentes Alliance.