Les Rendez-Vous Techniques d’Unicoop

20 mars 2009

La coopérative Unicoop a organisé au début du mois de septembre deux réunions techniques de pré-vendanges auxquelles 150 adhérents ont participé. MM. Jean Naudin, le président et Christian Guérin, le maître de chais, ont souhaité créer un premier rendez-vous d’information pour les 250 viticulteurs qui produisent des moûts de Pineau, des vins de distillation et des eaux-de-vie nouvelles. Les débats ont porté sur la conduite des vinifications et les attentes qualitatives de la coopérative. Cette initiative a permis de créer les conditions d’un dialogue simple et direct avec un public de viticulteurs réparti dans l’ensemble de la région délimitée.

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M. Jean Naudin, le président d’Unicoop.

Depuis son arrivée dans l’entreprise, Ch. Guérin a noué de nombreux contacts avec les viticulteurs, les conseillers coopératifs, les membres du conseil d’administration et les distillateurs. Son expérience antérieure d’œnologue de terrain lui a permis de percevoir au fil des mois que des attentes existaient en matière d’information au niveau des pratiques de vinification et des aspects liés à la qualité. Progressivement, l’idée de créer des rendez-vous d’information technique avant les vendanges s’est en quelque sorte formalisée et après discussion avec le conseil d’administration, l’initiative a été mise en place. L’objectif n’était pas de présenter un discours complexe aux viticulteurs mais de rappeler certains principes généraux et de répondre à leurs attentes concrètes. Ch. Guérin a animé les deux réunions en laissant une large place au dialogue avec les viticulteurs et de nombreux sujets ont été abordés, le suivi de la maturité, l’organisation de la récolte, l’hygiène des chais, le démarrage des fermentations, le choix des levures, la conservation des vins…

L’état sanitaire est à surveiller de près

La conduite du vignoble a été très délicate à maîtriser dans l’ensemble de la région et le climat frais et humide n’a pas favorisé une évolution rapide de la maturation. L’apparition de foyers de pourriture sur les parcelles de Merlot, de Cabernet et d’Ugni blanc suscitait beaucoup d’inquiétudes vis-à-vis de la qualité de la récolte. Heureusement, le retour d’un beau temps sec et frais depuis le 10 septembre semble avoir permis de stabiliser la situation et de relancer le processus de maturation. Néanmoins, beaucoup de viticulteurs ont fait part de la forte hétérogénéité de maturation des parcelles qui risque de rendre complexe l’organisation des chantiers de récolte. Les échanges entre viticulteurs et techniciens sur ce sujet ont révélé qu’en 2008, la principale préoccupation se situait autour de l’état sanitaire des raisins. L’effet nature des sols joue un rôle très important sur le potentiel de maturation des raisins et sur une même propriété les écarts sont importants.

D’une manière générale, les terroirs précoces semblent avoir facilité le déroulement de la maturation mais parfois le botrytis s’est aussi développé. Ch. Guérin a rappelé que pour la production de moûts de pineau rosé, le botrytis était

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M. Christian Guérin, le maître de chais.

vraiment « l’ennemi n° 1 » de la qualité : « La présence de botrytis dans des raisins rouges représente un risque majeur vis-à-vis de la tenue de la couleur. Des Merlot altérés par le botrytis ne peuvent pas être utilisés pour élaborer des moûts de rosé. Un travail de sensibilisation important sur la problématique botrytis a été effectué depuis des années et cela a porté ces fruits. D’une manière générale, les adhérents produisant des cépages rouges réalisent une protection contre le botrytis, ce qui a limité le développement de cette maladie. Les fortes pluies de début septembre ont parfois fait beaucoup grossir certaines baies qui, par manque de place, ont éclaté et des foyers de botrytis se sont développés. Il semble aussi que des attaques tardives de vers de la grappe (à la fin août) soient à l’origine d’autres foyers. Les parcelles sont donc à surveiller de près pour trouver le moment le plus opportun de récolte. Au niveau des vins de distillation, la présence de taux de pourriture important représente souvent un facteur d’instabilité pour leur conservation. Les vins présentant des niveaux d’acidité assez bas et issus de vendanges botrytisées devront faire l’objet d’une surveillance accrue durant leur conservation. »

Beaucoup d’interrogations concrètes et des réponses de bon sens

L’autre sujet qui a suscité beaucoup d’intérêt est le démarrage et la conduite des fermentations alcooliques. La décantation rapide des moûts fait toujours l’objet de beaucoup de scepticisme. Faut-il apporter systématiquement de l’azote dans les moûts ? Utiliser des phosphates ou du sulfate d’ammoniaque, quels produits choisir ? Pour lancer les fermentations, faut-il privilégier les pieds de cuves ou le levurage direct ? Quelles sont les souches de levure à privilégier pour le Cognac ? Au niveau de l’utilisation des produits œnologiques, les viticulteurs semblent être soumis à un environnement commercial assez pesant qui ne repose pas toujours sur une réflexion œnologique adaptée à la situation des chais. Les produits œnologiques sont commercialisés par des œnologues de terrain et aussi par un certain nombre d’acteurs commerciaux de proximité (des distributeurs de produits phytosanitaires, des libres-services agricoles, des fournisseurs d’équipements agricoles et viti-vinicoles…) qui vendent des levures, de l’azote… sans apporter les conseils nécessaires à leur bonne utilisation. Ce contexte perturbe un certain nombre de viticulteurs qui se demandent où se situe la juste limite entre une utilisation raisonnée et un business juteux. Les réponses et le discours précis et simple de Ch. Guérin ont été fortement appréciés. Le nombre de réactions pleines de bon sens des viticulteurs vis-à-vis des décantations rapides des moûts aussitôt le pressurage atteste des problèmes concrets que pose cette intervention.

Le nouveau maître de chais d’Unicoop a abordé ce sujet sensible en faisant preuve de pragmatisme : « D’un point de vue théorique, l’intérêt de la décantation rapide des moûts a été démontré à la fois vis-à-vis de la réduction des teneurs en certains composés comme les alcools supérieurs et de la structure aromatique des eaux-de-vie nouvelles (gagnant en finesse et en structure). Néanmoins, les contraintes liées à la mise en œuvre des décantations sont importantes. Cela nécessite l’implantation d’un atelier supplémentaire au niveau de la chaîne de traitement de la vendange avec du matériel spécifique et de la main-d’œuvre pour effectuer les soutirages au bon moment. Tous les chais ne possèdent pas l’équipement et les disponibilités en main-d’œuvre suffisants pour bien maîtriser les décantations. C’est pour cette raison qu’il me paraît souhaitable de réserver cette intervention aux lots de vendange altérés par le botrytis car cela permet de limiter l’impact négatif de la pourriture. Par contre, sur de la vendange saine, d’autres interventions me paraissent plus prioritaires. »

Lancer rapidement et maîtriser les fermentations alcooliques

L’autre réflexion importante de Ch. Guérin a concerné la conduite des fermentations alcooliques qu’il considère comme essentielle vis-à-vis de la qualité finale des vins : « Un vin de distillation de bonne qualité résulte en général d’une fermentation alcoolique bien maîtrisée. La réussite du démarrage et de la conduite des fermentations représente des enjeux qualitatifs majeurs. Les viticulteurs doivent mobiliser toute leur énergie pour anticiper d’éventuels problèmes de fermentation à partir du moment où la machine entre dans une parcelle. La juste appréciation des teneurs en azote des moûts de la récolte est devenue importante pour assurer à la fois la bonne alimentation des levures et l’équilibre qualitatif public_opt.jpegdes vins ultérieurement. Les parcelles habituellement sensibles aux carences en azote doivent être surveillées de près. Les premières indications fournies cette année par la Station Viticole annoncent des teneurs normales en azote des moûts. Il faudra tout de même rester vigilant dans les situations de teneurs en sucres potentielles plus élevées. S’informer localement auprès de son œnologue des teneurs en azote au niveau des contrôles de maturité est aussi important. Je ne souhaite pas que les apports d’azote soient systématisés mais raisonnés selon la situation de chaque propriété. Une des spécificités de notre région est aussi l’organisation des chantiers de récolte qui permettent de rentrer quotidiennement plusieurs centaines d’hl. La mise en fermentation de tels volumes doit être abordée avec sérieux. Si les conditions climatiques sont soit trop fraîches, soit trop chaudes, l’implantation des levures sera perturbée. Or, ce discours n’est pas toujours bien reçu par certains viticulteurs qui le perçoivent comme un argumentaire commercial les incitant à utiliser des LSA. Créer les conditions à un départ en fermentation rapide est un acte œnologique important qui nécessite un savoir-faire et une organisation quand on récolte plus de 300 hl chaque jour. Une année plus tardive comme 2008, les moûts extraits le matin entre 7 et 12 heures risque d’être à une température nettement inférieure à 15 °C. Leur départ en fermentation rapide ne pourra s’effectuer que s’ils sont soit réchauffés en ligne ou soit tempérés en les assemblant avec un volume équivalent récolté de l’après-midi précédente. Ensuite, l’incorporation d’un levain actif est une intervention conseillée pour favoriser l’implantation de levures correspondant aux attentes qualitatives du Cognac. Cela ne signifie par pour autant qu’il faut systématiser le levurage direct. L’utilisation de pieds de cuve reste une bonne solution (tant que leur densité est supérieure à 1040) s’ils sont ensemencés au départ en levures qualifiées pour le Cognac. Dans la pratique, un même pied de cuve ne peut être utilisé que pour ensemencer 3 à 4 cuves. La coopérative souhaite que les adhérents utilisent exclusivement les souches qualifiées Cognac et en priorité la FC9 et la 7013 dont l’intérêt pour les vins de distillation a été largement démontré depuis de nombreuses années. L’emploi sur de plus petits volumes de la Zymasil et de la B + C peut s’avérer intéressant sur le plan de la diversité. Par contre nous restons réservés sur l’intérêt des nouvelles souches, la LA L13, la LA n° 5 et l’Equinox B1 qui n’ont pas été utilisées jusqu’à présent sur de grands volumes. Dans les propriétés pratiquant le levurage direct, il nous paraît souhaitable d’utiliser au moins deux souches de levures. »

Travailler la qualité avec chaque bouilleur de cru

L’autre nouveauté importante concerne la mise en œuvre d’une démarche de sélection qualitative des vins de distillation. Ch. Guérin considère que la recherche de qualité au niveau des eaux-de-vie repose au départ sur la juste appréciation des caractéristiques des vins. Mieux connaître la qualité des vins avant de les distiller est un moyen efficace d’essayer ensuite de conduire les chauffes de façon optimale. Le nouveau cadre de travail repose sur une association de critères analytiques et gustatifs. Pour chaque cuve, les vins seront dégustés et ensuite une microdistillation (avec dégustation) et une chromatographie seront effectuées. L’enjeu n’est pas de sanctionner la non-qualité mais de s’appuyer sur un argumentaire pour essayer d’aider les viticulteurs à mieux maîtriser la qualité de leurs vins et de leurs eaux-de-vie. Les distillateurs professionnels assureront ce travail de sélection qualitative en partenariat avec l’équipe de production d’Unicoop.

Le nouveau maître de chais a la volonté d’essayer d’aller vers des productions d’eaux-de-vie plus riches sur le plan aromatique et plus rondes en bouche. Son souhait est de travailler en étroite collaboration avec les distillateurs professionnels et les bouilleurs de cru pour atteindre cet objectif et ses propos sur ce sujet sont proches des réalités : « Je n’ai pas l’intention de remettre en cause ce qui s’est fait de bien au niveau de la coopérative depuis des années. Mon souhait est simplement d’essayer de me rapprocher des réalités de chaque bouilleur de cru et de chaque distillateur de profession pour travailler la qualité des eaux-de-vie de chaque site de production. Peut-être faudra-t-il passer un peu de lies à un endroit mais pas à un autre, réduire ou augmenter les prélèvements de têtes ailleurs, descendre un peu plus bas à la coupe, repasser ou pas les secondes dans les vins… il n’y a pas une recette miracle pour toutes les situations mais des approches différentes à mettre en œuvre dans chaque distillerie pour essayer d’obtenir des eaux-de-vie nouvelles rondes, généreuses et intéressantes sur le plan aromatique. Distiller est un travail passionnant qui s’apprend en dégustant souvent et en prenant parfois un peu plus de risques pour essayer de faire bon. ».

Christian Guérin souhaite que les bouilleurs de cru et les distillateurs suivent au plus près la qualité des eaux-de-vie. Il se tient à leur disposition pour déguster les échantillons et apporter des conseils techniques.

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