Ce n’est plus un secret pour personne. Les prix Cognac se situent sur une pente ascendante. De 22 à 23 F le °hl l’an dernier, les vins Cognac – sur ce qu’il est encore convenu d’appeler le second marché – se négocient aujourd’hui autour de 29 à 32 F, selon la qualité et le délai de paiement. Sur ce même second marché, on ne trouve plus de comptes 2 en dessous de 640 e l’hl d’AP, soit 4 200 F l’hl d’AP. Il y a encore quelques semaines, leurs prix étaient de 4 000 F. Mieux : la réalité de marché est sans doute plus proche aujourd’hui de 4 400 F l’hl AP départ propriété. Une demande commence même à se faire sentir sur les comptes 4. « Prix fermes, demande ferme » résume un courtier. « Nous n’avons plus d’échantillons sur nos paillasses » constate ce dernier qui détecte même un soupçon de rétention de la part des viticulteurs qui « attendent de voir » et, en tout cas, discutent les prix. Les petits négociants, qui avaient perdu l’habitude de s’approvisionner en vins pour privilégier des achats d’eaux-de-vie sur le marché de place, reprennent le chemin des distilleries de profession, se demandant si finalement il ne serait pas plus intéressant pour eux de se remettre à élever des Cognacs. Et si l’on ne peut pas encore parler de « contrats » avec ce petit et moyen négoce, des relations se nouent de nouveau avec la viticulture via les distillateurs de profession. Les raisons de ce « frémis-sement », voire de cette légère tension, s’expliquent assez facilement. Les professionnels y détectent l’effet « du cadrage des 6 de pur pendant 5 ou 6 ans », la baisse des stocks de comptes jeunes, un certain « assèchement » du marché par les grandes maisons, le tout bien sûr conditionné par les sorties Cognac, elles-mêmes « tirées » par le marché américain. Mais naturellement, une question s’impose : « est-ce que tout ceci va continuer de fonctionner ? » Par ailleurs, à y regarder de plus près, l’embellie générale recèle quelques nuances. Pour de nombreux négociants du second marché, les 30 F le °hl payés aujourd’hui semblent représenter un palier. La profession attend aussi comme « un signe fort » les premiers dénouements d’achats de bonne fin en compte 2 lancés dans la région en 2001. « En fonction du prix, on pourra dire si, oui ou non, on rentre dans un cercle vertueux. » La circonspection est également de mise pour apprécier la progression des prix d’achat de compte 00 annoncée par certaines maisons, elles aussi entrées dans une politique d’achat à terme. « C’est un facteur encourageant mais il faudra voir ce qui reste après l’évaporation et l’éventuelle réfaction pour des problèmes de qualité. » Ainsi ce que tout le monde salue comme une remontée salutaire – « les prix pratiqués précédemment se situaient très en dessous du prix de revient » – demande à être confirmé. « Surtout, que la hausse des prix ne soient pas trop rapide car nous irions à la catastrophe ! » exhorte un opérateur chevronné. « Les gens d’ici ont beau avoir peu de mémoire, les faits ne remontent qu’à dix ans » tempère un de ses collègues, faisant allusion à la flambée des cours des années 90, suivie d’une replongée dans la crise. Le même voit dans la situation actuelle à la fois des réminiscences mais aussi des différences avec le passé. « Quand le taux de rotation du Cognac flirte avec 6 années, on connaît la suite. C’était le cas en 1989 et cette année, nous ne distillerons pas encore nos besoins. Même avec 7 de pur ha, les pronostics donnent au mieux une distillation de 430 000 hl AP, compte tenu des problèmes de trésorerie des viticulteurs. A l’inverse, en 1989-1990, c’est la demande de VSOP et de X.O vers l’Asie et le Japon qui avait déclenché le “bazar” dans la région. Aujourd’hui, nous sommes sur une logique totalement différente, celle des comptes jeunes, beaucoup moins risquée. Le taux de rotation du stock ne revêt pas la même importance. » En fonction de sa « sensation de marché », l’opérateur n’exclut pas des comptes 2 à 5 000 F l’hl d’AP sur le second marché l’an prochain. « A quoi sert de se voiler la face. Un peu plus tôt, un peu plus tard ! » Reste qu’il est trop au fait du marché du Cognac pour ne pas en connaître ses cycles et en donner une description précise. « Quand le prix du second marché rejoint celui du premier, les ventes de Cognac baissent sur les destinations proches. Il existe alors deux solutions : soit le marché stagne et la région est à nouveau soumise à un phénomène de yo-yo, soit des marchés phares tirent les sorties et l’embellie peut se confirmer. » Les paris sont ouverts.
La plus belle fille ne peut donner que ce qu’elle a. » C’est un peu ce qui se passe avec les jus de raisin cette année, « rognés aux deux bouts », à la fois par une nature jalouse et une QNV de 7 de pur. N’empêche ! Les opérateurs de la filière ne peuvent cacher une certaine amertume. « En année facile, constatent-ils, c’est facile pour tout le monde. Mais en année difficile, les “fondamentaux” remontent à la surface et les jus de raisin sont poussés dans les cordes par le Cognac. » On annonce 700 000 hl vol. de jus de raisin contre 1,2 million d’hl vol. l’an dernier. Bien que les intermédiaires s’en défendent – les viticulteurs n’ont pas fait de rétention et ont en général consacré la moitié de leur disponible hors QNV aux jus de raisin – les opérateurs estiment que le « tri Cognac » les a pénalisés. « Par la volonté de sécuriser au maximum le Cognac, il y aura certainement davantage d’article 28 que de raison. » A 1,75 » le °hl de moyenne, les prix des jus de raisin ont pourtant progressé de près de 20 % par rapport à l’an dernier. Et les acheteurs d’enfoncer le clou : « C’est bien la preuve que les prix ne changent rien au problème » (en disant cela, ils n’ignorent sans doute pas que sans cette hausse des prix, ils eussent sans doute été encore moins bien servis). S’ils apparaissent plutôt confiants dans l’avenir – entendre la mise en place de vignobles différenciés – ils laissent cependant planer une menace. « Le temps ne travaille pas en faveur des Charentes. La filière jus de raisin risque de se mettre en chasse de vignobles alternatifs à la région et ne sera peut-être pas toujours aussi bien disposée à son égard. » Bravade ou propos mûrement médités ?
Des moûts de vinif. payés dans une fourchette de 21 à 24 F le °hl avec un cœur de cible à 22 F, des prix de retiraison vins de table entre 23 et 24 F le °hl pour la grosse majorité d’entre eux… Comme en 2002 déjà, les cours des vins se tiennent à des niveaux honorables pour des produits basiques et rivalisent très clairement avec les prix des vins Cognac du second marché, même à 30 F le °hl. Des interrogations pèsent sur 300 000 hl vol. « flottants ». Iront, iront pas au Cognac ? Ce sont bien souvent les analyses qui le diront, en sachant que la plupart des mauvais vins auront été dirigés vers le marché périphérique de la distillation de retrait. « Nous avons fait notre métier » estime la profession.
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