Le Cognac dans l’univers

14 mars 2009

photo_9.jpgAlors que la 12e édition de Vinexpo vient juste de fermer ses portes, le 26 juin dernier, l’écho du plus grand « show room » mondial des vins et spiritueux résonne encore dans les têtes. A cette occasion, nous publions une étude du Centre international des eaux-de-vie et boissons spiritueuses de Segonzac, présidé par Patrick Brisset. Cette étude partiellement inédite n’a été présentée que deux fois devant un petit groupe de viticulteurs. Chargé de projet pour la création de l’Observatoire des eaux-de-vie, Sébastien Dathané a effectué un gros travail de compilation et de retraitement des données statistiques pour aboutir à une analyse synthétique et une mise en perspective du secteur des spiritueux. En envisageant sans tabou l’ensemble de la filière, son étude recèle quelques surprises. Connaissez-vous par exemple le n° 1 mondial des spiritueux en volume ? Ne cherchez pas. Il s’agit d’une Vodka coréenne, absolument inconnue au bataillon, le Soju, commercialisé par une firme dont le nom ne parle pas davantage aux initiés : Jinro. Les Coréens boivent tout de même un milliard de litres de Soju par an. Des commentaires de S. Dathané accompagnent les tableaux.

En préalable, il convient d’insister sur la fiabilité très relative de ces estimations dans la mesure où la tenue de statistiques de production et de consommation ne se fait pas avec la même exigence selon les spiritueux analysés et le pays d’origine.

photo_9_1.jpgphoto_92.jpgphoto_93.jpgphoto_94.jpgphoto_95_1.jpgphoto_96.jpgPremier constat : si on excepte l’Afrique, pour des raisons religieuses, et l’Australie pour des raisons culturelles, le monde entier produit et consomme des spiritueux. Pour le reste, on note un certain équilibre entre les productions et consommations européennes, américaines et asiatiques même si chaque zone géographique couvre des réalités différentes (tableau n° 1).

On retrouve ces différences à travers les estimations de consommation (tableau 2 et suivants). Elles permettent de ressortir deux types de zones géographiques. Dans les zones dites développées (Europe de l’Ouest et Amérique du Nord), le consommateur est attiré par la diversité de l’offre présentée et ne semble pas privilégier un alcool plus qu’un autre. Nous sommes au royaume du marketing dans lequel chaque marque premium met en œuvre créativité et puissance commerciale pour attirer de nouveaux consommateurs. En revanche, l’Asie, l’Europe de l’Est et l’Amérique du Sud sont beaucoup plus concernées par la consommation de spécialités locales, souvent méconnues en dehors du lieu de consommation, en dépit de volume de production absolument gigantesque. Ainsi, la plus grande usine de production de Cachaça (Rhum industriel brésilien) produit en une journée ce que font la totalité des distilleries de Guadeloupe et de Martinique en une campagne de distillation ! Par ailleurs, là où le consommateur européen se comporte de manière sociale face à l’alcool, le buveur de Soju, Pisco, Sochu, Aguardiente… voit souvent dans ces spiritueux un moyen bon marché de s’évader du quotidien. On est donc loin de nos repères habituels aussi bien en matière de production que de consommation.

Pourtant l’ouverture des marchés nous pousse à nous intéresser fortement à ces zones où les spiritueux font partie intégrante de la culture locale. En effet, on constate que de nombreuses productions, jusqu’alors entièrement tournées vers le marché domestique, commencent timidement à intégrer les circuits de distributions internationaux. Dans la plupart des grandes surfaces en France, vous pouvez désormais trouver de la Cachaça brésilienne, du Sochu japonais et autre Mescal mexicain.

Dans le même temps, les nouveaux pays membres de l’OMC sont amenés à faciliter l’ouverture de leur marché aux produits importés (notamment par l’uniformisation des taxations). Du coup, ces spiritueux premiums deviennent de plus en plus accessibles et peuvent donc constituer une nouvelle alternative aux alcools locaux pour les classes moyennes. Un phénomène encore balbutiant et très dépendant du contexte économique international mais qui laisse à penser que le monde des spiritueux risque d’évoluer fortement dans les prochaines années.

Marques et groupes de spiritueux

Lorsque l’on cherche à positionner les marques de spiritueux entre elles, il existe plusieurs niveaux de comparaisons. On peut d’abord se baser sur l’ensemble des volumes consommés dans le monde (tableau n° 10). Ce classement laisse apparaître quelques surprises puisque les 5 premières marques sont quasiment inconnues car très concentrées sur leur marché domestique. A côté des leaders du secteur, Bacardi, première marque premium, fait figure de modeste challenger avec pourtant 160 millions de bouteilles vendues par an ! Quant au tableau n° 11, il permet de visualiser à lui seul l’océan qui existe entre l’image du Cognac dans le monde et la réalité de ses ventes. Reste que ce type de classement n’est pas exempt de limites tant l’approche entre les alcools locaux et les spiritueux premiums est différente, que ce soit en matière de techniques de production, marketing, commerce, circuits de distribution…

En se focalisant sur les marques premiums, le tableau n° 12 présente l’avantage de comparer des entreprises aux logiques commerciales sensiblement identiques. Deux marques se détachent du classement (le Rhum Bacardi et la Vodka Smirnoff), suivies par un peloton de spiritueux de catégories et d’origines géographiques différentes, tendant à démontrer le goût pour l’éclectisme du consommateur de spiritueux. Les principales marques de Cognac (tableau n° 13) sont toutes présentes dans ce top 100 mais à des places modestes. Ce qui n’est pas le cas dans le tableau n° 14 qui positionne chaque marque en fonction de la valeur des ventes en détail réalisées dans l’année. On trouve ici Hennessy à la 4e position et Rémy Martin, Courvoisier et Martell dans les 40 premiers. En d’autres termes (tableau n° 16), le Cognac, comme le Scotch Whisky ou les Liqueurs, a tendance à se focaliser sur le prix de vente des produits plutôt que sur les volumes vendus. Dans une logique opposée, on retrouve la vodka et des alcools locaux qui sont vendus à des prix inférieurs mais qui réalisent leur chiffre d’affaires grâce aux volumes de vente très importants. Enfin, le dernier tableau classe les principaux groupes de spiritueux. Classé hors catégories (car peu présent sur les premiums), on note la présence du groupe russe Sojuzplodimport qui produit et distribue une grande partie des vodkas en Russie. Il vend à lui seul 1 milliard de litres de vodka par an ! Mais le secteur est surtout dominé par un groupe anglais, Diageo, qui pèse près de deux fois son premier poursuivant et détient des marques leaders dans quasiment toutes les catégories de spiritueux. A tel point que chaque tentative d’acquisition de Diageo est désormais bloquée puis analysée par les autorités américaines et européennes chargées de la concurrence. Avec des délais qui peuvent être pénalisants pour les marques concernées, comme on a pu le constater récemment avec le rachat de la branche vins et spiritueux de Seagram. Compte tenu de la structure actuelle du marché, cette situation devrait se reproduire à l’avenir même si 2002 a été plutôt calme en matière de mouvement d’entreprises.

Etudes statistiques Remonter à la source

La pertinence des sources conditionne la pertinence des chiffres. Dis-moi qui tu cite, je te dirai ce que tu vaux. Pour resituer le Cognac dans l’univers des spiritueux, le Centre international des eaux-de-vie et boissons spiritueuses de Segonzac s’est appuyé sur quatre sources principales d’informations, mentionnées ci-dessous.

BNIC : on ne présente pas le service statistique du BNIC, surtout à Cognac. Ses publications mensuelles et annuelles tiennent lieu de repère à toute une filière. A rythme régulier, les tableaux viennent s’enrichir d’une ligne supplémentaire, donnant lieu à des « collections » qui peuvent remonter, dans certains cas, à une époque précédant la création du BNIC. A cette caractéristique de mémoire et d’antériorité vient s’ajouter celle d’exhaustivité. Le BNIC obtient de l’ensemble de ses opérateurs, quel que soit le type de mouvement, qu’ils transmettent leurs documents. Le service statistique en extrait l’essentiel et se livre à des études à la demande.

Impact international : revue bimensuelle d’origine américaine, publiée en langue anglaise, Impact international fait référence dans le métier des boissons et tout particulièrement des spiritueux. Longtemps très tournée sur son propre continent, elle s’est ouverte à l’ensemble des marchés, globalisation oblige. Impact international est diffusé à 17 000 exemplaires, 40 % sur le continent américain, 45 % en Europe et le reste en Asie. Abonnement annuel au tarif de 695 $.

World Drink Trends : ce « petit livre jaune », édité annuellement, n’est pas loin d’être considéré comme une bible dans le secteur des boissons spiritueuses. Publié en langue anglaise, au Royaume-Uni, cet ouvrage est édité par une société hollandaise basée près de Rotterdam, la Commission for Distilled Spirits.

Vertumne international : cabinet conseil et consultant marketing installé à Bordeaux, Vertumne international est très ancré dans le monde des vins (antenne à Montpellier, filiale à Londres). Au plan statistique, le cabinet a mis en place deux outils : son propre observatoire des spiritueux s’appuyant sur 26 pays et, en association avec le salon londonien International Wines and Spirits Trade Fair, le Wine trade index, qu’une branche spiritueux est venue compléter cette année. Dans l’univers des vins, Scotch, Bourbon, Cognac, Gin, Tequila, Rhum, le cabinet recolle les chiffres de production, exportation et réexportation. Il travaille à partir des sources douanières, interprofessionnelles quand elles existent, mais aussi à partir de sources professionnelles, dites « données privées ». Le croisement de toutes ces informations permet d’appréhender les marchés.

 

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