Claire est décédée d’un cancer en octobre 2006. Elle avait douze ans. Pour aider les familles et la recherche, parents et entourage ont créé « les Amis de Claire ». L’association charentaise organise plusieurs manifestations dans l’année, dont les « 100 Porsche pour les Amis de Claire », sur le circuit Jean-Pierre-Beltoise de La Génétouze (17). Une partie de l’argent collecté va à l’Institut Curie, pour aider à mieux cibler les traitements des cancers des enfants. L’autre partie sert à semer « quelques grains de bonheur » dans la vie des petits malades. Interview de Muriel Dezier, présidente de l’association « les Amis de Claire ».
L’association a été fondée en 2005, du vivant de Claire.
Quand Christine et Yves, les parents de Claire, ont appris par les médecins que leur enfant connaissait une impasse thérapeutique, une chaîne de solidarité s’est formée autour d’eux. Une forte somme a été collectée – autour de 7 000 € – pour permettre à Claire de vivre en accéléré quelques moments forts. Mais Yves et Christine n’ont pas voulu gérer cet argent tout seul. Ils ont souhaité créer une association, pour aider les familles et aussi la recherche.
Comment s’exprime cette aide aux familles ?
Il ne s’agit pas d’une vraie prise en charge mais d’un coup de pouce pour donner aux enfants ce petit plus qui va enjoliver leur vie, les aider à sortir de leur isolement ne serait-ce qu’un instant : une trottinette électrique, un ordinateur portable, un
voyage en avion pour aller voir les dauphins… Dans l’urgence, les parents font déjà face à l’indispensable. Ils ne peuvent pas toujours offrir le superflu. Et dans certains cas d’ailleurs, il ne s’agit même pas de superflu. Je pense à ce jeune couple dont l’un, travailleur indépendant, avait abandonné son travail pour s’occuper de leur petit, hospitalisé à Bordeaux. La nuit à la Maison des Parents coûte 10 €. La maman dormait dans la chambre mais le papa dans la voiture. L’association a apporté son concours. Je pense aussi à Lénaly, cette petite fille qui fut au cœur des Amis de Claire ces derniers mois. Ses deux parents travaillent mais, à 28 ans, on ne possède pas toujours un caméscope pour capter les belles ima-ges de la vie. Ils ont pu acheter une se-conde poussette ou encore partir à Disneyland en famille. Durant les derniers mois, il s’agissait, pour Lénaly et ses parents, de vivre un maximum de choses en concentré. Quand le cancer atteint un enfant, il crée un véritable ouragan au sein de la cellule familiale. L’enfance, c’est l’innocence, le bonheur. Comment accepter l’inacceptable ! Le but de l’association, c’est de semer quelques petits grains de bonheur et de « normalité » même bien dérisoires quand l’enfant est en chimio tous les jours.
La rencontre entre l’association et les familles s’opère de quelle manière ?
Par le bouche à oreille exclusivement, le réseau des relations. A l’école de mon fils, j’ai entendu parler d’un enfant malade ; les équipes pédia-
triques des hôpitaux de Girac, de Bordeaux ou de Poitiers nous parlent d’une famille… Notre association, basée en Charente, n’a vocation à s’occuper que des enfants du département. Depuis sa création, l’association les Amis de Claire a aidé sur un temps assez long quatre familles, sans parler de tous les enfants auxquels nous avons pu faire plaisir de façon ponctuelle, par des cadeaux, des journées festives, sans forcément un gros engagement financier. Nous sommes et restons une petite association.
Et l’aide à la recherche ?
Dès le départ, l’aide à la recherche et la nécessité d’informer firent partie du projet de l’association. Il faut savoir que les cancers des enfants sont très méconnus du grand public. Cela tient sans doute à leur faiblesse numérique. En nombre, ils ne représentent sans doute pas plus d’1 % des cancers des adultes en France, soit environ 1 000 nouveaux cas par an. Les associations comme la nôtre cherchent à accorder davantage de visibilité aux cancers des enfants, afin de pousser la recherche et les laboratoires à proposer des traitements plus ciblés. Des chimiothérapies trop fortes ne sont pas sans conséquence sur l’avenir des enfants. Les laboratoires doivent manifester plus de conviction, plus de volonté à mettre au point des protocoles adaptés aux jeunes patients.
Où va l’argent ?
Tous les ans, en janvier, nous remettons un chèque de 20 à 25 000 € à l’Institut Curie, plus spécialement au service du docteur
Olivier Delattre, chef de l’équipe de recherche en génétique et biologie des tumeurs pédiatriques. O. Delattre a une manière bien à lui d’exprimer la valeur des dons. Il met le chèque dans sa poche et nous dit : « Voyez-vous, avec cet argent, tout ira très vite. Je n’ai pas besoin de déposer un dossier pour demander le déblocage de fonds. » Avec l’Institut Curie, tout se fait dans la plus grande transparence. On nous décrit parfaitement le projet. Ce peut être un demi-poste de chercheur ou encore, comme il y a trois ou quatre ans, la prise en charge de trois souris de laboratoire à des fins de recherche génétique. A 5 000 € la souris, 15 000 € furent consacrés à cette mission. Même si l’expérimentation animale ne rencontre pas que des adeptes, la science progresse aussi de cette façon. Bien sûr, l’association des Amis de Claire fait partie des tout petits contributeurs. Heureusement que les grosses associations existent. Mais, quelles soient petites ou grandes, toutes les associations, par leurs dons, participent à la lutte contre le cancer. Les chercheurs nous le disent : pour eux, cet argent est indispensable.
Comment collectez-vous les fonds ?
Nous organisons annuellement trois ou quatre manifestations. Notre événement phare se déroule chaque année au pôle méca de La Génetouze, en Charente-Maritime. La journée, nous l’avons baptisé « 100 Porsche pour les Amis de Claire ». Les propriétaires de voitures se retrouvent en matinée pour des séances de roulage puis vers 12 h 30-13 h les enfants participent à la « grande parade ». Ils s’installent à côté des pilotes et font un tour de circuit. Un moment très attendu. Au cours de l’après-midi, le public est invité à participer à des baptêmes de piste. Tout l’argent récolté va à l’Institut Curie. Selon les années, la recette des 100 Porsche oscille entre 13 000 et 19 000 €. La communauté de communes de Haute Saintonge couvre la moitié du prix du circuit. Des partenaires logistiques nous prêtent qui un camion frigorifique, qui des équipements. Au stand restauration, toute la charcuterie est offerte. La presse parle de notre manifestation. Depuis deux ans, nous bénéficions du soutien actif de la maison Tessendier à Cognac. De manière générale, nous cherchons, pour nos actions, le maximum de gratuité ou d’échange. A 95 % la participation financière du public va à la recherche et à l’aide aux familles.
Vos autres actions, quelles sont-elles ?
Des membres féminins de notre association fabriquent tout au long de l’année des bijoux. Au moment de Noël, la société de gym aquatique, Crescend’eau, à l’Isle-d’Espagnac et à Châteaubernard, vend de petits objets au profit de l’association. En octobre dernier, a eu lieu la première Marche pour Lénaly, une balade d’une dizaine de km autour de la Touvre.
Fonctionnez-vous en réseau avec d’autres associations ?
Pas vraiment mais des associations nous ont montré la voie. Les liens avec ces structures « amies » sont très forts et essentiels pour nous. Je citerai au premier chef l’association « Les bagouz à Manon » à Vélizy. Claire et Manon se sont connues dans les hôpitaux. Toutes les deux, elles fabriquaient des bijoux avec leurs mamans et amies de celles-ci. Il y a aussi l’Etoile de Martin, une très grosse association très investie sur la recherche. Elle a remis des sommes énormes. Les Rotaries Val de Charente, Châteaubernard et Jarnac œuvrent également beaucoup pour le cancer de l’enfant et nous remettent des dons.
Un engagement comme le vôtre est difficile. Qu’est-ce qui vous fait tenir et persévérer ?
Christine et Yves sont des gens informés. Eh bien, ils sont convaincus que la recherche avance et trouve. Pour eux, c’est une évidence de continuer le combat. J’ai le même espoir chevillé au corps. Tenir une association, c’est convaincre des bénévoles, les aider à se dépasser et, par là même, se dépasser soi-même. Les bénévoles représentent une grande force pour moi,
ainsi que ceux que j’appelle la « garde rapprochée », membres de l’association issus des familles proches. Une telle synergie se dégage à être tous ensemble et poursuivre le même but : rendre la vie meilleure aux enfants et à leur famille ; qu’ils ne soient pas obligés d’évoluer en permanence dans la détresse. Ce n’est pas la mort que je vois. Je vois plutôt l’espoir qui est en train de naître. C’est pour cela qu’il est aussi important de travailler avec l’Institut Curie. Les chercheurs nous donnent du courage. Ils nous montrent chaque petite avancée, ga-
gnée par la patience et l’obstination. On ne rayera pas le cancer mais on peut le combattre avec de meilleurs traitements, faire que chaque enfant soit plus fort face à la maladie. C’est l’espoir qui m’anime lors des moments de doute. Effectivement, c’est lourd de voir la mort rôder d’aussi près. Cela vous renvoie à votre propre fin. Mais je pense à Claire, à sa dernière année de vie et je retrouve cette force qu’elle a su nous communiquer. Quand je suis découragée, je pense à tout ça et je me dis qu’il faut continuer.
Prochaine rencontre des « 100 Porsche pour les Amis de Claire »
Jeudi 29 mai 2014
(jour de l’Ascension)
www.100porschepourlesamisdeclaire.fr
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