Les Hauts de Talmont créent toujours la « différence »

24 octobre 2012

« Faire les vins que l’on aime » en ayant pris le temps de penser un itinéraire de production global et toutes les démarches marketing et commerciales permettant de les valoriser est le pari ambitieux qu’ont fait trois passionnés du vin en créant le vignoble des Hauts de Talmont. Le projet a démarré discrètement au début des années 2000 mais, au fil du temps, la démarche a « pris du corps ». Un véritable laboratoire de productions viticoles authentiques en phase avec le terroir a vu le jour et se pérennise grâce au développement d’une gamme de vins originaux et étoffée, un colombard dry, un rosé de forte personnalité, des méthodes traditionnelles millésimées et deux VDN.

Le vignoble des Hauts de Talmont créé il y a neuf ans s’enracine progressivement dans la falaise crayeuse qui surplombe l’estuaire de la Gironde. Le colombard et le merlot s’y développent de façon harmonieuse et, d’année en année, l’authenticité des productions s’extériorise. L’objectif n’est pas seulement de « faire du très bon vin » mais d’élaborer des produits de forte identité. Cette idée ambitieuse mobilise l’énergie de trois passionnés de vins dont l’expérience s’avère complémentaire. Michel Guillard, le créateur du magazine l’Amateur de Bordeaux, Jean-Jacques Vallée, l’homme de marketing et Lionel Gardrat, un vigneron de talent, ont une passion commune : les vins ayant une forte personnalité. Le hasard d’une rencontre, des discussions informelles et sérieuses ont débouché sur la création d’un vignoble privilégiant la production de vins authentiques. La démarche est le fruit d’une réflexion globale, collégiale et permanente que J.-J. Vallée résume de la façon suivante : « Les vins des Hauts de Talmont doivent créer la différence pour ne pas tomber dans l’indifférence. »

Se donner les moyens de produire des vins de forte identité

La philosophie de production a été créée au départ en ayant comme fil conducteur de redonner ses lettres de noblesse au colombard, le cépage oublié de la région de Cognac. L. Gardrat connaît bien ce cépage qu’il vinifie depuis de nombreuses années au domaine de la Touche à Cozes. Se donner les moyens de repenser un itinéraire de production global qui permettrait d’élaborer des vins plus authentiques était un souhait du jeune vigneron ; le projet des Hauts de Talmont le concrétise. Le colombard connaît actuellement un engouement en France dans le Gers et surtout à l’étranger dans divers vignobles, la Californie et l’Afrique du Sud. L’environnement de production de la falaise de Talmont avec des terres de champagne crayeuse, un ensoleillement important, une influence océanique propice aux arômes représentent une situation idéale pour implanter du colombard. L’introduction d’un cépage rouge quelques années plus tard a été abordée en s’appuyant sur les potentialités du terroir. Le merlot s’est imposé naturellement du fait de sa parfaite adaptation au contexte de production proche du Bordelais où sur des sols calcaires des Côtes-de-Bourg, de Pomerol et de Saint-Emilion sont élaborés des vins conciliant richesse, arôme et fruité. L’établissement et la conduite du vignoble ont été pensés pour élaborer des vins « de fortes identités » sans pour autant s’engager au départ dans une démarche bio.

Les vignes doivent « extérioriser » le terroir

p31.jpgCela a débouché sur l’implantation de vignes étroites disposant d’un palissage d’une hauteur moyenne qui permet à la fois de bénéficier des avantages du microclimat de l’estuaire de la Gironde et de ne pas être trop exposé aux vents marins. Les vignes de colombard (4 ha) et de merlot (1,5 ha) plantées entre 2003 et 2006 ont une densité théorique de 5 000 ceps/ha (2 m sur 1 m) qui favorise les phénomènes de concurrence, limite la production de chaque souche et amplifie la concentration qualitative. L Gardrat ne cache pas qu’il lui a fallu quelques années pour comprendre le fonctionnement du terroir et ensuite y adapter les pratiques viticoles. Le sous-sol très calcaire, l’ambiance maritime, les coups de vents, les amplitudes thermiques plus limitées pendant la maturation représentent de réelles spécificités. La philosophie de conduite du vignoble a toujours été de privilégier la mise en œuvre d’interventions les plus naturelles possibles (en optant pour une utilisation raisonnée et raisonnable de tous les intrants). Cependant, au fil des années, le cheminement personnel des trois propriétaires et l’évolution des attentes de la société civile en matière de respect de l’environnement ont engendré, fin 2011, une évolution importante des pratiques viticoles. Malgré le développement et l’intérêt médiatique grandissant autour de la viticulture bio, cette voie n’a pas été choisie. Les trois responsables du vignoble des Hauts de Talmont ont préféré s’engager dans une démarche de conversion en biodynamie.

L’engagement dans la biodynamie en 2012

Le principe de la biodynamie est de réhabiliter et de dynamiser la vie organique du milieu où se développe la vigne. Plus concrètement, cela consiste à renforcer la vitalité et la résistance des ceps de vignes afin d’améliorer les échanges naturels sol/racines et climat/feuilles. De telles pratiques viticoles contribuent à favoriser l’expression du terroir et les caractères d’authenticité des vins. Si les trois associés des Hauts de Talmont adhèrent depuis longtemps à cette philosophie, la mettre en pratique représentait jusqu’à présent une prise de risque supplémentaire vis-à-vis de l’activité économique. Ils ont préféré attendre que les vins aient déjà conquis par leur qualité une certaine notoriété avant de passer à la biodynamie. 5,5 ha de vignes, c’est bien sûr un petit vignoble dans l’univers de la région de Cognac mais cela représente tout de même un certain volume de bouteilles à commercialiser, surtout quand on souhaite bien les valoriser. Les objectifs de rendements n’ont jamais été de 80 hl/ha mais de 40 à 50 hl/ha pour élaborer des vins plus concentrés.

Les vins issus de la biodynamie possèdent une typicité plus affirmée

L. Gardrat avoue que, malgré son intérêt pour la biodynamie, la première année de conduite a été parfois difficile à vivre. L’engagement dans cette voie nécessite une remise en cause totale des pratiques culturales et de la protection du vignoble. Cela engendre des contraintes qu’il faut appréhender de manière objective : « L’engagement dans la biodynamie s’est imposé progressivement au fil des années. Chaque fois que je dégustais des vins issus de vignobles conduits en biodynamie, leur structure aromatique et gustative extériorisait une typicité plus affirmée. D’où notre engagement dans cette voie et non pas dans le bio. Ce choix est lié à une volonté de faire des vins authentiques exprimant le terroir de la falaise de Talmont. La succession d’aléas au cours du cycle végétatif 2012, du vent puissant début mai (créant un fort essolage), une pression mildiou extrême, de l’oïdium en cours d’été et une mauvaise floraison, ne représentaient pas des conditions idéales pour se lancer dans la biodynamie. Le mildiou m’a fait très peur dans le courant du mois de juin et quelques raisins ont été détruits par la maladie. Les pulvérisations à base de décoctions d’orties, de prêles, de camomilles ou d’achillées remplacent les fongicides conventionnels et le cuivre pour lutter contre les maladies cryptogamiques. L’efficacité de ces traitements n’a pas été totale mais, au final, la perte de récolte est limitée. J’ai eu des sorties sur feuilles et un peu sur grappes mais la virulence des attaques était moindre que sur des vignes conduites de façon conventionnelle. Au final, la récolte en volume sera conforme à nos attentes de rendements habituels. Par contre la saveur des baies à quelques jours des vendanges me paraît très intéressante. Le millésime 2012 se présente bien. »

Un investissement marketing et commercial en phase avec le contenu des bouteilles

p32.jpgFaire preuve de réalisme pour concilier les enjeux éthiques, techniques aux exigences matérielles représente un volet non négligeable de ce challenge que J.-J. Vallée, l’homme de marketing, a abordé avec pragmatisme. Le site de Talmont représente un véritable atout puisque chaque année 500 000 visiteurs arpentent les rues de ce village typique. Adosser le vignoble à ce lieu prestigieux est donc plein de bon sens mais cela allait-il être suffisant pour développer l’identité et l’image d’une gamme de vins ambitieuse mais inconnue. J.-J. Vallée, de par son expérience dans la communication, a toujours considéré que le challenge des vins des Hauts de Talmont n’était pas plus compliqué qu’un certain nombre de dossiers qu’il avait pilotés dans son agence de communication : « Notre stratégie depuis le départ a été de créer une image de marque forte d’un vin qui revendiquait une identité qualitative propre. La situation du vignoble et le site de Talmont représentent des atouts formidables mais une offre large de vins de très bonnes qualités existe déjà. Le choix du colombard correspond à la fois à une volonté de notre part de se démarquer des catégories de vins blancs à base de chardonnay ou de sauvignon et de recréer un centre d’intérêt autour de ce cépage dans sa région d’origine. La démarche qualitative globale mise en œuvre par L. Gardrat permet d’élaborer un vin de colombard hors norme. La réflexion qualité permanente a été essentielle pour construire l’image de marque des productions des Hauts de Talmont au fil des années. Les premières vinifications en 2005 et 2006 ont permis d’élaborer des vins de colombard ambitieux et des rosés concentrés qui ont tout de suite plu aux consommateurs. Nous avons délibérément choisi un positionnement prix assez élevé des bouteilles (7,30 € TTC) qui est cohérent par rapport aux efforts mis en œuvre au niveau de la production et de la commercialisation. L’ouverture du magasin de vente en 2005 dans le cœur du village de Talmont a fait l’objet d’une réflexion de fond pour conforter l’image du produit. Notre souhait était de concevoir un véritable espace de présentation mettant en avant les différences des Hauts de Talmont. Le but était d’intégrer le point de vente dans un lieu pédagogique dédié à notre démarche de qualité qui soit propice aux échanges avec la clientèle. Du 15 avril au 15 octobre, c’est moi qui assure l’animation au sein du magasin et les contacts sont toujours très enrichissants. Nous avons bien sûr porté une attention particulière au packaging des vins qui est très soigné, pas agressif et qui véhicule l’image d’authenticité du terroir et du site de Talmont. »

Une belle maturité des raisins permet d’élaborer des colombard « plus authentiques »

Le développement de la commercialisation est très encourageant et l’accueil des divers millésimes de colombard atypique par les consommateurs s’avère bon. D’ailleurs, le contenu des bouteilles est en perpétuelle évolution. Au fil des années, l’objectif de proposer des arômes et des saveurs de plus en plus authentiques est le challenge prioritaire des Hauts de Talmont. Les conditions de production des raisins sont essentielles. Une attention particulière est portée à la phase finale de maturation. Les raisins sont récoltés à un niveau de maturité suffisant mais pas extrême. Cela permet d’obtenir une acidité naturelle moins intense qu’il n’est plus nécessaire de masquer. L. Gardat considère que seuls des raisins récoltés à belle maturité peuvent exprimer leurs potentialités sans artifices : « La phase de maturation finale des raisins de colombard est fondamentale pour la qualité des vins. Récoltés trop tôt, les arômes n’expriment pas le caractère variétal ; et récoltés trop tard, leur finesse s’est évaporée. La dégustation des baies permet d’apprécier l’évolution des bonnes saveurs et de trouver le moment opportun de récolte. La prise de risque au niveau de l’attente de la maturité n’a qu’une limite : le développement du botrytis. Le millésime 2012 sera sûrement marqué par une nouvelle évolution de la structure organoleptique des vins, suite à la conduite du vignoble en biodynamie. »

Un rosé de terroir et deux méthodes traditionnelles

La volonté de proposer une gamme de produits en s’appuyant sur le potentiel et l’image des deux cépages est l’axe de développement du vignoble des Hauts de Talmont. Après le colombard « dry », les premières grappes de merlot ont permis d’élaborer en 2007 un rosé de pressurage direct, vinifié sur les principes d’un vin blanc. L’élaboration de ce nouveau produit a été abordée toujours avec la volonté de rechercher l’expression variétale du terroir de Talmont. L. Gardrat estime que l’élaboration de bons vins rosés ne doit pas reposer essentiellement sur des artifices technologiques : « L’expression du terroir dans les vins est une notion que tous les vignerons essaient de mettre en avant, mais certains effets de mode au niveau des arômes et des saveurs tendent à créer une certaine standardisation des qualités. Au niveau des vins rosés, l’élaboration de vins typés par la technologie est devenue plus fréquente au cours des dernières années. L’utilisation de divers procédés et d’adjuvants œnologiques connus et légaux est en mesure d’optimiser l’extraction de la couleur, le développement de telle famille d’arômes, de masquer les excès d’acidités… Toutes ces approches contribuent à supplanter les réelles potentialités de l’expression variétale liée au terroir. Le merlot rosé de Talmont est vinifié dans un tout autre état d’esprit. Nous cherchons simplement à extraire ce que la nature nous donne de bon, d’où le choix d’une récolte de raisins mûrs conciliant fruit et fraîcheur, d’un pressurage direct et d’un élevage en cuve. » La gamme de vins des Hauts de Talmont s’est étoffée avec le lancement en 2009 de deux méthodes traditionnelles millésimées, l’une à base de colombard (le brut de colombard) et l’autre de merlot (le brut de merlot).

Deux VDN, un blanc et un rouge élaborés à base de colombard et de merlot

Une partie de la production de vin de colombard est distillée tous les ans depuis 2008 avec une démarche de millésime. A terme, cela permettra de commercialiser des lots de Cognac d’années 100 % colombard. La déclinaison de produits nouveaux liée aux deux cépages aurait pu se poursuivre en 2011 avec l’élaboration de Pineau des Charentes blancs et rosés, mais les discussions entre M. Guillard, J.-J. Vallée et L. Gardrat ont débouché sur une autre catégorie de vins, les Vins Doux Naturels.

Ce choix peut surprendre au cœur de la région de Cognac mais J.-J. Vallée le justifie par une volonté permanente d’innover : « Dans la région, certaines propriétés élaborent déjà de très belles qualités de Pineau des Charentes et les marges d’innovation nous semblaient limitées. Par ailleurs, les échanges avec les consommateurs depuis plusieurs années laissaient à penser qu’une attente existait pour un vin d’apéritif moins sucré et moins alcoolisé. On a relevé ce défi en se lançant dans l’élaboration de VDN. Par goût, nous sommes des amateurs de produits comme les Banyuls, les Maury… et cela nous intéressait de créer un produit différent. On a donc décidé en 2011 d’élaborer deux VDN, l’un à base de colombard et l’autre à base de merlot. » Lors des vendanges 2011, L. Gardrat s’est essayé à la vinification des VDN qui nécessite une tout autre approche que celles des Pineaux. Les produits sont mutés en cours de fermentation quand les saveurs vineuses prédominent.

Le bon accueil commercial des deux VDN « C » et « M »

Le VDN blanc est élaboré à partir des mêmes lots de vendange qui sont destinés à l’élaboration des vins blancs. La vinification se déroule de la même façon et le mutage intervient au cours du processus fermentaire quand la teneur en sucres résiduels se situe autour de 80 g/l. Des eaux-de-vie de colombard produites sur le vignoble sont utilisées pour muter le VDN dont le titre alcoométrique total est de 15 % vol. L’élevage se déroule dans des fûts roux précédemment utilisés pour de l’eau-de-vie et la mise en bouteille du premier lot de VDN 100 % colombard est intervenue dans le courant du mois de juin. Au nez, le produit présente des arômes de rafles comparables à ceux de la Grappa et des notes de raisins de Corinthe. L’impression de sucrosité en bouche est atténuée par le caractère alcooleux de l’eau-de-vie qui confère à ce VDN une structure moins liquoreuse. Les saveurs de nectarine et d’acacia dominent en bouche. Le VDN rouge à base de merlot est vinifié sur le même principe qu’un vin rouge avec une cuvaison traditionnelle. Le mutage en présence des marcs intervient quand les teneurs en sucres résiduels se situent autour de 100 g/l. Après l’écoulage, le VDN est mis à vieillir dans des fûts roux d’eaux-de-vie pendant environ 8 mois. Le début de fermentation alcoolique contribue à fixer le caractère fruité des raisins de merlot et apporte aussi des saveurs vineuses. La dégustation du produit commercial révèle une couleur rouge intense, un nez de cerise et en bouche un mixte de saveurs sucrées, fruitées et vineuses. C’est un produit complexe et structuré. Le lancement commercial des deux VDN, baptisés C pour le blanc et M pour le rouge, a eu lieu au mois de juin dernier. Les deux petits lots de 1 000 à 1 500 bouteilles ont été écoulés au cours de l’été et le prix des bouteilles à 10 € TTC n’a pas rebuté les consommateurs. Comme la production des deux VDN a été bien accueillie, leur élaboration sera poursuivie en 2012. Apparemment, J.-J. Vallée et L. Gardrat ont de nouveaux projets sous le coude pour faire développer l’offre de produits et le site de production.

 

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