Les Débats Mildiou De La Journée Des Observateurs SRPV

20 mars 2009

La Rédaction

Alors que les vendanges se terminent et que les rendements sont souvent très hétérogènes dans les propriétés, le bilan du millésime 2008 laisse un « goût amer » à de nombreux viticulteurs. Du côté des techniciens, l’heure est à la synthèse de fin de campagne et après un cycle végétatif aussi compliqué, il y a beaucoup de choses à dire. L’équipe du SRPV de Cognac a présenté début septembre aux observateurs, une synthèse de la climatologie et de la pression parasitaire. Le mildiou a pour la deuxième année consécutive fait des dégâts dans tout le vignoble, mais il est difficile d’en chiffrer précisément les conséquences sur la productivité. La sortie n’était pas abondante, la coulure et le millerandage ont été nettement moins importants qu’en 2007 et au final, on est en « manque de raisin ». Le mildiou n’aurait-il pas fait plus de ravages qu’on ne le pensait ? Cette question, les viticulteurs et les techniciens se la posent et la présentation technique de la Journée des Observateurs SRPV Cognac permet d’alimenter la réflexion sur ce sujet.

 

Chaque année, au début du mois de septembre, l’équipe du SRPV de Cognac réunit tous les observateurs bénévoles pour faire un bilan de campagne. C’est l’occasion d’aborder les sujets qui ont marqué le cycle végétatif et cette année encore, le mildiou était encore au centre des préoccupations. La réunion s’est déroulée le 10 septembre au lycée viticole Le Renaudin à Jonzac en présence d’une trentaine de viticulteurs qui étaient demandeurs d’éléments techniques suite à ce cycle végétatif très délicat. Leurs réflexions ont été assez unanimes sur le contexte de virulence extrême du mildiou au mois de juin et beaucoup d’entre eux ont eu le sentiment pendant cette période d’être littéralement impuissants vis-à-vis de la maladie. Les différentes interventions, les visites d’essais et les discussions entre viticulteurs et techniciens au cours de la journée ont permis d’aborder d’une façon constructive des sujets sensibles comme l’efficacité de la protection fongicide, la qualité de la pulvérisation, l’arrivée d’une nouvelle génération de produits ayant un effet SDN, le futur contexte environnemental… La succession de deux millésimes à très fortes pressions de parasitisme est en train de remettre au goût du jour des préoccupations techniques essentielles pour la conduite des itinéraires culturaux.

Un réseau d’observateurs pour prendre en compte la diversité du vignoble

L’antenne du SRPV de Cognac a mis en place depuis plus de 20 ans un observatoire de terrain pour suivre le parasitisme et l’état de développement végétatif du vignoble de Cognac. Il s’agit d’un réseau de viticulteurs qui se transforme en observateurs bénévoles pour effectuer des piégeages de tordeuses et des suivis de phénologie. Le groupe d’une cinquantaine de viticulteurs qui est réparti dans l’ensemble de la région délimitée réalise des notations hebdomadaires tout au long du cycle végétatif. Les données qu’ils enregistrent viennent alimenter d’autres éléments d’information utilisés pour la rédaction des Avertissements Agricoles. La raison d’être de ce réseau d’observateurs réside dans la volonté d’apporter des conseils de protection plus raisonnés qui soient en phase avec la réalité d’un vignoble vaste et diversifié. L’aire de production de la région délimitée s’étend sur un territoire important qui est soumis à des variations de climat et de nature des sols. Le contexte de production du canton de Cozes est très différent de ceux de Barbezieux ou de Jarnac et le développement de la vigne et parfois celui du parasitisme expriment pratiquement tous les ans ces facteurs « locaux ».

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M. Patrice Rétaud, du SRPV de Cognac.

M. Patrice Rétaud, l’ingénieur du SRPV de Cognac qui a en charge la gestion des Avertissements Agricoles, estime que les informations émanant d u réseau d’observateurs sont indispensables pour optimiser les conseils de protection : « Le fait de disposer d’informations hebdomadaires émanant du réseau d’observateurs nous permet d’adapter les préconisations de lutte en tenant beaucoup plus compte des réalités du vignoble. Les données provenant de nos sites d’expérimentation ne sont pas suffisantes pour avoir une vision globale de l’évolution des cycles végétatifs. Le suivi de la phénologie, les observations des témoins 0 traitement et les piégeages de tordeuses viennent en quelque sorte enrichir la banque de données protection du vignoble régional. Grâce à ces éléments, nous sommes en mesure d’apprécier plus finement les aspects de précocité, l’impact de certaines séquences climatiques défavorables et certains effets locaux. Les échanges que nous avons régulièrement avec ce petit réseau de viticulteurs sont également un moyen pour nous techniciens d’être plus en phase avec les attentes concrètes. »

Un moyen de pousser plus loin les démarches de lutte raisonnée

Le réseau d’observateurs PV s’est constitué progressivement depuis 25 ans au fur et à mesure que les pratiques de protection ont évolué. Dans le courant des années 80, une première démarche a été mise en place au niveau des tordeuses pour essayer de mieux connaître l’ampleur des vols dans la région délimitée. Une cinquantaine de pièges (sexuels et alimentaires) ont été installés, ce qui a permis de gérer la lutte de manière beaucoup plus rationnelle. Actuellement, une trentaine de viticulteurs continue de réaliser des suivis de tordeuses dans la région de Cognac. Par la suite, l’antenne du SRPV de Cognac a été sollicitée en 1994 par la coopérative de Cozes pour s’impliquer dans la mise le_public_opt.jpegen place du groupe de lutte raisonnée Vigilance. A l’époque, le fait de s’engager dans une démarche de lutte raisonnée à l’échelle d’un groupe de 20 viticulteurs était vraiment novateur. Une méthodologie d’observation du parasitisme et de la phénologie dans des parcelles de référence a été développée pour essayer de pousser plus loin les réflexions sur la lutte contre les maladies. Les structures de fonctionnement du groupe Vigilance se sont avérées opérationnelles puisque, 15 ans plus tard, l’outil existe toujours au sein de la coopérative Syntéane. Actuellement, les informations hebdomadaires de 10 à 15 sites du groupe Vigilance sont transmises chaque semaine au SRPV de Cognac. En 2001, P. Rétaud a souhaité développer les observations de terrains et un réseau de 15 sites a été implanté dans la région délimitée. Un groupe de viticulteurs s’est investi dans un travail d’observation régulier du début du débourrement à la récolte. Toutes les semaines, ils réalisent des notations de parasitisme et de phénologie (sur 5 souches parfaitement identifiées). Le travail le plus lourd concerne les relevés de phénologie car il faut apprécier sur 10 rameaux l’état d’avancement de la végétation et le degré d’allongement des rameaux (mesures de longueurs des pousses et comptage du nombre de feuilles). Les niveaux de pluviométries et les traitements sont également enregistrés afin d’avoir un état global du contexte de protection de chaque propriété. Les viticulteurs doivent aussi implanter un témoin 0 traitement (de 40 à 100 ceps) qui leur permet de détecter et de noter l’apparition des premières attaques de mildiou, d’oïdium, de black-rot… En début de saison, cette information est très importante sur les propriétés pour positionner judicieusement les premiers traitements mais aussi au plan régional pour les techniciens car cela leur permet de cerner l’importance des épidémies et valider leurs réflexions techniques (la maturation des œufs d’hiver, la modélisation…). Les techniciens du SRPV reçoivent chaque lundi l’ensemble des données du réseau et les enregistrent afin d’établir pour chaque site une analyse précise du développement végétatif et de la pression de parasitisme. En 2001, le réseau d’observateurs de la phénologie concernait 15 sites mais, depuis deux ans, il a été réduit à seulement 10 parcelles en raison du manque d’effectifs au SRPV Cognac pour pouvoir traiter les données.

Trop de pluies, trop de fraîcheur, peu de soleil et des niveaux de pousses moyens

Le fait marquant du printemps et de l’été 2008 aura été l’abondance et la fréquence des pluies. P. Rétaud a présenté une analyse détaillée des conditions climatiques jusqu’à la fin août qui atteste du contexte très humide du millésime. Depuis le début de l’année, le niveau des précipitations a été très important (plus de 600 mm à la fin août sur le poste de Cognac) et seul les mois de février et de juillet ont été en dessous des normales saisonnières. Dans certaines zones de la région délimitée, les précipitations cumulées à la fin août dépassent même le niveau des 700 mm. Comme la maturité des œufs d’hiver est intervenue le 7 avril, les premières contaminations ont eu lieu dès l’apparition des premières feuilles, entre le 15 et le 25 avril selon la précocité des terroirs. Le gel du 6 avril a dû sûrement faire quelques dégâts sur des bourgeons d’Ugni blanc au stade bourre avancée ou à peine pointe verte, mais cela est souvent passé inaperçu. L’état végétatif de beaucoup de parcelles a semblé seulement bloqué jusqu’au 25 avril. Sur des cépages précoces comme le Chardonnay et le Sauvignon, les dégâts ont été immédiatement visibles car beaucoup de pousses au stade 1 à 2 feuilles étalées ont été détruites. Les deux autres éléments marquants de la climatologie de ce cycle végétatif ont été les niveaux de températures moyennes anormalement bas en mars, avril, juillet et août, et un déficit d’ensoleillement significatif durant les mois de mars, d’avril, de mai, d’août. Le cycle végétatif a été profondément marqué par un contexte climatique que l’on avait presque oublié dans notre région depuis le début des années 2000. La croissance des rameaux n’a pas été très importante jusqu’au 20 juin et elle s’est ensuite nettement accélérée en raison du beau temps des quatre semaines suivantes. En août, les conditions souvent couvertes et fraîches ont fait ralentir la croissance des rameaux alors qu’en 2007, la pousse avait été importante en fin de saison. Au global, la croissance de la vigne en 2008 aura été moyenne durant le cycle végétatif.

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Graphique 1 : Les pluviométries moyennes sur le poste météo de Cognac.

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Graphique 2 : Les températures mensuelles sur le poste météo de Cognac.

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Graphique 3 : L’ensoleillement mensuel sur le poste météo de Cognac.

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Graphique 4 : L’allongement hebdomadaire des rameaux d’Ugni blanc.

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Graphique 5 : La longueur des rameaux d’Ugni blanc en 2008.

MILVIT simule les dates de sorties de symptômes à partir des contaminations observées

L’actualité protection du vignoble a bien sûr été le mildiou qui semble avoir battu le record d’agressivité de 2007 au cours du mois de juin. Il est presque banal de dire que 2008 a été marqué par beaucoup de pluies dans des périodes clés du cycle végétatif où la plante est particulièrement réceptive et sensible à la maladie. Les attaques précoces de mildiou entre les stades boutons floraux séparés et nouaison sont toujours les plus lourdes de conséquences et l’épidémie 2008 a connu son pic de virulence pendant cette période. En 2008, les précipitations ont été non seulement très abondantes mais fréquentes durant les mois d’avril, de mai, au début juin et en août.

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Graphique 6 : Le nombre de jours de pluies mensuelles en 2007-2008.

Le mildiou ne s’est donc pas développé par hasard. Avec 23 jours de pluies en avril, 21 jours en mai et 9 jours jusqu’au 20 juin (observations du poste météo de Cognac), il était aussi difficile de renouveler les traitements entre deux averses. L’épidémie 2008 s’est installée dans les parcelles tôt dès les premiers jours de mai, mais les bas niveaux de températures ont retardé l’apparition des symptômes. Des études de laboratoire mettent en évidence que la durée d’incubation d’un cycle de mildiou ne dépend que de la température. Si, par exemple, les températures constantes ne dépassent pas 12 °C, il faudra 14 jours pour que des symptômes apparaissent après une contamination. Si elles sont de16 °C, ce délai sera réduit à 8 jours.

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Graphique 7 : L’influence des températures sur la durée d’incubation du mildiou.

Cette situation a peut-être conduit certains viticulteurs à ne pas prendre au départ la juste mesure de la puissance du parasite. L’équipe du SRPV de Cognac mène depuis de nombreuses années une réflexion régionale sur la prévision des risques mildiou en utilisant différents moyens, des observations sur les parcelles d’expérimentation et provenant du réseau d’observateurs, le suivi de la maturation des œufs d’hiver et l’utilisation du modèle MILVIT pour déterminer, à partir des dates de contaminations potentielles, les sorties de symptômes sur la végétation (en ayant le souci de caler la protection pour éviter les repiquages). Le travail de modélisation est conduit sur 12 postes météo répartis dans la région délimitée et sur chaque site le modèle calcule le nombre de contaminations au fil des jours. Cela débouche sur une synthèse comptabilisant le nombre de contaminations qui apporte à la fois des informations quantitative et qualitative sur l’épidémie de mildiou en cours. Si un même jour ou durant la même semaine le nombre de contaminations ne concerne qu’un ou deux postes météo, l’épidémie aura une intensité jugée plus faible (retranscrit sur le graphique par des bâtonnets de faible hauteur). Par contre, si sur l’ensemble des postes des contaminations sont calculées, l’épidémie aura une forte intensité (retranscrite sur le graphique par des bâtonnets très hauts).

Un pic record de l’épidémie atteint au mois de juin

Au début du cycle végétatif 2008, le modèle MILVIT a calculé les premières contaminations potentielles le 22 avril et dans les situations précoces, quelques bourgeons d’Ugni blanc pouvaient déjà être au stade 1 à 2 feuilles étalées. Les Avertissements agricoles avaient conseillé de réaliser le premier traitement le 2 mai car la vigne avait atteint un stade de réceptivité dans les derniers jours d’avril. Ce traitement avait pour objectif de positionner préventivement une barrière fongicide avant un nouvel épisode pluvieux qui serait en mesure d’occasionner des contaminations. L’apparition des premières tâches foliaires le 9 mai a permis de confirmer que les contaminations de fin avril représentaient réellement le top départ de l’épidémie. Les premiers symptômes n’étaient pas d’une intensité spectaculaire car les températures froides avaient provoqué un allongement des durées d’incubation des premiers cycles infectieux. Dès cette époque dans les parcelles n’ayant pas été suffisamment protégées, des contaminations se sont produites mais le climat froid a retardé l’apparition des symptômes. L’évolution du modèle MILVIT sur le graphique ci-dessous présente la dynamique de l’épidémie de mildiou au cours de plusieurs mois de l’année 2008. L’association de données d’origine diverses, le risque de contamination, la croissance hebdomadaire des rameaux et les sorties de tâche rendent complexe la lisibilité du document, mais l’indicateur à prendre en compte de façon prioritaire est le risque de contamination matérialisé par les bâtonnets rouges.

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Graphique 8 : Les simulations du risque mildiou du modèle MILVIT.

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Graphique 9 : Le cumul des contaminations calculé par le modèle MILVIT.

Plus la hauteur des bâtonnets est importante, plus le risque de contamination est élevé à l’échelle de la région. A la faveur de l’abondance et aussi de la fréquence des pluies, la maladie n’a cessé de monter en puissance à partir du 10 mai. Les risques de contaminations deviennent très importants à partir des 22-24 mai et au même moment des dégâts plus importants sont apparus (la conséquence de contaminations remontant au début du mois de mai). A partir de ce moment-là, l’épidémie est réellement rentrée dans une phase explosive. Comme le climat est resté très pluvieux jusqu’au 22 juin, le mildiou a atteint un niveau d’agressivité supérieur à celui de 2007 pendant toute cette période. P. Rétaud ne cache pas qu’entre le 20 mai et le 25 juin, la maladie a fait preuve d’une virulence extrême qui a mis à mal beaucoup de calendriers de traitements. La moindre petite faille dans le dispositif de protection représentait une « fenêtre » de développement exceptionnelle. Le modèle MILVIT a exprimé la gravité de la situation jusqu’à la fin juin 2008 par des cumuls de contaminations supérieurs à ceux du mois de juin 2007. A la faveur de conditions climatiques extrêmement favorables, le mildiou a semblé au début du mois de juin avoir atteint un niveau d’agressivité inconnu jusqu’à présent. Or, c’est pendant cette période que les inflorescences sont les plus sensibles. L’apparition de nombreuses attaques de rot gris dans la région a occasionné des pertes de récolte, mais elles restent difficiles à quantifier précisément. Aucun essai ne va jusqu’à la pesée de vendange et au calcul de rendements. Par la suite, un mois de juillet plus ensoleillé et sec a permis de faire baisser l’agressivité du parasite. Durant le mois d’août, les contaminations bien que nombreuses n’ont pas entraîné de pertes supplémentaires de récolte.

 

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