Les Différents Itinéraires Techniques De l’Entretien Des Sols Viticoles

26 février 2009

L’entretien des sols, consistant à maîtriser la flore adventice du vignoble en dessous d’un seuil de nuisibilité, peut se concevoir par différents systèmes : les méthodes culturales traditionnelles ou superficielles, le désherbage thermique, le désherbage chimique.

ENTRETIEN MÉCANIQUE DES SOLS

Les façons culturales, abandonnées par certains depuis des décennies, redeviennent des alternatives crédibles dans un contexte de limitation des herbicides et de respect de l’environnement. Le travail du sol est avant tout un système de conduite garantissant la pérennité et le bon fonctionnement de nos sols viticoles. Toutefois, comme toute technique mécanique, il peut générer un certain nombre de problèmes.

Les façons culturales traditionnelles

Exécutées à l’aide de charrues vigneronnes, elles consistent, par un labour du rang semi-profond appelé chaussage, à buter la terre sur les ceps de vigne. Ensuite, un labour de déchaussage et un décavaillonnage sont effectués afin de ramener la terre vers le milieu du rang et enlever la terre restante autour des pieds. Traditionnellement ces cycles de labours étaient effectués au minimum deux fois durant l’année, mais depuis quelques années ils se limitent à un seul passage complété par des façons superficielles.

Ces travaux améliorent la structure du sol et son aération : ils favorisent ainsi l’activité microbienne. Ils permettent aussi de protéger la base du tronc des gelées hivernales, un meilleur écoulement des excès d’eaux vers l’interligne et un enracinement en profondeur, gage d’une alimentation hydrique optimisée. En contrepartie, ces labours génèrent une augmentation des charges liées à l’entretien du sol ainsi qu’un certain nombre de risques (blessures ou arrachage des pieds, accroissement de l’érosion) et d’inconvénients (mauvaise portance en période pluvieuse, consommation accrue de la matière organique).

Les façons culturales superficielles

Ces techniques consistent à passer régulièrement dans la vigne, en fonction de la levée des adventices.

Sur le rang à l’aide d’outils à dents (griffes), de pulvérisateurs à disques légers et/ou d’outils animés (Rotavator), afin de sectionner ou d’arracher les mauvaises herbes.

Outils à dents : ils peuvent être équipés de dents rigides, semi-rigides, flexibles ou vibrantes, en fonction des conditions de travail. Les socs en patte d’oie permettront d’extirper l’herbe, ceux en côte de melon de scarifier le sol. La position des dents sur le châssis doit être adaptée à l’importance du couvert végétal à détruire afin d’éviter les bourrages. La puissance de traction nécessaire est évidemment très variable car elle est dépendante à la fois de la largeur et de la profondeur de travail, ainsi que du type de sol.

Outils à disques : Ils permettent par la dislocation de la terre effectuée par les disques, à la fois le désherbage du rang et la remise à plat du sol après le passage d’une charrue. La profondeur de travail est déterminée par l’angle donné aux axes portant les disques. La puissance requise est faible, cependant la trajectoire parfois imprécise de ces outils rend leur maîtrise délicate, notamment sur sols secs.

Outils animés : constitués d’un axe horizontal portant des bêches, ils permettent le sectionnement et l’enfouissement des herbes. La rotation de l’axe permet le découpage du sol et la destruction des mottes en les projetant vers l’arrière sur un tablier à inclinaison variable. La puissance nécessaire est en moyenne de 30 chevaux par mètre de largeur de travail. La finesse de travail est dépendante de la vitesse d’avancement et de rotation du rotor ainsi que de la position du tablier. Ces d’outils risquent de créer des semelles de labours sur les sols argileux et humides et s’accommodent assez peu dans les zones caillouteuses.

Sous le rang, l’entretien est réalisé à l’aide d’interceps constitués d’outils rotatifs, de lames bineuses et de bineuses interceps. Ces derniers outils peuvent en outre êtres utilisés pour l’entretien sous les ceps des vignes enherbées, s’ils sont complétés de disques pour éviter de verser la terre sur la bande enherbée.

l Outils rotatifs : ces outils peuvent être de différents types, houes, herses, disques ou encore couteaux. L’axe ou les pièces travaillantes sont verticales et l’effacement peut être commandé de façon hydraulique ou mécanique suivant les appareils. Ces outils n’ayant pas tous le même pouvoir de pénétration, il est primordial de raisonner son choix en fonction du type de sol.

De plus, tous ces outils entraînent un déplacement latéral du sol et peuvent par conséquent recouvrir les bandes enherbées.

Outils à lames : constitués d’une lame seule ou équipée d’ailettes pour éclater le sol, ces outils coupent les racines des adventices en passant quelques centimètres sous le sol. Les herbes vont ensuite se dessécher si les conditions météorologiques qui suivent l’intervention sont favorables. Il est possible d’adjoindre une dent rigide à l’avant, dans les sols compacts, afin de faciliter la pénétration de la lame. L’effacement de la lame peut, selon les outils, être forcé ou commandé par un palpeur.

Bineuses interceps : ce type d’outil est en fait une charrue décavaillonneuse de petite taille permettant un labour peu profond et un passage près des ceps. L’effacement est commandé de façon mécanique.

Ces façons superficielles sont une alternative intéressante pour bénéficier des avantages du travail du sol, sans pour autant être handicapé par l’augmentation du temps de travail liée au choix de l’entretien mécanique.

Cependant, le choix du type de matériel doit être raisonné en fonction des paramètres agronomiques du sol et de la couverture des adventices. En effet, si l’entretien de l’interligne ne pose pas de problèmes majeurs, si ce n’est dans le choix de la date d’intervention, celui du cavaillon se révèle souvent plus délicat malgré les récentes innovations au niveau des matériels. D’une manière générale il est primordial, pour préserver l’intégrité des souches et obtenir une qualité de travail optimale, de respecter une vitesse d’avancement faible, de l’ordre de 3 à 5 km/h selon les outils.

Dans les deux cas, entretien traditionnel ou superficiel, il est important de retenir un atout essentiel dans la conjoncture actuelle, la diminution conséquente des risques environnementaux liés à l’utilisation des herbicides.

Néanmoins, le travail du sol ne possède pas que des vertus, sa dépendance importante des conditions pédo-climatiques le rendent complexe et tout retour à cette technique après des années de non-culture doit se faire de façon progressive.

DÉSHERBAGE THERMIQUE

Cette technique récemment mise au point en viticulture consiste à détruire la partie aérienne des adventices par le passage de brûleurs alimentés par du gaz. Le choc thermique entraîne alors la coagulation des protéines et la vaporisation de l’eau dans les cellules végétales, ce qui provoque l’éclatement de leur paroi.

La sensibilité des plantes à la chaleur est dépendante du stade végétatif, de l’épaisseur des feuilles et des tiges, du degré de lignification, mais aussi des espèces. Les plantes vivaces sont moins sensibles que les plantes annuelles et les dicotylédones sont plus sensibles au traitement thermique que les graminées (monocotylédones). L’efficacité du désherbage est aussi largement dépendante de la capacité de régénération des plantes.

Il convient d’intervenir sur une végétation jeune, de protéger les jeunes plants à l’aide de systèmes supportant la chaleur quand le travail se situe sous la ligne des souches. De plus, des grillures plus ou moins importantes peuvent apparaître sur les vignes basses, ainsi que des prises de feu sur les herbes desséchées par les traitements précédents.

En règle générale, si le rythme de passage est très dépendant des conditions du millésime, cette technique nécessite un nombre d’interventions conséquentes (4 à 5 passages minimum). De plus, la consommation de gaz élevée (en moyenne 100 kg/ha) et la vitesse d’avancement faible (2 à 3 km/h) en font une technique d’entretien relativement onéreuse, associée au nombre important de passages.

Malgré des avantages environnementaux par rapport à l’utilisation d’intrants herbicides, il semble difficile d’envisager cette technique comme solution unique sur une exploitation en raison de temps de travaux considérablement accrus. De plus, l’aspect écologique est discutable si l’on considère la consommation de gaz et de carburant pour le tracteur.

DÉSHERBAGE CHIMIQUE

L’application de substances herbicides doit aujourd’hui se faire de façon raisonnée. L’élimination systématique de la totalité de la flore présente est une notion dépassée et irréalisable, compte tenu des contraintes environnementales et de la gamme herbicide encore à notre disposition. Afin de maintenir l’efficacité et la compétitivité économique de cette technique d’entretien des sols, il faut savoir alterner les stratégies et les matières actives, en tenant compte à la fois de la nuisance des différentes adventices et en tolérant la présence alternative d’une couverture herbacée dans les parcelles.

Programmes uniques

Application d’herbicides de prélevée à dose homologuée en hiver (de février à début avril), plus un herbicide de post-levée. Il peut s’avérer nécessaire de refaire un passage foliaire durant l’été, souvent en localisation, si la persistance d’action de la spécialité appliquée en hiver n’a pas été suffisante et si la couverture herbacée est menaçante pour la qualité de la récolte.

Ce type de programme n’est à conseiller que dans les sols dits lourds, argileux et non filtrants. L’efficacité optimale est obtenue sur des sols possédant des taux d’argile entre 15 % et 30 %.

Cette technique a pour objectif de réaliser une seule application avant débourrement pour maîtriser la levée des adventices jusqu’aux vendanges. Ceci demande une persistance d’action importante, il est donc recommandé d’appliquer la dose pleine afin d’éviter des décrochages précoces du contrôle des germinations et l’apparition de phénomènes de résistances.

Avant toute application, il est important de prendre connaissance des recommandations d’usage de chaque spécialité (ex : utilisation déconseillée de Katana sur les parcelles présentant des symptômes de chlorose, comportant de nombreux complants ou ayant présenté des inversions de flore à la morelle noire).

Important : pour ces programmes ainsi que pour l’ensemble des spécialités citées dans le tableau, il est primordial pour obtenir une efficacité optimale, d’appliquer sur des sols humides afin que les substances actives soient correctement fixées ou incorporées.

Programmes mixtes

Il existe deux façons de raisonner ces types de programmes :

La première consiste en une application au premier passage d’un herbicide de post-levée puis de pré-levée à dose réduite. Puis en seconde intervention, et les autres le cas échéant, application d’herbicides de post-levée, de contact ou systémique.

La seconde approche, plus intéressante pour ce type de programme, consiste en une application d’herbicide de post-levée systémique en pré- débourrement de la vigne (ou plus tard si la couverture herbacée sur la parcelle n’est pas trop développée et de nature à concurrencer l’alimentation de la vigne en début de période végétative). Puis une deuxième intervention avec un herbicide de pré-levée à dose réduite associé à un foliaire, entre mi-mai et mi-juillet (en fonction de la repousse). Dans ce cas de figure, il est très rare d’avoir à refaire une troisième intervention.

Cependant, dans ce type de programme, il est important de ne pas réduire les doses de pré-levée de façon excessive. En dessous de 50 % de réduction de doses, les risques d’inversions de flores et d’apparition de résistances sont extrêmement élevés. Il est aussi recommandé en période trop froide et pluvieuse d’éviter l’utilisation de glyphosates génériques. En effet, les formulations adjuvantes de certaines de ces spécialités sont nettement moins performantes que celles des glyphosates haut de gamme et peuvent entraîner des retards d’efficacité importants et par conséquent des échecs si une période pluvieuse fait suite à l’application. Réservez ces spécialités aux applications estivales.

Dans le cadre de programmes mixtes avec emploi de pré-levée en première application, les spécialités utilisables sont les mêmes que pour les programmes uniques, en appliquant des réductions de doses de l’ordre de 20 % à 30 % maximum.

Ces programmes présentent plusieurs atouts.

En premier lieu, ils sont applicables sur tous types de sols. Ensuite, ils permettent une diminution des doses d’herbicides de pré-levée et ont de fait un moindre impact sur l’environnement que les programmes uniques (pour une efficacité finale équivalente, voire meilleure). Enfin, une réduction des doses s’accompagne inévitablement d’une réduction des coûts, avantage non négligeable dans la période actuelle !

Enherbement Naturel Maîtrisé (ENM)

Emploi exclusif d’herbicides de post-levée (systémique ou contact), alternés dans le temps, afin de maintenir la flore naturelle à un niveau non concurrentiel pour la vigne jusqu’aux vendanges.

Avantage : aucune utilisation de spécialités de pré-levée.

Inconvénient : le nombre d’interventions est très variable d’un millésime à l’autre (2 à 4 passages).

Cette technique nécessite quelques années pour donner de bons résultats et demande une tolérance plus importante des adventices pendant la campagne viticole.

Les spécialités utilisables : tous les herbicides systémiques à base de glyphosate ou d’amitrole ainsi que les spécialités de contact à base de diquat (Réglone 2) ou de glufosinate d’ammonium (Batsa F1). Il est important dans cette pratique de veiller à une alternance régulière des matières actives, afin d’éviter la sélection de flores moins sensibles.

Mise en œuvre :

l Réaliser la première intervention avant le débourrement.

l Maintenir la parcelle propre durant le cycle végétatif de la vigne.

La décision d’intervenir doit être prise en tenant compte de deux éléments. Le premier est le type de flore présente et son potentiel de nuisance, le second est le niveau de développement de cette flore. En effet, un couvert herbacé dense, mais composé essentiellement d’adventices à port étalé et/ou de faible développement, ne nécessite pas une intervention rapide même si l’aspect de la parcelle semble le justifier. En contrepartie, une flore adventice plus clairsemée, mais composée d’herbes montantes (érigeron, laiteron, épilobe…) et/ou concurrentielles (vivaces, graminées…), peut contraindre à une intervention plus précoce, au stade plantule, pour obtenir une meilleure efficacité et éviter la montaison.

CONCLUSION

Chacun des itinéraires techniques d’entretien des sols possède des avantages et des inconvénients, souvent induits par les caractéristiques propres à chaque exploitation, qu’elles soient techniques, économiques, commerciales et administratives. En effet, les priorités des uns n’étant pas celles des autres, chacun devra raisonner son choix en fonction des exigences globales de son exploitation.

Il est, en outre, important de garder à l’esprit qu’aucune de ces méthodes n’est exclusive. Au contraire, la combinaison des différentes techniques sera à l’avenir un atout pour faire face aux contraintes de production de plus en plus restrictives (cahiers des charges imposés, réglementations environnementales…).

Les techniques d’entretien des sols consistent avant tout à maîtriser l’installation et le développement des adventices qui concurrencent la vigne dans son alimentation hydrique et minérale. Depuis les années 50, l’application d’herbicides avait pris une part prépondérante sur les autres techniques d’entretien du sol, grâce à des opérations plus simples, plus rapides et moins onéreuses. Cependant, les préoccupations environnementales nous contraignent aujourd’hui à modérer et raisonner l’utilisation des herbicides et à modifier nos pratiques d’entretien du sol.

Choisir un mode d’entretien est un enjeu important qui se raisonne en fonction de paramètres agronomiques et économiques. Pour aider votre réflexion, faisons un rapide tour d’horizon des différentes techniques à notre disposition.

 

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