les chinois investissent dans le vignoble

23 octobre 2012

Le rachat, au printemps dernier du château de Gevrey-Chambertin, en Bourgogne, a fait couler beaucoup d’encre. D’abord pour son montant record, 8 millions d’€. Les candidats locaux à la reprise étaient prêts à mettre sur la table 5 millions d’€. Les investisseurs chinois estimèrent que le château du 12e siècle entouré de 2,5 ha de vignes en valait plus. C’est un Chinois de Macao, associé à un groupe d’amis, qui a remporté la mise. Une charge symbolique forte, mêlant vieilles pierres et viticolité ancestrale.

A Bordeaux, personne ne s’étonne de la présence d’investisseurs chinois. Ils sont sur les rangs depuis 2008. Une quarantaine de domaines – sur près de 8 000 – seraient tombés dans leur escarcelle. Pour la plupart, il ne s’agit pas de grands crus mais d’appellations génériques. Motivation des investisseurs ? « S’approprier un peu de culture et d’histoire française, tout en gardant en tête une solide logique financière. »

Un beau château au milieu d’un beau domaine

L’image d’Épinal d’un « château » bordelais au centre d’un beau domaine viticole fait les délices des riches asiatiques. C’est ce qu’ils viennent chercher dans le Bordelais (en plus de la « cote » du Bordeaux sur leur marché intérieur). Quand ils distribuent directement leurs vins en Chine – ce qu’ils font souvent – le chromo fait vendre. En contrepartie, les équipes en place sont la plupart du temps conservées et les hommes d’affaires n’hésitent pas à investir sur place. Pour l’instant, cet arrangement convient aux Bordelais. Même chose dans les Côtes-du-Rhône. Le domaine Bouche, un vignoble de 35 ha (sans château), a par exemple été cédé à un négociant franco-chinois, Cham Dong Créations Industries. Les domaines du Languedoc-Roussillon sont également dans le viseur.

Présence très discrète à Cognac

En Charentes pour l’instant, seule une petite marque de Cognac – le Cognac Menuet – a été rachetée par un investisseur chinois qui n’a pas repris les vignes. Elles avaient déjà été vendues. En l’occurrence, il s’agit du distributeur qui diffusait la marque de Cognac en Chine. Implanté dans le commerce des alcools depuis près de vingt ans, l’opérateur asiatique est en train de s’équiper d’une chaîne d’embouteillage et de bureaux à Cognac. Le tout sera opérationnel en 2013. En tant que négociant, il achètera des eaux-de-vie sur le marché.

Franck Valente et son associé Thomas Ménier ont fondé l’an dernier 88 Estates, une entreprise de conseil en cession/acquisition de domaines viticoles dans la région des Charentes. Thomas Ménier passe dix mois de l’année en Chine, pays dont il parle la langue. C’est donc tout naturellement que les associés se sont tournés vers les acquéreurs potentiels chinois, distributeurs de spiritueux… A l’achat de propriétés viticoles, ils proposent la création d’une marque. Ils parlent de « solution clé en mains ». Pour l’instant, il n’y a pas eu de concrétisation, exceptée l’affaire citée plus haut. Franck Valente reste confiant : « Nous recevons énormément de demandes d’acheteurs asiatiques. Je suis persuadé que le premier qui achètera une propriété déclenchera d’autres acquisitions. »

Retour sur investissement

Pour autant, certains freins existent, que l’intermédiaire n’ignore pas.

« Les Chinois ont un peu de mal avec les Charentes. Dans leur esprit, ils voient une belle demeure au milieu des vignes, comme à Bordeaux. Ils sont un peu déçus par « l’esthétisme » charentais. Par ailleurs, les prix qui commencent à se pratiquer à Cognac compromettent tout espoir d’un retour sur investissement rapide. »

Ce qui n’empêche pas des candidats de se manifester. F. Valente est tenté de les classer en deux catégories : des financiers qui veulent placer de l’argent en France et que l’image du Cognac séduit ; des distributeurs de vins & spiritueux que « la rétention des produits français » (sic) laisse pantois. Ils veulent créer leurs propres marques. Nous leur disons que c’est possible mais qu’ils doivent sécuriser leur approvisionnement par un achat de propriété, afin de couvrir au moins 50 % de leurs besoins. »

Reste un autre problème : la disponibilité de l’offre. En Charentes, le marché viticole est tendu, y compris pour les Asiatiques. La demande dépasse l’offre, même si la vente des grosses structures relève d’une logique à part. « Aujourd’hui, ces grosses structures dotées de bâtiments s’avèrent hors de portée des acteurs locaux traditionnels. Elles intéressent soit des professions connexes du Cognac qui veulent s’agrandir soit des étrangers. »

Les Charentais « pure souche » voient-ils d’un bon œil la probable arrivée de Chinois ? Réponse de Franck Valente : « Certains en ont peur, d’autres le perçoivent plutôt comme une opportunité. En tout cas, cela peut signifier que les Chinois croient au Cognac. »

Pour les vignobles autres que charentais – Sources : Les Echos du 5 septembre 2012.

 

 

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