L’Entretien Du Sol Interceps Et Inter-Rangs, Deux Objectifs Complémentaires

1 mars 2009

En viticulture, le sol est un milieu vivant support d’une culture pérenne. L’action sur le sol a donc des implications d’une année sur l’autre. Le retour à des pratiques aratoires après des années de non-culture doit toujours s’accompagner de quelques précautions pour prendre en compte la position des racines et les conséquences d’un travail sur la future alimentation hydrominérale de la plante.

Pour la vigne, travailler ou entretenir le sol permet de répondre à plusieurs problématiques différentes, qu’il est important de bien identifier car les outils à employer ne sont pas toujours les mêmes. Enfin, une bonne définition des objectifs à atteindre par le travail du sol permet d’optimiser le nombre d’interventions annuelles nécessaires.

Objectifs et intérêts du travail du sol

Le désherbage mécanique – Retournement, enfouissement ou destruction des parties herbacées des adventices : travail peu profond, devant prendre en compte les fenêtres météo favorables au bon dessèchement des adventices. L’intérêt du désherbage mécanique est le respect de la vie microbienne du sol grâce à la non-utilisation des intrants herbicides. Il est pratiqué dans l’inter-rang et sur la ligne des souches avec les outils interceps.

L’ameublissement, le décompactage – Travail visant à la création d’un état structural favorable à la captation des eaux de pluie et au développement d’une vie dans le sol grâce à la formation d’une porosité plus importante. On distingue l’ameublissement des couches superficielles du sol, pouvant être réalisé sur toute la largeur de travail, et le réel décompactage en profondeur, réalisé avec une sous-soleuse passant uniquement au milieu de l’inter-rang. Ce travail doit répondre à une problématique bien identifiée : compaction réelle empêchant les eaux de surface de s’infiltrer ou asphyxie racinaire par exemple. Il est nécessaire avant d’intervenir de faire un état des lieux en creusant une petite fosse. Cela permet d’observer s’il y a de la vie dans le sol (galeries de vers de terre par exemple) et si les mottes sont cassantes (compaction) ou friables. Il est possible, dans certaines conditions de sol, d’observer sur le passage des roues du tracteur un effet de « feuilleté » traduisant le tassement qui survient à force de passages répétés. Sur le marché, on voit apparaître de plus en plus d’outils permettant d’ameublir le sol sur toute la largeur sans retourner l’enherbement mis en place, ce qui peut être intéressant. La profondeur de travail est de l’ordre de 12 centimètres alors qu’avec les décompacteurs conventionnels on atteint une trentaine de centimètres. L’utilisation excessive du décompactage peut amener quelques problèmes : formations d’ornières dans le passage des roues du tracteur, phénomènes d’écoulement préférentiel dans des zones sensibles à l’érosion. Le choix du moment de passage est important car pour obtenir un bon résultat il faut intervenir sur un sol pas trop humide. On évite ainsi la formation d’un lissage dans le sol.

Drainage – Utilisée avec un boulet attaché à son soc, une sous-soleuse crée une galerie permettant à l’eau de s’écouler lorsque l’on a affaire à des problèmes de mouillères dans des parcelles.

Limiter l’évapotranspiration – Dans des zones à forte évapotranspiration potentielle, un griffage superficiel permet de rompre le réseau capillaire par lequel l’eau remonte vers la surface. Pour cet objectif on privilégiera des outils à dents vibrantes nombreuses, équipés de socs type « côte de melon » pour un travail superficiel, rapide. Il n’est pas nécessaire d’équiper les socs d’ailettes de désherbage car ce type d’intervention est réalisée à une période où la pousse des adventices est freinée par une forte chaleur.

Enfouir un amendement – Outils à dents rigides formant des sillons.

Détruire un couvert végétal temporaire – Pour détruire un enherbement de couverture implanté pour l’hiver, le plus efficace est la houe rotative à axe horizontal (rotavator®). Les outils à dents rigides équipés d’ailettes de désherbage ont également un bon impact de destruction de ce type de couvert.

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Travail du sol hivernal.

Travail du sol toute l’année – Combinant à la fois désherbage et ameublissement, il est réalisé avec des outils polyvalents. Les parcelles sont travaillées toute l’année, avec à l’automne un passage plus profond et à partir du printemps des passages d’entretien réalisés en équipant les socs d’ailettes de désherbage.

 

 Travail du sol toute l’année – Combinant à la fois désherbage et ameublissement, il est réalisé avec des outils polyvalents. Les parcelles sont travaillées toute l’année, avec à l’automne un passage plus profond et à partir du printemps des passages d’entretien réalisés en équipant les socs d’ailettes de désherbage.

 Le cas particulier de l’entretien de la ligne des souches – Pour les parcelles enherbées, le désherbage mécanique sur la ligne des souches permet d’éviter

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Décalex Souslikoff.

complètement le recours aux herbicides pour une viticulture plus respectueuse de l’environnement. La difficulté d’intervenir mécaniquement entre les souches impose l’utilisation de matériels assez précis, et les techniques dans ce domaine sont assez variées. L’effacement devant la souche peut être réalisé :

l De manière complètement mécanique par appui de l’outil sur la souche.

l De manière complètement mécanique avec un pare-cep qui fait office de bras de levier.

l De manière hydraulique avec un palpeur déclenchant un capteur qui agit sur le retrait de l’outil.

l De manière électro-hydraulique, le capteur de position pouvant être électrique.

Des systèmes de sécurité sont inclus de manière à éviter l’arrachement des souches (retournement du soc).

En ce qui concerne le mode d’action, voici les principales catégories d’outils :

l Lames décavaillonneuses.

l Lames bineuses simples.

l Outils rotatifs à lames horizontales (houe rotative).

l Outils rotatifs à lames verticales (herse rotative).

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Tournesol Pellenc.

Sur le plan de l’efficacité, deux critères sont à évaluer : l’approche des souches et la durabilité du désherbage. Des essais ont été menés et il ressort que pour l’approche des souches, deux catégories d’outils sont très performantes : ceux qui s’appuient contre la souche (Tournesol® Pellenc), et les lames bineuses simples, utilisées à une vitesse suffisante pour avoir un bon impact. En ce qui concerne la durabilité du désherbage, les lames décavaillonneuses ont en général de meilleurs résultats car elles enfouissent les parties aériennes des adventices et mettent leurs racines à découvert. Cependant, il serait un peu réducteur de s’en tenir à ces simples observations et il faut plutôt considérer l’entretien du sol entre les souches comme une succession de façons culturales composant une stratégie dont la finalité est de maintenir les souches propres jusqu’à la vendange. Ainsi, on essaiera d’optimiser le nombre de passages tout au long de la saison et on ne passera pas les mêmes outils en début et fin de campagne. C’est pour répondre de manière plus précise à cette problématique qu’une expérimentation a été mise en place par ITV France sur trois sites de Midi-Pyrénées : Ferme expérimentale d’Anglars, Château de Mons, DEVT (Domaine Expérimental du Vignoble Tarnais). En collaboration avec des constructeurs qui mettent à disposition des outils, nous pouvons comparer l’efficacité et l’intérêt technico-économique de plusieurs stratégies.

Quels sont les réglages importants, quels sont les paramètres qui influent sur la qualité de travail ?

Au niveau de la parcelle :

L’état du sol (et sa nature) au moment du passage est primordial car il influe sur la résistance rencontrée par l’outil dans la terre. Le réglage de la machine peut être complètement à revoir. Le niveau d’infestation par les adventices est important : les essais menés sur les matériels interceps montrent que la qualité du travail effectué dépend directement de ce paramètre. Ce ne sont pas des outils destinés à débroussailler. Il en existe certains avec lesquels on peut se sortir de situations difficiles mais à condition de travailler très lentement et d’utiliser un dispositif qui oblige la tête de désherbage à rentrer sous le rang alors qu’elle est repoussée par une densité d’herbes trop importante. La conformation des ceps et l’historique de la parcelle joue également un grand rôle dans l’obtention d’un bon résultat. Il est en effet difficile d’approcher au plus près les souches tordues sans risquer de les sectionner. D’autre part, un enracinement trop superficiel peut être la cause de souches emportées.

La déclivité de la parcelle est aussi un facteur qui peut gêner la progression des matériels, surtout en configuration deux demi-rangs. A cet égard, il est évident que l’utilisation d’un enjambeur permet de mieux positionner les têtes de désherbage.

Enfin, bien qu’il existe sur le marché des outils équipés de systèmes de détection et de retrait très sensibles, l’entretien mécanique entre les souches sur vigne jeune n’est réalisable sereinement qu’avec des souches bien tutorées.

Au niveau de l’outil :

Les réglages sont fondamentaux. Les paramètres qui comptent le plus sont la profondeur de travail, la sensibilité du tâteur, la marge de sécurité (espace toléré autour du cep), la vitesse. En effet, pour les outils qui s’appuient contre la souche, augmenter la vitesse revient à augmenter les impacts. Ainsi, le premier passage de printemps avec une décavaillonneuse sera plus lent, et un peu plus profond que les passages suivant d’entretien, réalisés avec une lame bineuse simple. Des cure-ceps sont adaptables sur certains appareils, ils permettent de réduire au minimum la zone de terre non travaillée autour des ceps. A vitesse élevée ils peuvent causer des chocs sur la base des souches mais sans blessures.

Ce qu’il faut retenir : quel que soit le matériel utilisé, ce n’est pas une solution « clés en main ». Il faut plutôt toujours avoir un jeu de clés à portée de main pour pouvoir intervenir sur les réglages, et savoir passer au bon moment.

Comment débuter l’entretien mécanique du sol ?

Passer à 100 % d’entretien mécanique du sol en une seule fois est une opération difficile. Cette technique demande de l’observation et du temps. Commencer par un tiers des surfaces permet de se familiariser avec les outils, les réglages, et la manière dont la flore réagit. Avec l’expérience on devient plus efficace et en optimisant les passages, il est plus facile d’étendre à l’intégralité de l’exploitation.
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Combien ça coûte ?

L’entretien mécanique du sol a un coût, qui s’établit différemment de l’entretien chimique. Le coût des intrants est nul mais il y a les consommables et il faut prendre en compte l’investissement matériel et surtout le temps passé.

Exploitation 20 ha, plantée à 2 m x 1 m (soit 5 km/ha). La surface désherbée chimiquement correspond à un tiers de la surface environ (le cavaillon). Le désherbage est fait avec un pré et un post-levée. Le matériel est amorti sur 7 ans. L’investissement de départ est très variable, de 2 000 à plus de 10 000 euros selon qu’il y ait une centrale hydraulique ou pas par exemple.

La fourchette de coût (très large) pour le désherbage chimique, dépend essentiellement du choix des produits employés. Avec des produits plus bas de gamme, le coût par hectare peut être ramené autour de 80 €, alors qu’avec des produits haut de gamme on peut atteindre les 300 €.

A retenir pour les interceps

l Désherber mécaniquement sous le rang est une technique qui demande du temps et de l’observation.

l Les outils rotatifs sont peu adaptés si l’enherbement est assez important.

l Les outils retournant une bande de terre permettent d’avoir une efficacité de désherbage et une durabilité de celui-ci importantes.

l Les critères de choix pour un outil intercep sont :

– Facilité de réglage.

– Possibilité d’intervention par commande en cours de travail.

– Possibilité d’intervertir des outils sur un même port-interceps.

– Type de sol.

– Prix.

l Il paraît plus pertinent de réaliser un premier désherbage au printemps avec un outil à forte efficacité (rotatif type Chabas ou Tournesol, décavaillonneuse type Décalex ou Décavatic) et d’entretenir par la suite avec des outils simples (lames) ou rotatifs, pouvant être passés à une vitesse supérieure sur de la terre déjà travaillée donc ameublie.

l L’utilisation de lames légèrement inclinées pour l’entretien après un décavaillonnage léger présente l’avantage de repousser la bande terre amenée dans l’inter-rang.

l Notre préférence va vers des outils utilisant le moins d’hydraulique possible : les réglages sont simplifiés, l’efficacité est bonne, il n’est pas nécessaire d’avoir une centrale hydraulique et le coût est sensiblement réduit.

A retenir pour l’inter-rang

Les résultats obtenus au niveau de l’efficacité du désherbage et de l’état de surface du sol dépendent du mode d’utilisation des outils. En effet, créer des mottes assez grossières en surface permet de limiter les éventuels problèmes d’érosion, aux dépens de la qualité du désherbage car les adventices sont peu désolidarisées de la terre. Avec les outils à dents, ce résultat est dépendant de la vitesse de passage et de l’état d’humidité de la terre au moment du travail.

Une vitesse de passage plus élevée permet d’obtenir un fractionnement des mottes plus important, avec une profondeur de travail moindre. Il peut y avoir des projections de terre sur les côtés.

Les outils rotatifs permettent d’obtenir une excellente efficacité de désherbage, durable, mais au prix d’une vitesse de passage faible et d’un émottement fin, préjudiciable en conditions érosives.

Dans l’optique d’un entretien mécanique du sol, il est intéressant de privilégier les outils polyvalents, permettant un travail d’ameublissement après les vendanges et un travail moins profond d’entretien à partir du printemps.

Cependant, il faut garder à l’esprit que le travail du sol sur toute la surface présente certaines contraintes : temps nécessaire, accessibilité des parcelles (capacité de ressuyage des sols) pour les traitements.

En complément d’un enherbement tondu, sur un rang sur deux ou tous les rangs, les techniques d’ameublissement non destructif pour le couvert végétal sont à considérer pour apporter une réponse à un
problème de compaction éventuel. Nous rappelons qu’avant toute démarche de décompaction, une observation attentive d’un profil permet de déterminer précisément la nature du problème et les zones
concernées.

 

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