L’entretien des sols viticoles suscite beaucoup d’intérêt

29 juin 2010

La première Rencontre viticole de Cognac consacrée à l’entretien des sols a connu un franc succès puisque plus de 400 personnes ont participé à la manifestation. Les conférences dans la salle des Distilleries, la présentation de l’essai entretien mécanique du cavaillon et la démonstration de divers outils mécaniques de l’intercep qui se sont déroulées le 21 mai dernier au domaine de Gallienne à Javrezac (Vignobles Martell) avaient comme objectif principal de faire un tour d’horizon complet des différentes pratiques, le désherbage chimique, l’enherbement et le travail mécanique. Les organisateurs, l’IREO de Richemont et la revue « Le Paysan Vigneron », avaient souhaité construire un rendez-vous d’information en phase avec les réalités de la région viticole associant à la fois la théorie à la pratique.

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 De gauche à droite : Lionel Dumas Lattaque (Chambre d’agriculture de la Charente-Maritime),
Grégory Martonnaud (Chambre d’agriculture de la Charente), Christophe Gaviglio (IFV Sud-Ouest), et Vincent Dumot (Station Viticole du BNIC).

 

 

 L’adaptation des pratiques culturales devient depuis quelques années un réel centre d’intérêt pour beaucoup de viticulteurs. La recherche de productivité économique et la structure du vignoble vignes larges sont deux éléments indissociables qui à la fois facilitent et rendent difficiles le développement de certaines interventions. La diversité de la nature des sols, de la topographie, des structures des exploitations, la maîtrise des coûts de production ont jusqu’à présent fortement interféré sur la mise en œuvre des itinéraires culturaux. Le recul du désherbage en plein au profit du désherbage sous le rang associés à de l’enherbement ou à du travail mécanique superficiel des interlignes attestent des évolutions déjà importantes qui se sont produites. Les méthodes de cultures actuelles semblent adaptées aux spécificités agronomiques et au contexte économique de beaucoup de propriétés.

Revenir à plus de travail mécanique au niveau des interlignes, c’est envisageable

Remettre en cause même partiellement le désherbage chimique sous le rang paraissait impensable il y a encore 5 ans dans la région de Cognac, mais l’émergence des aspects réglementaires et environnementaux ont fait évoluer les mentalités. Revenir à plus d’intervention mécanique au niveau des interlignes est déjà une réalité sur les terres de groies qui sont « faciles » à travailler. Dans les terres de champagne, l’enherbement (à partir de la flore spontanée) en forte expansion au début des années 2000 connaît une petite régression sans pour autant être remis en cause. Beaucoup d’exploitations se sont remises à cultiver mécaniquement (de façon superficielle) une allée sur deux pour limiter les phénomènes de concurrence hydriques en été. Dans les doucins, l’enherbement de toutes les allées reste dominant car la portance de ces terres est souvent délicate en conditions humides. Revenir à plus de travail mécanique intéresse beaucoup de viticulteurs et tout particulièrement la nouvelle génération, mais cela ne signifie pas pour autant que l’enherbement et le désherbage chimique du cavaillon vont être abandonnés. « Travailler la terre » est un acte naturel et complètement associé à la culture originelle de chaque viticulteur, d’où leur grand intérêt pour les outils mécaniques. En effet, la forte période de développement des herbes en Charentes se situe de début mars à la mi-juin et cela correspond aussi à une période de pointe de travaux. La réintroduction du travail mécanique à cette période va engendrer une charge de travail supplémentaire. Par ailleurs, depuis que l’on cultive moins les sols au printemps dans les terres de champagne, les problèmes de chlorose sont devenus moins fréquents. Le travail mécanique comme toute pratique culturale présente des avantages et des inconvénients économiques et agronomiques qu’il convient de bien apprécier.

Une combinaison de pratiques culturales sur les exploitations

Lors des conférences, les intervenants se sont attachés à faire preuve d’objectivité pour justement aider les viticulteurs à raisonner leurs pratiques culturales en tenant compte à la fois des préoccupations environnementales et des spécificités de leur contexte. M. Lionel Dumas Lattaque, technicien viticole à la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, a ouvert les débats en présentant un constat détaillé sur les pratiques culturales en Charentes. En préambule de son intervention, il a rappelé les principes agronomiques de l’entretien des sols, assurer à la vigne une bonne alimentation hydrique et minérale, préserver les qualités physico-chimiques et biologiques de la terre, lutter contre l’érosion et maîtriser les impacts environnementaux. Le volet esthétique d’une parcelle, soit sans aucune herbe (cultivée, désherbée totalement ou sous le rang) soit couverte d’un enherbement maîtrisé et bien tondu, reste secondaire. L’analyse détaillée des différents itinéraires d’entretien des sols a permis de mettre en évidence que les viticulteurs mettent en œuvre sur leurs propriétés une combinaison de pratiques en associant le désherbage chimique (concentré à 90 % sous le cavaillon) à l’enherbement et au travail mécanique superficiel des interlignes. Le travail mécanique à 100 % dans les parcelles ne concerne que les exploitations conduites en bio. La consommation d’herbicide connaît depuis 20 ans une régression régulière de 2 à 3 % par an, qui s’est matérialisée par une forte diminution des stratégies de traitements en plein au profit des applications localisés sous le cavaillon. Par contre, les différences de nature des sols entre les groies, les champagnes, les doucins et le pays bas jouent un rôle important sur la mise en œuvre des itinéraires culturaux. Dans les groies, le travail mécanique superficiel des interlignes est fréquent ; dans les champagnes, l’enherbement et le travail mécanique s’équilibrent ; dans les doucins et le pays bas, l’enherbement reste dominant même si depuis les étés chauds de 2003 et 2005, un certain nombre de propriétés se sont remises à cultiver mécaniquement une allée sur deux. Le désherbage chimique du cavaillon donne de bons résultats quand il est raisonné en tenant compte de l’état des flores, et d’un point de vue économique c’est la pratique « imbattable » même si le coût des programmes a augmenté ces dernières années. Le coût moyen des intrants pour désherber le cavaillon se situe entre 70 à 90 € ht/ha. La mise en œuvre des stratégies herbicides devient plus technique en raison d’une part de l’utilisation intensive et sans alternance de certaines matières actives et d’autre part du fait d’une gamme de plus en plus restreinte de produits. Le retrait de nombreuses matières actives de pré-levée depuis le début des années 2000, la simazine, la terbuthylazine, le diuron, le norflurazon, la limitation de l’emploi du glyphosate, la prise en compte des problèmes de transferts dans l’eau des résidus de pesticides, l’apparition de plantes résistantes aux herbicides, sont des éléments qui ont fait considérablement évoluer les pratiques de désherbage. L’alternance des matières actives, la diminution d’utilisation des herbicides résiduaires au profit des produits foliaires lors des premières applications, l’apport d’herbicides résiduaires à doses réduites en 2e application, un raisonnement plus systématique des programmes en fonction de la nature et de l’état de la flore d’adventices, et l’acceptation de la présence d’herbes ayant un stade de développement non concurrentiel pour la vigne, attestent déjà des initiatives mises en œuvre pour à la fois réduire l’utilisation des herbicides et pérenniser la pratique du désherbage chimique.

Le désherbage alternatif, une piste intéressante à travailler

Grégory Martonnaud, le technicien viticole de la Chambre d’agriculture de la Charente, a présenté des résultats d’essais de lutte spécifique contre le ray-grass et les géraniums, deux herbes fréquentes posant de sérieux problèmes. Les conclusions de ces travaux ont mis en évidence l’importance d’appliquer les herbicides de façon judicieuse sur des herbes ayant un stade de sensibilité maximum pour bien les contrôler, limiter les doses d’intrants et éviter l’apparition de phénomènes de résistance et d’usure « prématurée » des spécialités commerciales. Pour le géranium, le stade de sensibilité plus important se situe au moment de la floraison. Au niveau du ray-grass, l’efficacité de la destruction avec des spécialités à base de glyphosate met en évidence l’importance de la qualité de la pulvérisation (l’homogénéité des gouttelettes) et des conditions météo (température comprise en 10 et 20 °C et hygrométrie de 60 %). Si le traitement intervient dans une période où l’herbe est « poussante », les résultats seront bien meilleurs.

Un essai de désherbage alternatif du cavaillon comparant trois stratégies, le désherbage chimique toute la saison, le travail mécanique superficiel toute la saison avec des passages de lames interceps et une voie alternative associant une application d’herbicide foliaire au printemps et ensuite deux passages de lames durant l’été. L’essai s’est déroulé en 2008 sur des sols de champagne assez souples (chez M. Nadaud à Gimeux) et en présence d’une flore d’herbe pas trop dense. Les travaux mécaniques ont été effectués avec le matériel de l’exploitation, une paire de lames interceps hydrauliques Cognacq utilisé à une vitesse de 4,5 km/h. Il est ressorti de ce travail que la modalité alternative s’avérait très intéressante en terme d’efficacité et de coût par rapport au « tout chimique ». Associer une application d’herbicide au printemps à deux passages de lames coûte dans cet essai moins cher que la réalisation d’un programme de lutte chimique reposant sur deux traitements. De telles conclusions plaident nettement en faveur de cette pratique, mais il convient aussi de tempérer ces résultats. En effet, l’efficacité du travail mécanique est conditionnée par la climatologie dans les jours suivant le passage des outils. Si celle-ci est sèche, elle sera bien meilleure alors qu’en conditions pluvieuses, les herbes ne seront pas totalement détruites et la repousse peut-être rapide. Il faut avoir la capacité d’intervenir au bon moment sur des herbes pas trop développées. La nature du sol relativement légère de la parcelle d’essai a permis un accès à la parcelle facile même après une période pluvieuse. Or, dans des terres de champagne profondes ou des doucins, la forte croissance de l’herbe en juin après une séquence pluvieuse peut s’avérer difficile à contrôler. La stratégie du désherbage alternatif est donc une piste à travailler car elle présente le double intérêt de conserver une souplesse d’organisation des travaux au printemps et d’engendrer une nette réduction d’utilisation des intrants.

L’enherbement se pilote à la parcelle en fonction « du comportement » des vignes

L’enherbement contrôlé a connu une forte progression dans les années 90 (2/3 de la surface du vignoble enherbée) du fait de sa simplicité lorsqu’il repose sur la flore naturelle. Son entretien est simple, rapide (3 à 5 tontes par an) et peu coûteux quand les écartements de vignes sont standardisés. Par contre la réalisation de semis demande des travaux de préparation parfois importants mais permet de choisir des herbes moins concurrentielles vis-à-vis des réserves hydriques. Vincent Dumot, de la Station Viticole du BNIC, a présenté les conclusions de plusieurs essais qui sont riches d’enseignements. La première conclusion concerne l’impact de la concurrence de l’enherbement vis-à-vis de la vigne. Les effets nature du sol et « puissance » du porte-greffe… rendent difficiles à prévoir la réaction de chaque parcelle à l’implantation d’un enherbement. Par ailleurs, la baisse de vigueur visuellement observée des parcelles totalement enherbées n’est pas un critère fiable pour mesurer l’impact de cette pratique sur les rendements. Dans un essai conduit à Juillac-le-Coq (Vignobles Frapin) depuis 10 ans, l’incidence de l’enherbement significative au niveau des rendements les premières années semble s’atténuer au bout de 6 à 7 ans alors que la baisse de vigueur reste constante. Par contre, les mesures de stress hydrique n’ont pas révélé de différence entre les modalités enherbées et cultivées. Sur ce site l’apport d’un complément de fumure azotée au sol (localisé sous le cavaillon pour ne pas faire pousser l’herbe) a eu un impact positif au niveau de la vigueur et du rendement alors que dans l’essai de Berneuil (essais communs avec la Chambre d’agriculture de Charente), les résultats des apports d’azote au sol n’ont eu aucune incidence. Une autre expérimentation a mis en évidence le rôle positif des apports d’azote foliaires au niveau de la concentration en azote assimilable des moûts.

Une utilisation de plusieurs outils pour cultiver mécaniquement le cavaillon toute la saison

L’entretien mécanique est fortement conditionné par le niveau des pluviométries, quel que soit le type d’outil utilisé. Le nombre de passages peut varier de 3 à 6 par an et cela génère des temps de travaux trois à quatre fois supérieurs aux autres pratiques, et le fait d’intervenir préventivement sur des herbes peu développées est toujours un gage de réussite. Néanmoins, dans les sols de notre région sensibles à la chlorose, le fait de cultiver tôt au printemps accentue les risques de solubilisation du calcaire. Christophe Gaviglio, de l’IFV Sud-Ouest, le spécialiste du travail du sol au niveau du cavaillon, a présenté une réflexion globale sur ce sujet. Ses propos ont englobé des réflexions concernant les aspects agronomiques et économiques. L’entretien mécanique des sols nécessite une grande réactivité pour intervenir au bon moment. L’efficacité dans le temps des interventions est limitée car c’est une pratique fortement dépendante des facteurs climatiques, surtout au printemps. De mars à début juillet, l’alternance de périodes chaudes et humides favorise la pousse des herbes et parfois aussi l’accès aux parcelles difficile. La faible vitesse de travail lors de la première intervention et la nécessité de prendre les sols au bon moment sont des facteurs limitants qu’il convient de ne pas sous-estimer. Pour le travail mécanique du cavaillon, la notion de surface réalisable par ensemble de tracteur-outil-chauffeur se situe entre 12 à 15 ha maximum dans des vignes à 2 m d’écartement et probablement entre 15 et 18 ha dans des plantations à 3 m.

Il existe aujourd’hui plusieurs familles d’équipements qui du fait de leurs principes ont des avantages et des inconvénients. Les décavaillonneuses assurent une efficacité de désherbage du fait du retournement d’une bande de terre mais leur vitesse d’avancement est limitée. Généralement, le décavaillonnage intervient en début de saison pour reprendre les sols après l’hiver. Les lames interceps qui sectionnent les racines sans déplacer la terre peuvent être utilisées à des vitesses de 3 à 5 km/h. Ce sont des outils efficaces en entretien mais la qualité du travail effectué est dépendante de la climatologie des jours suivant les interventions. Les outils rotatifs réalisent un binage plat sur une profondeur de sol moyenne. Dans les situations caillouteuses, leur efficacité est plus limitée et en été leur principe peut favoriser la dissémination des vivaces. Les outils rotatifs sont plutôt adaptés à des interventions de reprise des sols au printemps. L’utilisation de l’ensemble de ces équipement repose sur l’utilisation de pare-cep à déclenchement hydraulique ou électro-hydraulique dont la souplesse est généralement réglable afin de s’adapter aux différences de nature des sols. Certains constructeurs équipent les matériels d’accessoires, de vérins de correction d’inclinaison, de systèmes de centrage automatique ou de maîtrise de la profondeur de travail qui permettent d’optimiser les conditions et la vitesse de fonctionnement. L’objectif du travail mécanique du cavaillon est d’obtenir une bande de terre meuble sous le rang qui soit facile à entretenir, d’où l’importance de la première intervention. Au cours d’une saison, l’utilisation de plusieurs outils est indispensable pour s’adapter aux caractéristiques du sol à chaque saison et gérer les déplacements de terre. La nature du sol, la topographie des parcelles et l’établissement des souches sont des éléments qui interfèrent sur le fonctionnement des outils. Les temps de travaux pour l’entretien mécanique du cavaillon se situent entre 5 à 8 heures/ha pour un coût total (traction, main-d’œuvre et amortissement du matériel) variant entre 230 et 310 € ht/ha (source IFV Sud-Ouest).

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