L’Enherbement Des Vignobles

24 février 2009

La Rédaction

L’enherbement de la vigne consiste à conduire une culture de couvert végétal naturel ou d’espèces semées dans l’interligne, de façon temporaire ou permanente. Développé tout d’abord pour ses avantages agronomiques, l’émergence de préoccupations environnementales place aujourd’hui l’enherbement comme une alternative efficace et écologique pour l’entretien des sols viticoles. Cependant, cette technique ayant un effet non négligeable sur le comportement de la vigne, elle doit être raisonnée à la parcelle. Sa mise en œuvre nécessite d’évaluer un certain nombre de paramètres afin de faire le bon choix entre les différentes techniques (enherbement naturel ou semé, temporaire ou permanent, implanté tous les rangs ou non) et d’éviter les choix préjudiciables à une production stable et de qualité.

L’ENHERBEMENT TEMPORAIRE

Principe et mise en œuvre

L’enherbement temporaire consiste à laisser s’implanter des espèces naturelles durant l’hiver ou à semer des espèces à développement rapide et à tallage vigoureux.

Adaptés aux vignobles de faible vigueur, sensibles au stress hydrique ou encore gélifs, il permet de bénéficier des avantages de l’enherbement, sans être soumis aux contraintes de concurrence induites sur la culture lors de son cycle végétatif.

Dans le cas de semis, une légère fumure azotée peut être nécessaire dans les sols pauvres afin de favoriser l’implantation. La destruction s’effectuera, de préférence avant le débourrement pour éviter les risques de gelées printanières, de manière chimique ou mécanique.

Les espèces les plus fréquemment utilisées sont le seigle et l’orge pour les graminées, les vesces et les luzernes en légumineuses et le colza pour les crucifères.

Intérêts de la technique

Si les effets de l’enherbement temporaire sont plus limités que pour l’engazonnement permanent, ils sont tout de même très intéressants sur les propriétés du sol.

L’amélioration de la structure du sol, par l’effet de décompactage dû à la présence des racines, influe sur de nombreux facteurs. L’augmentation de la perméabilité du sol permet une réduction du ruissellement et de l’érosion dans le cas de vignes en pentes, mais aussi l’absorption des excès d’eau. De plus, l’apport de matière organique et la présence du système racinaire de l’herbe dans les premiers horizons améliore la portance des sols et limite le tassement en période humide lors du passage d’engins.

Dernier intérêt non négligeable dans le cas de semis, il permet de contrôler et de réduire l’installation d’adventices pouvant devenir problématiques, par des espèces plus faciles à maîtriser et à détruire au printemps.

L’ENHERBEMENT PERMANENT

Principe et mise en œuvre

L’enherbement permanent, ou engazonnement, consiste à laisser s’implanter des espèces naturelles ou à semer des espèces répondant aux exigences techniques de l’exploitant et adaptées aux caractéristiques agronomiques de chaque parcelle.

L’enherbement naturel est envisageable dans la mesure où la zone est déjà couverte d’une végétation spontanée et de bonne qualité (graminées ou dicotylédones annuelles peu montantes). Il suffit alors de ne plus la désherber et d’attendre qu’un tapis se mette en place naturellement.

Dans le cas de semis il est primordial de bien raisonner son choix. Pour cela, les espèces susceptibles d’être semées doivent répondre à plusieurs caractéristiques : si possible une installation rapide, une densité élevée et régulière, une bonne résistance au passage des engins, mais surtout une agressivité adaptée à la parcelle. En effet, un enherbement mal maîtrisé peut engendrer un déséquilibre dans le cycle biologique naturel de la vigne par une concurrence induite trop importante. Dans le doute et afin d’éviter une erreur préjudiciable à la vigne, il est recommandé de respecter les points suivants :

● Enherber uniquement les vignes de plus de deux ans.
● Enherber un rang sur deux au début.
● Utiliser des espèces à croissance lente et limitée, peu exigeantes en eau (fétuques ovines, fétuques rouges, pâturins…).
● Limiter la largeur enherbée à celle du passage des roues.
● Contenir régulièrement le développement de la végétation pour limiter l’évaporation en période sèche (fauchage).

Le choix d’une espèce ou d’un mélange relève donc d’un compromis, entre les besoins vitaux de la culture et de la maîtrise que l’on veut lui imposer, mais aussi les caractéristiques et les exigences de l’enherbement. Il est fortement recommandé de ne pas implanter une espèce seule, mais d’utiliser un mélange permettant une meilleure homogénéité de la couverture herbacée.

Remarque : afin de répondre à la problématique de l’enherbement de vignobles à forte densité, le service vigne et vin a mis en place une parcelle d’étude en 2006. L’objectif est double : comparer le comportement, de plusieurs mélanges à faible effet concurrentiel et de deux nouvelles espèces, évaluer les contraintes de la conduite d’un enherbement dans des rangs étroits.

Il est aussi possible dans des parcelles de faible vigueur et implanté sur des sols peu profonds d’utiliser des luzernes, des trèfles ou des lotiers. Ces plantes ont la particularité d’être peu concurrentielles, cependant leur pérennité est plus faible que celle des graminées.

ATOUTS ET CONTRAINTES DE LA TECHNIQUE

Intérêts agronomiques : De manière générale, l’enherbement améliore la structure des sols. Le système radiculaire très dense de l’herbe permet un fractionnement du sol dans les horizons de surface permettant un décompactage naturel. De plus l’apport de matière organique joue un rôle indirect sur la stabilité des agrégats et permet ainsi une augmentation de la portance. Les effets induits par cette amélioration de la structure sont nombreux, accroissement de la porosité limitant le ruissellement et l’érosion, absorption des excès d’eau, développement de l’activité biologique des sols.

Effets sur la culture : L’influence de l’enherbement sur la vigueur de la vigne est un atout intéressant s’il est bien maîtrisé. En effet, la concurrence en alimentation hydrique et minérale entraîne une diminution de la vigueur de la vigne et des rendements. Cette diminution est variable en fonction des espèces composant la bande enherbée et des caractéristiques agronomiques des parcelles. De plus, les vignes enherbées présentent de manière générale une moindre sensibilité aux maladies cryptogamiques (effet indirect de la vigueur). Les effets se portent aussi sur la qualité des vins. Une amélioration de l’état sanitaire de la vendange, l’augmentation du degré potentiel et la baisse de l’acidité des moûts sont régulièrement observés sur la vendange de parcelles enherbées.

Intérêt environnemental
: La présence d’une bande enherbée réduit la surface de sol nu pouvant être colonisée par les adventices et réduit de ce fait la surface à désherber. De manière générale, l’enherbement du rang permet de diminuer de 50 % à 70 % les doses d’herbicides utilisées à l’hectare. De plus, la réduction du ruissellement permet de limiter les risques de transferts des pesticides dans les eaux de surface.

Risques et contraintes : L’enherbement n’a bien entendu pas que des avantages, dans certains cas d’implantation mal raisonnée il peut même avoir des conséquences désastreuses.

Résumé

L’enherbement de la vigne consiste à maintenir et à entretenir un couvert végétal, naturel ou semé, entre les rangs. Il peut être temporaire ou permanent, implanté tous les rangs ou non. Pour le viticulteur, l’enherbement du vignoble permet d’une part de mieux maîtriser la qualité et d’autre part de réduire les impacts environnementaux liés à la conduite d’une parcelle dans un contexte de plus en plus difficile.

En effet, une concurrence excessive peut entraîner des pertes de récoltes extrêmement importantes et une fragilisation de la vigne. L’enherbement peut aussi être un facteur aggravant dans les parcelles particulièrement gélives, notamment au printemps. Dans certains cas, la diminution de la teneur azotée des moûts peut entraîner des problèmes de fermentation.

INSTALLATION ET CONDUITE DE L’ENHERBEMENT

Préparation du sol et semis

La mise en place d’un enherbement nécessite une préparation du sol afin de l’ameublir pour permettre la pousse des graines et de l’aplanir afin de faciliter les tontes.

Les semis peuvent se réaliser soit au début du printemps, soit après les vendanges (fin septembre, début octobre) pour profiter d’une longue période sans passage de matériel agricole. En principe, les semis d’automne donnent de meilleurs résultats.

Les doses de semences sont variables en fonction des mélanges, mais de manière générale le semis doit être assez dense, entre 40 et 60 kg/ha pour 50 % de la surface enherbée.

Matériel d’engazonnement

Il existe des matériels manuels destinés aux petites surfaces ou aux vignes très étroites, mais des outils mécaniques permettent l’enherbement à partir de largeurs de 0,90 m.

– Les semoirs cultipackers : composés de deux rouleaux packers, le premier ouvrant la ligne de semis et le deuxième recouvrant la graine. La graine tombe à la volée et l’enfouissement est superficiel (1 cm). Ce type de semoir permet généralement une bonne réussite de l’enherbement. Seule contrainte, la préparation du lit de semences doit être effectuée au préalable avec un autre outil.

Mots Clés

enherbement
enherbement permanent
enherbement temporaire

 

 

 
– Les outils combinés : la préparation du sol est effectuée par des disques ou une herse rotative placés à l’avant qui décompactent superficiellement le sol, puis la graine est enfouie par un rouleau cage positionné à l’arrière du réservoir à semence.

Il existe aussi des matériels de regarnissages qui permettent de rénover un enherbement déjà installé.

Entretien de l’enherbement

Si le rythme des coupes est fonction des conditions climatiques et des espèces semées, il est recommandé d’effectuer au minimum deux fauches par an. La première en prédébourrement de la vigne afin de diminuer les risques de gelées printanières. La seconde dès que les conditions de sécheresse se font sentir.

En cas de stress hydrique trop important, il est possible de réduire la largeur de la bande enherbée ou de freiner temporairement son développement à l’aide de défanants sous dosés (0,3 % de glyphosate, 1,5 l à 2 l de Basta F1 en fonction de la vigueur de l’enherbement).

CONCLUSION

L’enherbement est une technique d’entretien des sols intéressante à plusieurs titres. Son impact positif sur la structure du sol, la réduction du recours aux herbicides et la limitation du transfert des pesticides en général, permet un entretien des sols raisonné et plus respectueux de l’environnement. De plus, par son contrôle de la vigueur et des rendements elle améliore la qualité du vin. Toutefois, un mauvais choix peut entraîner des conséquences dommageables à la pérennité de la vigne et des problèmes de fermentation préjudiciables à la qualité du vin. C’est pourquoi la mise en œuvre de cette pratique doit se raisonner à la parcelle.

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