« L’univers de production agricole et viticole régional est soumis à des bouleversements économiques ayant une amplitude jamais observée, qui conforte l’intérêt du système coopératif. » C’est par ces propos que Yves Auffret, le président de la coopérative agricole de la région de Cognac, a ouvert les débats de l’assemblée générale. L’entreprise, qui affiche de bons résultats sur l’exercice 2007-2008, continue de développer une stratégie fondée sur l’apport de technicité, l’établissement de relations de proximité avec les adhérents et une volonté de coller aux attentes des bassins de production au sein desquels elle évolue. Le président a continué son intervention en tenant un discours plein de sagesse qui traduit l’engagement dans la pérennité des métiers de céréalier et de viticulteur : « Après une fin année 2007 marquée par un net redressement des marchés des céréales, le choc économique de l’été 2008 a de nouveau fait plonger les cours du blé, des maïs et des oléagineux. Pour les agriculteurs, de tels revirements de situations ont des conséquences très importantes sur la gestion des propriétés. Les spéculations financières viennent désormais amplifier les effets naturels de l’offre et de la demande. Des niveaux de récoltes moindres en 2007 et des stocks bas avaient créé les conditions d’une remontée logique des cours qui a été amplifiée par l’arrivée d’investisseurs financiers à la recherche de profits rapides. A partir du printemps 2008, ces mêmes acteurs ayant pris conscience que la récolte s’annonçait comme plus abondante et supérieure aux besoins, se sont désengagés et la chute des cours depuis l’automne a été très brutale. Dans un tel contexte, bien vendre des céréales est devenu un métier compliqué nécessitant une observation permanente des marchés. Les dangers liés à la spéculation financière sont réels et le système coopératif représente pour nous producteurs un moyen efficace de limiter l’impact de tels revirements de situations. L’économie des grands produits agricoles risque d’être affectée par la crise économique mondiale et les outils coopératifs nés de la grande dépression de 1929 semblent toujours d’actualité. Au niveau de la viticulture, la demande en eaux-de-vie en 2007 donnait de grands espoirs mais les contextes climatiques des deux dernières récoltes se sont montrés décevants. Le vignoble de Cognac n’a pas été en mesure de produire suffisamment car l’outil de production est fragilisé. Par ailleurs, on est complètement démuni vis-à-vis des maladies du bois qui rongent le vignoble charentais. Le potentiel de production viticole est dégradé, ce qui amplifie les conséquences de séquences climatiques défavorables au printemps. Enfin, la dégradation de l’économie mondiale depuis quelques mois inquiète tous les acteurs de la filière Cognac car les expéditions accusent une nette baisse. »
Un exercice 2007-2008 exceptionnel
Dans ce contexte de marché haussier mais très fluctuant, la CARC a réalisé un exercice 2007-2008 exceptionnel. Les chiffres d’affaires de la collecte et des approvisionnements enregistrent des progressions de 43 % et de 30 %. La flambée des prix des céréales et un marché régional des vins et des eaux-de-vie ont incité les céréaliers et les viticulteurs à revenir vers des itinéraires culturaux plus productifs. Pour faire face à cette situation, les équipes de la coopérative ont mobilisé tous leurs moyens et leur savoir-faire. La volonté permanente des équipes de travailler en apportant aux adhérents toujours plus de technicité s’est trouvée récompensée par un niveau d’activité record. MM. Yves Auffret, le président et Jean-Paul Auboin, le directeur, n’ont pas caché leur satisfaction mais ils ont aussi attiré l’attention des adhérents sur le contexte exceptionnel de cet exercice et les évolutions profondes du fonctionnement de l’entreprise.
Les regroupements d’entreprises au niveau des fournisseurs d’engrais et de produits phytosanitaires sont une réalité qui modifie profondément les démarches d’achats des distributeurs d’agro-fournitures. Les phénomènes de concentration ont favorisé l’émergence d’un nombre limité de fabricants de plus en plus gros et ayant une vision mondialisée de leurs débouchés. L’adhésion de la CARC à l’UDCA représente un atout essentiel pour aborder les démarches d’achats avec des moyens beaucoup plus conséquents. Depuis le mois de janvier 2008, Jean-Michel Audouit a été nommé sous-directeur afin d’envisager l’avenir de la coopérative de façon pérenne et maîtrisée. Le conseil d’administration considère aussi que l’apport de haute technicité est de plus en plus indispensable pour mettre en œuvre des itinéraires culturaux conciliant le respect de l’environnement, le pragmatisme économique et des objectifs de productivité réalistes.
Une climatologie perturbante pour toutes les cultures
L’exercice 2007-2008 a été marqué par une climatologie très perturbante pour l’ensemble des cultures sur les plans agronomique et de protection des cultures. Les colzas avaient mal levé, les semis d’automne se sont déroulés normalement mais par la suite tous les semis de printemps d’orge de brasserie, de tournesol et de maïs ont été tardifs. Le printemps et l’été pluvieux de 2007 ont été extrêmement propices au développement du mildiou dans le vignoble et les pertes occasionnées par la maladie se situent autour de 7 %. Ce sont surtout les effets de la coulure et du millerandage qui ont fait chuter les rendements car les grappes au moment de la récolte n’étaient pas « pleines ». L’autre sujet de préoccupation durant l’été 2007 a été la forte expression de symptômes d’esca qui touchent toutes les propriétés de la région. Au final, la récolte de vin en 2007 aura été décevante avec un rendement moyen de 85,8 hl/ha et un TAV de 10,2 % vol.
Après un hiver 2007-2008 relativement doux, le débourrement est intervenu vers le 10 avril sans que les effets du gel n’aient été réellement perceptibles au départ. La sortie de grappes plutôt faible a été la première mauvaise surprise de ce cycle végétatif. Les mois de mai et de juin très pluvieux ont encore favorisé l’explosion du mildiou et tout l’été a été pluvieux au point qu’à la fin août, la maturation accusait un net retard. Au final, la récolte est à peu près identique à celle de 2007 mais les écarts de production sont parfois importants à quelques kilomètres près.
Les engrais, les phytos et l’Ecovigne moteurs de l’activité approvisionnement
L’activité approvisionnement de la coopérative a connu une progression d’activité importante (+ 30 %) qui concerne à la fois les produits phytosanitaires et les engrais. L’organisation des achats et la mise en œuvre des moyens logistiques pour mettre à disposition des agriculteurs les approvisionnements a été difficile à gérer surtout pour des engrais de fond dont le marché est stimulé par une demande mondiale soutenue. Au niveau de la coopérative, les sorties d’engrais ont atteint des niveaux records en décembre en raison de l’anticipation des commandes. Ce secteur est devenu très difficile à gérer car en une campagne les ventes de la coopérative ont progressé de 31 % avec à la fois une augmentation des volumes et de leur valeur. Dans le vignoble, des niveaux d’apports nettement plus importants de fumure organique ont été effectués.
Au niveau des produits phytosanitaires, la hausse d’activité de 41 % a été dopée par la forte pression de mildiou en 2007 et des achats en morte-saison plus importants. Le nombre moyen de traitements proche de 11 applications a été marqué par une part de marché en progression des fongicides systémiques et tout particulièrement ceux de la famille des fosétyl. Les herbicides de position et de pré-levée ont été nettement moins utilisés au profit des spécialités à base de glyphosate permettant des interventions plus ciblées sur la flore. Les consommations de solutions foliaires fertilisantes ont connu une progression en raison de la présence de symptômes de chlorose dans le vignoble. Un certain nombre de viticulteurs semblent avoir choisi de mettre en œuvre des stratégies préventives d’apports foliaires de fer en début de saison au lieu de réaliser des apports de chélates au sol plus coûteux.
Le secteur des semences enregistre une hausse plus modérée de 6,5 % qui correspond en grande partie à un effet valeur. L’activité fournitures viti-vinicoles Ecovigne a connu un net développement au cours de cet exercice (+ 15 %) pour atteindre un chiffre d’affaires de 1 million d’euros. Les lignes de produits liés à la taille, au palissage, à la quincaillerie et à la sécurité (protection individuelle et local phyto) ont enregistré des progressions supérieures à 20 %.
Un marché des engrais stimulé par une forte demande mondiale
M. Jean-Paul Auboin, le directeur de la coopérative, a présenté les tendances actuelles du marché mondial des engrais minéraux. Tous les distributeurs ont été confrontés à des difficultés d’approvisionnement en raison de fortes utilisations dans tous les pays du monde depuis quelques années (sauf en Europe et en France). Les graphiques ci-après montrent que depuis quinze ans les consommations d’engrais de fond en France et en Europe ont baissé de plus de 50 % alors que dans le reste du monde elles ont augmenté fortement. Progressivement, les producteurs d’engrais (potasse et phosphore) ont tissé des relations commerciales avec les pays agricoles émergents dans le monde (Brésil, Chine….) alors que l’Europe et la France sont devenus des débouchés beaucoup moins attractifs sur le plan volumique. Cette augmentation constante de la demande d’engrais a aussi provoqué une hausse des prix qui est devenue très perceptible depuis deux campagnes. A cela se sont rajoutées des difficultés pour s’approvisionner et stocker les engrais. La nouvelle donne mondiale du marché a obligé les distributeurs à anticiper leurs achats pour être sûrs d’avoir les volumes d’engrais correspondant aux utilisations des agriculteurs. Comme la hausse des prix des céréales en 2007 a entraîné une volonté d’augmenter la productivité, la demande d’engrais a aussi progressé en France au cours de l’hiver 2007-2008. Cette situation de demande accrue a augmenté les tensions en matière d’approvisionnement, d’où de fortes anticipations d’achats et les problèmes de stockage qui en découlent. Les ventes de vrac ont diminué au profit des big bag beaucoup plus faciles à stocker chez les agriculteurs. J.-P. Auboin considère que les transactions d’engrais au cours de l’hiver 2008-2009 seront tout aussi difficiles à gérer. La potasse reste hors de prix et le phosphore se maintient à des niveaux de cours élevés.
Le difficile métier de metteur en marché des céréales
La collecte céréalière totale de la campagne 2007 est restée stable en volume (237 000 qx) avec des rendements en blé, en orge de brasserie en baisse et de très bonnes productions de maïs. Le climat pluvieux du printemps et de l’été a eu une forte incidence sur le déroulement des itinéraires culturaux dans l’ensemble de l’aire de production de la coopérative.
J.-P. Auboin a estimé lors son intervention que les conditions de commercialisation des céréales de la récolte 2007 étaient exceptionnelles : « Après une récolte 2007 déficitaire en volume à l’échelle mondiale, les cours qui avaient une tendance haussière se sont littéralement emballés pour atteindre des niveaux de valorisation que l’on peut qualifier d’exceptionnel. Le blé a connu un premier pic de prix en octobre 2007 et ensuite en mars 2008. Les autres céréales, l’orge de brasserie et le maïs ont suivi la même tendance mais, par la suite, elles n’ont pas cessé de baisser tout au long de la campagne. Dès la fin mai, les perspectives d’une récolte d’été 2008 beaucoup plus abondante ont fait baisser les cours fortement. La tendance baissière n’a cessé de se confirmer depuis le début de l’été et actuellement les cours du blé rendu port oscillent entre 120 et 130 €. Les oléagineux ont connu la même tendance haussière à l’automne dernier, puis baissière tout au long de la campagne. La bonne récolte 2008 en France et dans de nombreux pays a incité les spéculateurs à se désengager du marché des céréales brutalement, ce qui a amplifié la chute des cours. Maintenant, nous sommes rentrés dans une période de récession économique dont on a aussi du mal à mesurer l’impact sur la consommation des produits élaborés à partir des céréales. Il va falloir sûrement s’habituer à ces fortes fluctuations de cours qui rendent le métier de metteur en marché de plus en plus complexe. Il faut suivre l’évolution des cours mondiaux au quotidien pour valoriser au mieux les productions sans prendre de risques inconsidérés qui pourraient fragiliser le fonctionnement de nos entreprises. »