Le tirage des bois mécanique doit démontrer son intérêt
La présence de plus de 500 personnes à la démonstration de tirage des bois mécanique à Sainte-Lheurine le 18 février dernier atteste de l’intérêt des viticulteurs pour cette nouvelle évolution technologique. Utiliser une machine pour extraire les bois du palissage était jusqu’à ces dernières années un peu utopique, mais plusieurs constructeurs travaillent sur le sujet. L’enlèvement manuel des bois de la structure des palissages ne nécessite pas une technicité particulière mais un effort physique constant qui rend cette intervention pénible au fil du temps. Dans l’organisation du calendrier des travaux d’hiver, le tirage des bois entièrement manuel (sans prétaillage en tête) dans des vignes de types larges et hautes palissées, (de 2,50 à 3 m d’écartement) nécessite 18 à 20 heures de travail par hectare, soit l’équivalent du temps nécessaire à la taille. Jusqu’à présent, beaucoup de propriétés faisaient appel à de la main-d’œuvre saisonnière mais, au fil des années, les disponibilités locales en personnel se raréfient. Pour remédier à ce manque de main-d’œuvre, des entreprises de prestations de services se sont créées et de plus en plus de propriétés de grande surface y ont recours. Le développement récent de la mécanisation du tirage des bois représente peut-être une autre alternative pour simplifier et rationaliser la mise en œuvre d’une intervention fastidieuse. Les machines vont devoir démontrer leur intérêt économique et leur capacité à respecter l’intégrité du palissage et des souches.
Les machines à tirer les bois vont-elles, dans les toutes prochaines années, remplacer le travail manuel pour réaliser une intervention fastidieuse et demandant peu de technicité ? Les fortes disparités d’établissement des vignes d’une propriété à l’autre et d’une région à l’autre représentent des contraintes importantes qui n’ont pourtant pas découragé les constructeurs. En effet, plusieurs machines ont fait leurs « premiers pas » dans les vignes depuis trois ou quatre ans. Leur fonctionnement suscite un intérêt important et aussi beaucoup d’interrogations vis-à-vis de leurs performances, de leurs rentabilités et du respect du vignoble. L’ensemble de ces réflexions sont à l’origine de l’essai de tirage des bois mécanique qui a été mis en place à Sainte- Lheurine. L’implication de deux constructeurs, les sociétés Ero et Provitis, a permis d’obtenir un certain nombre de données sur l’efficacité et les limites du tirage des bois mécanique.
La rationalisation de l’organisation des travaux d’hiver, la taille et le tirage des bois n’est pas une préoccupation nouvelle. Les viticulteurs de notre région ont mis en œuvre depuis longtemps diverses alternatives pour réduire les temps de tirage des bois et de taille. L’introduction de conduite de vignobles larges en arcures hautes peu ou pas palissées permet de réaliser la taille et le tirage des bois en même temps. Le fait que les sarments soient peu tenus par la structure du palissage facilite le tirage des bois mais, pour le personnel, la position permanente des bras en hauteur et en extension s’avère fatigante. La réalisation simultanée des deux interventions engendre souvent une perte d’attention naturelle des tailleurs vis-à-vis des bons gestes, le respect des courants de sève, le positionnement de coursons biens placés et la maîtrise générale de la pérennité des souches.
La taille, une intervention qualitative pour la pérennité des souches
L’introduction du prétaillage en tête dans les vignes palissées a démontré son intérêt depuis longtemps. Cela permet de ré-
duire les temps de tirage des bois de 30 à 40 %, mais la longueur des bois de taille est plus courte. Dans la période actuelle de recherche de forte productivité, le prétaillage en tête engendre une réduction de la charge de bourgeons/ha. L’autre élément qui redevient important actuellement est la qualité de la taille. Le niveau d’expression des symptômes et des dégâts des maladies du bois est amplifié par les mauvais gestes de taille dès que les parcelles atteignent 10 à 15 ans. La nette augmentation de la mortalité des souches depuis dix ans pénalise la productivité de beaucoup de parcelles et les souches mal taillées ont une durée de vie plus réduite. Enfin, la moindre sensibilité de certains jeunes salariés aux aspects de respects des fondamentaux du végétal pose aussi des problèmes, surtout quand les employeurs privilégient le nombre de ceps taillés à l’heure aux aspects qualitatifs des gestes de coupe. On ne peut pas former un bon tailleur en 2 à 3 semaines, c’est une mission impossible !
Tirer les bois plus vite pour porter plus d’attention à la taille
La conjonction de tous ces éléments amène de plus en plus de chefs d’exploitation à s’interroger sur l’organisation des travaux d’hiver. La prise de conscience de l’importance des aspects qualitatifs des gestes de taille vis-à-vis de la gestion dans le moyen terme de la productivité des parcelles est réelle. Tailler est un acte majeur qui permet de conférer aux souches toutes les chances d’avoir à la fois des niveaux de productivité réguliers et une meilleure longévité. Le constat des techniciens vis-à-vis des maladies du bois est unanime : « Les ceps morts ou atteints d’eutypiose et d’esca-BDA ont dans 90 % des situations subi de grosses mutilations au moment de la taille. Il suffit de regarder les troncs ou les bras de ceps pour repérer de grosses plaies de taille qui ont littéralement cassé la circulation de sève. Demander à un tailleur une productivité de 100 à 120 ceps/heure dans des vignes de 15 à 30 ans est-il raisonnable pour la pérennité des sou-
ches ? La réponse est bien évidemment non ! Pour limiter les nuisances de maladies du bois, prendre le temps de tailler les ceps en respectant les principes de circulation de la sève est capital. Par contre, prendre le temps d’adapter les gestes de taille au développement végétatif de chaque souche fait baisser la productivité horaire des tailleurs. Une légère augmentation des temps de taille ne serait-elle pas un investissement rentable ? Tailler tous les ans avec le sens de la pérennité augmente de quelques heures par hectare les temps de taille, mais c’est aussi le gage d’avoir des souches beaucoup moins réceptives aux maladies du bois et des parcelles dont la productivité et la durée de vie seront améliorées. La mise en œuvre d’une taille plus qualitative redevient un sujet de préoccupations pour beaucoup de viticulteurs qui se disent que prendre un peu plus de temps pour tailler revient au final beaucoup moins cher que de renouveler des vignes âgées de seulement 20 à 25 ans. La mécanisation du tirage des bois est peut-être une piste à ne pas négliger pour repenser l’organisation des travaux d’hiver. L’utilisation d’une machine pour réaliser une intervention fastidieuse ne peut-elle pas apporter plus de souplesse dans l’organisation des travaux d’hiver ? Un gain de 10 à 15 h/ha de main-d’œuvre est peut-être le moyen d’aborder la conduite des chantiers de taille avec plus de technicité et de souplesse.
2 ha 50 de vigne mis à disposition à Sainte-Lheurine
La prise en compte de toutes ces réflexions a été à l’origine de la mise en œuvre de l’essai de tirage des bois mécanique à Sainte-Lheurine. Les principes de mécanisation proposés par les constructeurs sont-ils compétitifs par rapport au travail ma-
nuel et quelles conséquences ont-ils sur les souches et l’état du palissage ? L’objectif de la démarche mise en place à Sainte-Lheurine apporte un certain nombre d’éléments de réponse sur tous ces sujets. L’implication dans ce projet des techniciens des deux Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime et de la revue Le Paysan Vigneron a été rendue possible grâce à Jean-Marc Taureau, qui a mis à disposition une parcelle de 2 ha 50 pour réaliser l’essai. Ce viticulteur porte un regard attentif et curieux à toutes les évolutions de mécanisation dans la mesure où elles permettent de concilier les enjeux de respect de la productivité et le réalisme économique. Quand nous lui avons demandé si la mise en place d’un essai de tirage des bois mécanique dans son vignoble était envisageable, il a tout de suite adhéré à ce projet. J.-M. Taureau a déjà mené une réflexion pour optimiser les conditions d’exécution de ce travail : « L’optimisation du tirage des bois est depuis longtemps une préoccupation pour moi. J’ai systématisé le prétaillage en tête pour réduire la durée de cette intervention de 30 à 40 % et rendre ce travail moins pénible. Cette pratique a démontré son intérêt économique mais les bois de taille sont plus courts, ce qui dans la période actuelle peut pénaliser la productivité. En 2009, un constructeur régional est déjà venu essayer chez moi un prototype de machine à tirer les bois. Tester deux nouvelles machines me paraît intéressant pour apprécier la faisabilité de cette approche de mécanisation avec un cépage comme l’ugni blanc. L’évaluation de l’intérêt économique par rapport au tirage des bois manuel ainsi que des conséquences de cette pratique sur l’état du palissage me paraissent
essentielles. »
Un site très représentatif du standard des vignes Cognac
Les deux techniciens en machinisme des Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime, Matthieu Sabouret et Joël Deborde, ont construit le protocole d’essais (avec 4 répétitions dans la parcelle) dans l’optique de comparer l’efficacité de deux pratiques de tirage des bois manuel à celle des machines. La démarche a été proposée aux quatre fabricants de machines, mais seules les sociétés Ero et Provitis ont accepté d’y participer. La parcelle d’essai est très représentative du standard des vignes Cognac : une vigne à 2,50 m d’écartement (1,40 entre ceps), d’une vigueur assez forte et homogène, enherbée une allée sur deux, de 12 ans d’âge et avec un palissage en état constitué de piquets métalliques portant 3 ou 4 fils fixes et deux releveurs. La finalité de l’essai est de mieux cerner les avantages et les inconvénients du tirage des bois mécanique dans le contexte du vignoble charentais. Plusieurs séries de mesures ont été effectuées pour quantifier précisément les temps de travaux, l’efficacité du tirage des bois, les incidences de la mécanisation sur le palissage et les ceps de vigne, et les aspects de fonctionnement des matériels (besoins hydrauliques, poids des équipements, incidence de portance sur les sols). Les conseillers viticoles des Chambres d’agriculture de Charente-Maritime et de Charente, Laetitia Caillaud, Michel Girard et Jean-Christophe Gérardin, ont joué un rôle majeur dans la définition du protocole et ensuite durant les essais pour la réalisation de toutes les observations au niveau du vignoble. Deux conseillers de la MSA des Charentes, Bruno Fartouat et Michel Saunier, ont été associés à la manifestation pour donner leur avis sur les aspects de sécurité. La volonté des organisateurs était aussi de s’entourer d’un jury de viticulteurs pour recueillir leur avis d’utilisateur potentiel. Ludovic Bennassy, Jean-Baptiste Mariaud, Vincent Pitard et Thomas Robin en participant à l’essai ont fait part de leurs remarques pratiques au niveau de la conduite des équipements et des incidences sur la vigne et le palissage.
Un essai en grande parcelle réalisé en conditions difficiles
L’essai s’est déroulé le 11 février dernier, après trois semaines de pluies régulières et abondantes qui avaient rendu la portance des sols assez aléatoire. De telles conditions climatiques hivernales pouvaient laisser craindre que l’utilisation des matériels serait délicate voire impossible. Dans la partie basse de la parcelle, des flaques d’eau étaient présentes même dans les allées enherbées. La situation de la parcelle à mi-coteaux et la présence d’une allée enherbée ont permis aux tracteurs de circuler sans trop de difficultés. Au cours de toute la matinée, les machines ont travaillé en absence de pluies et l’après-midi, après une belle averse d’une heure, le matériel a de nouveau fonctionné sans contraintes. Le tirage des bois dans les deux modalités manuelles (une première intégralement manuelle et la seconde avec prétaillage en tête) avait été effectué par J.-M. Taureau et son épouse. Les relevés de temps de travaux sur l’ensemble de l’essai ont eu lieu dans les quatre blocs différents (4 rangs de vigne par bloc), pour tenir compte des variations de vigueur et des contrain-tes liées à la topographie et à la portance des sols. L’opération manuelle de tirage des bois dans les huit rangs successifs (de 125 à 130 ceps) a été effectuée dans des conditions totalement représentatives du contexte de travail de l’exploitation.
La bonne efficacité du tirage des bois mécanique
Les machines Ero et Provitis assurent-elles un tirage des bois efficace ? L’essai a permis d’apporter une réponse pertinente à cette question. Des mesures ont permis d’apprécier le poids de bois présent sur le palissage avant le tirage des bois et ensuite celui qui restait après le passage des machines. La parcelle visuellement vigoureuse portait 3 000 kg de sarments/ha et environ 1,2 kg/souche.
Les deux machines ont donné satisfaction puisque les bois sont globalement bien extraits du palissage mais avec des spécificités propres à chaque machine. La casse de bois de taille a été minime avec les deux machines et la grande majorité des sarments broyés ou pas, tombe sur le sol au niveau du cavaillon. Il est cependant nécessaire de procéder à une finition manuelle du tirage des bois qui demande au maximum 2 à 3 heures de travail/ha. Les vitesses moyennes d’avancement des deux matériels se sont situées autour de 2 à 2,5 km/h, en tenant compte des temps d’engagements et de sorties des rangs. Le poids des matériels est à peu près équivalent à celui d’une prétailleuse, ce qui n’a pas été un handicap même en conditions humides. D’une manière générale, la conduite de ces matériels nécessite de l’attention surtout dans les parcelles présentant une topographie vallonnée avec des dévers.
95 % d’efficacité avec la machine Ero
L’extraction des sarments avec la tireuse des bois Ero est très performante puisque 95 % des bois sont enlevés du palissage. Dans le rang il reste très peu de sarments de pris dans les fils après le passage de la machine. Par contre, la machine commence son travail à partir du début de la troisième longueur de piquet et l’arrête à ce même niveau en bout de rang. Une finition manuelle du tirage des bois est indispen-sable pour terminer le travail dans chaque rang. Le principe de tirage des bois repose sur une canalisation des fils de palissage supportant les bois vers un module situé au-dessus des rangs qui élimine les sarments. L’utilisation de ce matériel n’est possible que si les fils porteurs ont la capacité de se désolidariser des piquets, ce qui nécessite des matériaux de palissage adaptés, des piquets métalliques avec des ergots ouverts ou l’utilisation de crampillon ouvert pour des piquets bois. Lors de l’essai, avant d’utiliser la machine Ero, il a été nécessaire de décrocher les 3 fils fixes des ergots des piquets métalliques (piquets Linus) pour les rendre mobiles et, à la fin du travail, les raccrocher. L’ensemble des temps de travaux indirects liés au décrochage des fils, à la finition manuelle du tirage des bois et au raccrochage des fils ont été intégrés dans le temps global de tirage des bois. La bonne utilisation de la machine Ero implique de ne pas du tout détailler les bois au moment de la taille, ce qui génère un gain de temps (aussi intégré dans le temps global de tirage des bois). La tête de tirage des bois qui est équipée d’un broyeur déchiquette les sarments au fur et à mesure que la machine avance. L’incorporation du broyeur augmente fortement la demande en puissance hydraulique (75 l/mn), ce qui rend obligatoire l’utilisation d’une centrale hydraulique indépendante.
88 % d’efficacité avec la machine Provitis
La machine Provitis a aussi très bien fonctionné puisque l’efficacité du tirage des bois atteint 88 %. Parfois, il reste quelques sarments au niveau des piquets mais le tirage des bois commence et se termine dès la première et la dernière souche dans chaque rang. La machine, qui n’est pas équipée d’une cellule de broyage intégrée, laisse tomber sur le sol les sarments. L’utilisation d’un broyeur (celui de l’exploitation) à l’arrière du tracteur permet de les déchiqueter. Lors de l’essai, le tracteur était équipé à l’arrière d’un broyeur à marteaux. Le fonctionnement de la machine Provitis, qui extrait les bois en les tirant de façon perpendiculaire à l’axe du rang, nécessite un palis-
sage adapté. Il faut un espace minimum de 50 cm entre les deux fils du centre du palis-
sage pour que le disque ameneur puisse pousser efficacement les bois vers la tête de tirage des bois. Or, en Charentes beaucoup de vignes palissées disposent d’un deuxième fil dit fil de guidage de la végétation implanté à 30-40 cm au-dessus du fil d’attache. Son rôle est important pour limiter les effets du vent au printemps dans la période précédant le relevage (l’essolage au printemps). Pour pouvoir utiliser la machine Provitis, il faudra remonter ce fil, ce qui risque de rendre la végétation plus sensible à l’essolage. Lors de l’essai, J.-M. Taureau a enlevé le deuxième fil implanté 40 cm au- dessus le fil d’attache pour créer des conditions favorables à l’utilisation de la machine Provitis. Quelques phénomènes de marquage au niveau des piquets liés à la roue ameneuse des sarments ont été observés.
Des efforts de tensions importants sur les fils de palissage
J. Deborde et M. Sabouret avaient souhaité intégrer dans le protocole de l’essai des mesures de tensions des fils du palissage pour apprécier l’impact des efforts exercés par les machines sur les rangs de vignes. Des dynamomètres ont été installés en bout de rang sur les fils pour enregistrer le niveau de tension maximum auquel sont soumis les fils lors de l’utilisation des machines. Un fil d’attache normalement tendu doit être à une tension de 30 à 45 kg selon la longueur des rangs et la charge de surface foliaire qu’il doit supporter.
La machine Ero exerce des tensions sur les trois fils de la base du palissage en raison de leur élévation dans la tête de tirage des bois située au-dessus des piquets. Lors de l’essai, les mesures ont été effectuées sur le fil d’attache et le deuxième fil. Les niveaux de tension maximum au moment de l’utilisation de la machine ont été de 67 kg sur le fil d’attache et de 59 kg sur le deuxième fil.
La machine Provitis exerce des tensions sur les deux premiers du fait de l’action latérale de la roue ameneuse qui pousse les sarments vers la tête de tirage des bois. Lors de l’essai, les mesures ont été faites sur ces deux premiers fils. Les niveaux de tension maximum observés ont été de 62 kg sur le fil d’attache et de 39 kg sur le deuxième fil.
Des niveaux de tension supérieurs à 55 kg peuvent être considérés comme élevés et les fils de type aciérés sont les seuls aptes à résister à de tels efforts. Un palissage en parfait état (piquets solides, amar-
res résistantes et fil aciérés) peut supporter l’utilisation des machines même si la tension des fils risque d’en être affectée. Les conséquences d’utilisations répétées des machines sont bien sûr un sujet d’interrogation.
Environ 2 h/ha pour la seule intervention de tirage des bois mécanique
Les chantiers de tirage des bois mécanique nécessitent 5,5 à 6 h/ha de travail
L’intervention de tirage de bois mécanique est à la fois précédée de travaux de préparation et suivi de travaux de finition dont il faut tenir compte pour apprécier la performance réelle de cette opération. Pour la machine Ero, la taille doit se limiter aux seules coupes destinées à la conservation des deux bois de taille et des coursons. Il ne faut pas du tout détailler les bois pour que les sarments restent bien pris dans les fils de palissage. Cette spécificité a occasionné un gain de temps au niveau de la taille de 3,9 heures par rapport à la modalité de référence tirage manuel. Par contre, avant d’utiliser la machine, il a fallu tirer manuellement les 4 longueurs de piquets et décrocher trois fils des ergots des piquets métalliques, ce qui a généré une charge de travail supplémentaire de 3,4 heures/ha. Après le passage de la machine, la réinstallation des fils et la finition du tirage des bois sur les quatre longueurs de piquets des bouts de rangs mobilisent aussi du temps qui représente 3,6 heures de travail. Au global, le chantier de tirage des bois mécanique avec la machine Ero (incluant les temps indirects des diverses interventions citées précédemment) est de 5,6 heures/ha. Pour la machine Provitis, la taille nécessite une petite adaptation pour dissocier les sarments qui a été prise en compte. Le coup de main pour rendre les sarments « plus extractibles » du palissage a été chiffré à partir des temps de travaux de J.-M. Taureau qui a suivi les préconisations du cons-tructeur. Le temps de taille a été augmenté d’une heure par rapport à la modalité tout manuel où les sarments sont fortement débités. L’utilisation de cette machine ne nécessite aucune intervention de préparation. Après l’intervention mécanique, une finition manuelle du tirage dans les rangs est indispensable et ce travail représente 3 heures/ha. Au global, le chantier de tirage des bois mécanique avec la machine Provitis (incluant les temps indirects des diverses interventions citées précédemment) est de 5,8 heures/ha.
La mécanisation du tirage des bois très intéressante par rapport au tirage entièrement manuel
Une moindre différence de coût entre le tirage des bois mécanique et le prétaillage en tête
J. Deborde et M. Sabouret ont poussé plus loin la réflexion au niveau de la rentabilité du tirage des bois mécanique en réalisant une étude économique. Les machines à tirer les bois sont des équipements qui peuvent être utilisés sur une longue pé-
riode, entre la mi-novembre à la mi-mars quand la climatologie le permet. Dans un contexte d’hiver comme cette année avec des pluies quasi incessantes depuis deux mois, le spectre d’utilisation des maté-
riels est plus limité compte tenu de la portance très incertaine de nombreuses parcelles. La présence d’allées enherbées est le moyen de sécuriser les passages de tracteurs durant l’hiver. Les performances observées lors de l’essai laissent à penser que les machines permettent d’effectuer le tirage des bois d’une surface d’environ 3 ha par jour. Durant une saison, une utilisation sur une centaine d’hectares paraît réaliste. Dans l’étude économique, les calculs ont été réalisés pour une utilisation des deux machines à tirer les bois et de la prétailleuse sur 100 ha/an et avec une durée d’amortissement de 10 ans. La va-leur d’achat de la machine Provitis était de 22 000 € HT et celle de la machine Ero de 41 000 € HT. Un coût de la main-d’œuvre de 16 €/h (salaire + charges patronales) a servi de référence pour les calculs des coûts de l’ensemble des quatre modalités de l’essai.
Les résultats de l’étude confirment l’inté-rêt du tirage des bois mécanique par rapport au tirage des bois entièrement ma-
nuel. La compétitivité du prétaillage en tête associé au tirage des bois manuel est réelle par rapport à la modalité tout manuel. Le prétaillage en tête amène de la souplesse dans l’organisation des travaux d’hiver, mais cette pratique est plus coûteuse que le tirage des bois mécanique. L’écart de coût entre les deux modalités de tirage mécanique s’explique par la va-leur d’achat nettement plus élevée de la machine Ero. Le tirage des bois mécanique présente l’avantage de rendre l’organisation des travaux d’hiver beaucoup plus souple, dans la mesure bien sûr où la portance des sols permet l’accès aux parcelles. On peut penser que, dans un avenir proche, les performances des machines vont continuer à s’améliorer, ce qui permettra de rendre encore plus compétitive cette intervention mécanique.