Assurance gel-grêle : être attentif au contenu des contrats

5 mars 2019

La filière de production Charentaises vit une belle période ou le principal challenge est de produire des volumes abondants pour satisfaire des débouchés commerciaux porteurs. Dans une économie Cognac aussi prospère, on arriverait presque à oublier que les propriétés viticoles peuvent être des PME vulnérables quand leur niveau de production vient à chuter fortement. Le témoignage de Philippe Chotard, un chef d’exploitation qui a été confronté successivement, au gel de printemps 2017 et à la grêle en 2018 révèle une certaine fragilité économique même dans cette période faste. Le viticulteur a souhaité sensibiliser ses collègues sur l’intérêt d’avoir une réflexion approfondie en matière de choix de protection contre les aléas climatiques.

L’augmentation notable des charges de production depuis dix ans, le changement profond des structures humaines, les impératifs de gestion financières sont devenues des éléments clés pour piloter la gestion des exploitations viticoles. La bonne valorisation des débouchés Cognac incite à réaliser des investissements plus conséquents pour adapter les moyens de production aux enjeux volumiques et qualitatifs actuels et futur. D’une manière générale, l’outil de production viticole en Charentes connaît une phase de rénovation et d’expansion conséquente. Certains viticulteurs vivent cette période avec ambition et d’autres avec plus de sagesse car le passé a laissé  des traces indélébiles dans les mémoires. Faire preuve d’ambition tout en essayant de conserver une certaine prudence est un des fondements de la culture de Philippe Chotard, un viticulteur sérieux qui a été confronté à deux aléas climatiques successifs.

 

Un vignoble de 45 ha géré à la fois avec «ambition et sagesse»

 

            La SCEA des Piniers exploite un vignoble de 45 ha réparti à peu près de façon égale sur deux sites de production, l’un à Courpignac et l’autre à Mérignac. Philippe Chotard est à la tête la propriété depuis la fin des années quatre-vingt et son fils, Victor Chotard et sa compagne Thiphanie Gisclon l’ont rejoint depuis quelques années. L’exploitation située dans les Bons Bois est gérée avec beaucoup de sagesse car dans ce cru la stabilité des débouchés Cognac a été à une époque pas si lointaine assez aléatoire. Un tel vécu a amené le bouilleur de cru à sécuriser ses engagements commerciaux depuis presque 10 ans. Des contrats en eaux-de-vie nouvelles et rassises (une petite partie) représentant 70 à 80 % du potentiel de production ont été signés avec une grande maison et trois autres acteurs sérieux. L’économie de la propriété a connu une phase d’expansion depuis 10 ans qui a motivé le retour du fils de Ph Chotard en 2013. Des investissements raisonnés de renouvellement des plantations (1,5 ha/an) et d’aménagement des infrastructures de vinification ont été réalisés depuis 5 ans pour maintenir les capacités de production et satisfaire les attentes de la filière Cognac.

 

Le gel de 2017 a réduit la production moyenne à 5,5 hl d’AP/ha

 

            L’équilibre économique et financier sain de cette exploitation vient pourtant d’être déstabilisé par deux aléas climatiques successifs, un gel à 100 % en 2017 sur plus de la moitié de la surface et une grêle à 100 % sur la moitié de la surface en 2018. À l’issue des vendanges 2017, le site de production de Mérignac (22 ha) n’avait pratiquement pas produit et celui de Courpignac (23 ha) presque totalement épargné avait permis de remonter le niveau de productivité de l’ensemble du vignoble à 5,5 hl d’apr/ha. Ph Chotard, l’avoue, il n’était pas assuré contre le gel et la grêle mais le dernier sinistre climatique auquel l’exploitation avait été confrontée remontait au gel de 1991. La présence d’un stock d’eaux-de-vie de comptes jeunes libre constituait à ses yeux une assurance. Il a assumé la petite récolte 2 017 sur le plan économique grâce au soutien des acheteurs ont accepté d’acheter les volumes libres. « Après la petite récolte 2017, je me suis senti soutenu et accompagné par passer ce cap, difficile. Les acheteurs ont vraiment fait preuve de compréhension en décidant de nous acheter des volumes d’eaux-de-vie libres à la place des contrats habituels. Cela a permis de compenser la perte économique liée à une production déficitaire de 50 % par rapport à notre moyenne de production ».

 

Une grêle puissante en 2018 mais «on était assuré»

 

            La diminution du stock d’eaux-de-vie (d’environ 100 hl d’apr.) a convaincu ce viticulteur de chercher à signer pour la récolte 2 018 un contrat d’assurance gel-grêle. « Suite au gel de 2017, nous avions pu faire face à la situation en déstockant mais désormais ce bas de laine n’existait plus. J’ai donc décidé de contracter une assurance pour faire face à un éventuel nouvel aléa climatique. Après avoir pris divers contacts, un contrat multirisque climatique gel-grêle intégrant a priori une couverture l’îlot a été signé. Le coût de l’assurance pour les 45 ha de vignes s’élevait à 22 000 € HT soit 489 €ha. C’était pour moi un acte de gestion raisonné indispensable vis-à-vis de l’équilibre économique de la propriété ». L’initiative de ce viticulteur s’est révélée justifiée car il s’est produit lors du dernier cycle végétatif une nouvelle catastrophe. La grêle du 26 mai 2018 a totalement ravagé le site de production de Courpignac ou la récolte des 23 ha a été limitée à 15 hl d’apr. (9 ha de vignes non vendangés). Heureusement, le site de Mérignac a bien produit et au final, la production moyenne de la propriété s’établit à 7,5 hl d’apr. ha. Ph Chotard déjà moralement très éprouvé par la vision de 23 ha de vignes totalement détruits pensait néanmoins que son assurance allait l’aider à surmonter les conséquences économiques de ce second sinistre climatique.

 

Un doute s’est instaurée entre le type de franchise «achetée et venue»

 

            La première visite de l’expert aussitôt le sinistre a permis de confirmer les niveaux de dégâts entre 95 et 100 % sur la totalité des vignes de Courpignac et l’absence de dégâts à Mérignac. À l’issue de ce premier constat, l’expert a attiré l’attention du viticulteur sur la perspective d’un faible niveau d’indemnisation lié au fait que le contrat incluait une franchise de type globale fondé sur le rendement moyen de l’exploitation. Suite à cette discussion, Ph Chotard s’est replongé dans la lecture de son contrat d’assurance qui couvrait un capital de 11 000 € ha avec une franchise de 30 % a priori à la parcelle. Il a contacté début juin l’agent d’assurance local auprès duquel le contrat avait été contracté pour en savoir plus sur les modalités d’application de la franchise. Celle-ci allait-elle s’appliquer au niveau de chaque îlot ou à l’échelle de la totalité de la propriété ? La réponse de l’interlocuteur commercial a été que la franchise s’appliquerait en tenant de la production des divers îlots et non pas à partir du niveau de la production moyenne de l’exploitation.

 

Aucune indemnisation et un gros litige

 

            Malheureusement les deux visites suivantes de l’expert missionné par la compagnie d’assurance avant et après les vendanges (en novembre) ont confirmé l’absence d’indemnisation en raison justement du principe de la franchise calculée à partir du rendement de moyen de l’exploitation. Une telle situation a plongé Ph Chotard dans une profonde déprime. L’homme a le sentiment de s’être fait abuser par des interlocuteurs peu soucieux d’expliquer la nature des contrats qu’ils vendent mais par contre très intéressé pas le business. Les 23 ha touchés représentent un capital assuré de 253 000 € qui au vu des dégâts constatés lors de l’expertise aurait dû être potentiellement indemnisé à la hauteur de 170 000 €. Or, la compagnie d’assurances que la nature du contrat souscrit ne débouche aujourd’hui sur aucune indemnisation. Une telle perte financière et économique fait désormais du litige opposant actuellement ce viticulteur à l’agent d’assurance local et la compagnie d’assurances. En effet, les modalités du contrat remises à Ph Chotard ne font jamais clairement état du principe de franchise fondé sur le rendement moyen de la propriété. Des actions sont en cours sur ces aspects des choses et les conséquences qui en découlent.

 

Être attentif aux argumentations peu explicites des vendeurs

 

            Ph Chotard qui est un homme sensé et posé a vraiment le sentiment de s’être fait floué et son souhait est de témoigner pour sensibiliser ses collègues viticulteurs aux démarches de ventes des contrats d’assurance d’aléas climatique : « Le but de mon témoignage n’est nullement d’alimenter une polémique avec mon assureur. C’est un aspect des choses personnel qui désormais est rentré dans une phase procédurière qui n’intéresse que moi. Non, mon témoignage a pour but d’inciter mes collègues viticulteurs à porter un regard approfondi sur la nature des contrats que l’on leur vend. Après avoir souscrit l’assurance en fin d’hiver dernier, j’avais le sentiment d’avoir accompli une démarche constructive et cohérente pour protéger l’économie de notre propriété familiale. Aujourd’hui, je suis profondément vexé ! Ma principale erreur est sûrement d’avoir fait trop confiance à la bonne foi des vendeurs d’assurances ! En effet, l’argumentation commerciale associée à des propos adiminsitro-juridique des interlocuteurs de l’assurance a prévalu sur la qualité de la prestation et la transparence des modalités du contrat qu’ils m’ont proposé. On ne m’a pas expliqué les choses clairement sûrement dans le but de vendre un type de contrat sûrement très intéressant pour la compagnie d’assurances et son agent local. Je souhaite que cette triste expérience, aide mes collègues à faire preuve de beaucoup de vigilance avant de signer leurs contrats 2 019 d’ici la fin du mois de février ».

 

Les soutiens affichés du lendemain du sinistre ne sont que de vagues souvenirs

 

            Un autre volet des choses sur lequel Ph Chotard tient aussi à témoigner est le profond décalage entre les discours de soutien affichés aussitôt le sinistre par les représentants de l’administration, des élus locaux et régionaux, des syndicats professionnels, de la MSA, des banques et les faits et les actions concrètes six mois après. La série de mesure et d’aides proposées à l’époque, le décalage des cotisations MSA, les reports d’annuités bancaires, les achats de vendange fraîches, les aides de trésorerie se sont révélées inadaptées aux réalités de fonctionnement de cette propriété et sûrement aussi de beaucoup d’autres.  À l’échelle d’une propriété de 45 ha, les conséquences d’un deuxième sinistre climatique consécutif sont forcément lourdes. Bizarrement, le banquier se montre moins compréhensif ; le dialogue avec les organismes institutionnels (Syndicat, DDT, MSA) est à peine courtois alors que les indicateurs économiques de fond de l’exploitation sont bons. Ph Chotard avoue vivre très mal la vision à court terme limitée de son banquier avec lequel le dialogue est devenu rude. Ses interlocuteurs habituels si généreux encore il y a deux ans, ont perdu leur sens de l’écoute. Seul, les acheteurs d’eaux-de-vie font le maximum pour l’aider, mais les disponibilités  sont forcément limitées.

           

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