Le suivi de la maturité : Un acte oenologique important

9 octobre 2012

Depuis un certain nombre d’années, la juste appréciation de la qualité de la vendange dans les différentes parcelles d’une propriété à l’approche des vendanges apporte au vinificateur une connaissance du potentiel de la qualité qui lui permet de mieux appréhender les vinifications. Le traitement d’une vendange de nature équilibrée, très mûre, sous-mûrie ou parfois dégradée par le botrytis nécessite des approches très différentes dont l’efficience sera en grande partie due à la capacité du vinificateur à avoir anticipé les choses. C’est pour cette raison que la réalisation d’un suivi régulier de la maturation est devenu un acte œnologique à part entière. En 2012, le déroulement atypique du cycle végétatif très humide et pluvieux jusqu’à la mi-juillet a eu une incidence directe sur la charge de vendange. Un débourrement très moyen, des attaques de mildiou puissantes et une floraison étalée et perturbée ont favorisé l’hétérogénéité et réduit les niveaux de rendements. La production de bon nombre de parcelles s’en trouvent affectées alors que d’autres portent une charge normale, voire élevée. Ensuite, la sécheresse persistante depuis la fin juillet n’a pas permis de lisser cette hétérogénéité. La véraison s’est étalée dans le temps et un net décalage de stade des grappes est observée. Les parcelles à petits rendements évoluent bien sûr plus vite et seront bonnes à récolter au moins 8 à 10 jours avant celles dont les rendements sont généreux. L’hétérogénéité est aussi présente au sein des mêmes souches puisque des raisins bien sucrés en côtoient d’autres encore verts. L’état sanitaire est pour l’instant bon mais le stress hydrique actuel a sûrement fragilisé les pellicules des baies qui résisteront mal à un gonflement rapide des baies suite à d’éventuelles pluies tardives. Enfin, les effets terroirs et entretien agronomique des parcelles influencent aussi fortement l’évolution des raisins dans ce contexte de sécheresse.

 

 

La mise en place d’un suivi de la maturité est un message technique fort depuis quelques années, mais un certain nombre de viticulteurs en sous-estime encore l’intérêt. Pourtant, en 2011, les propriétés qui avaient fait ce travail ont été récompensées de leurs efforts.La récolte 2012 s’annonce beaucoup plus tardive, moins généreuse et encore plus hétérogène. Dans de telles conditions, « aller voir comment les raisins mûrissent dans les parcelles est un acte essentiel pour ensuite réussir la vinification ». Etre attentif au contenu qualitatif des baies dans les parcelles doit devenir un acte œnologique aussi important que la maîtrise de l’hygiène ou le pilotage des fermentations.

Avant de « lancer » les machines à vendanger dans les parcelles, il est capital de connaître la structure qualitative des raisins.

La mise en place d’un suivi de l’évolution de la qualité des raisins dans les trois semaines précédant la récolte à l’échelle de chaque propriété doit devenir plus systématique. Les informations de suivi de maturité émanant de sondages régionaux (la Station Viticole du BNIC, les Chambres d’agriculture, l’IFV, les œnologues de terrain) constituent des sources d’informations intéressantes pour apprécier la tendance « maturité du millésime » à l’échelon régional, mais elles sont insuffisantes pour donner « le top départ » du timing de récolte idéal de cha que propriété. Chaque viticulteur doit se tenir informé des tendances régionales d’évolution de la maturation pour justement aller voir comment mûrissent ses raisins dans les parcelles.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Pendant la phase de maturation, les raisins subissent une transformation importante de nature. Leur état de maturité à la récolte joue un rôle très important sur la qualité finale des productions. Le contenu qualitatif des baies évolue profondément entre le début de la véraison et la pleine maturation. C’est pendant cette courte période que « se fait et se défait » la qualité d’un millésime. Se donner les moyens à l’échelle d’une propriété de connaître les potentialités qualitatives des différents îlots de terroir est fondamental pour cueillir les raisins au moment optimum. Cela nécessite un investissement personnel important des viticulteurs pour réaliser des contrôles de maturité. C’est le seul moyen fiable d’appréhender le contenu des raisins avant de les récolter.

 

 

 

L’évolution du contenu des baies au cours de la maturation

Le raisin est un fruit pulpeux sensible qui réagit fortement aux aléas de la climatologie à partir de la véraison. Les excès d’eau, de chaleur, de fraîcheur ou, à l’inverse, la clémence et la régulation du climat interfère fortement sur le contenu qualitatif des baies.

p13.jpgDurant la maturation, l’augmentation de la teneur en sucres dans les baies s’a compagne d’autres transformations chimiques qui contribuent fortement à l’équilibre qualitatif final des productions. Au fur et à mesure que mûrissent les baies de raisins, elles deviennent aussi fragiles aux agressions extérieures et tout particulièrement aux attaques de botrytis. La maîtrise qualitative de la maturation englobe à la fois la concentration des baies en sucres, arômes, polyphénols, azotés, précurseurs de saveurs herbacées… et leur état sanitaire.

Comme dans tous les fruits, les baies sont sensibles durant leur maturation à diverses altérations dont la plus préjudiciable est la pourriture grise. Le contenu des baies est naturellement protégé par leurs pellicules dont la résistance est limitée. Les attaques de pourriture peuvent détruire rapidement les pellicules quand les conditions climatiques sont favorables. Plus les baies approchent la pleine maturation, plus elles sont sensibles aux attaques de botrytis. Les dégâts peuvent être spectaculaires et, après une séquence pluvieuse de seulement une semaine, les raisins proches de la maturité peuvent passer de l’état sains à botrytisés à plus de 10 %. Une baie altérée par le botrytis a perdu son contenu qualitatif et elle constitue un danger pour les fractions de raisin encore saines lors des vinifications.

Les éléments permettant d’apprécier l’évolution de la maturation

Au cours du processus de maturation, l’évolution qualitative des raisins peut être quantifiée en appréciant le degré potentiel, l’acidité et le pH, l’état sanitaire, les arômes et la matière colorante, la richesse azotée des moûts et la qualité gustative des baies.
Réaliser 3 contrôles de maturation au niveau de sa propriété avant les vendanges représente un acte œnologique important.
Utiliser la fiche de suivi de maturation détachable présente dans le « Guide de la vinification 2012 ».

Le degré potentiel

Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements par des mesures avec des réfractomètres ou des densimètres.
L’évolution du TAV potentiel est directement liée au climat d’août et de septembre.
L’acidité totale, le pH, l’acide malique

L’évolution de l’acidité totale est un élément important, conférant aux vins une charpente qui joue un rôle dans leur aptitude à se conserver et sur le plan gustatif.
Les niveaux d’acidité trop élevés à la récolte traduisent la sous-maturité et à l’inverse les seuils trop bas attestent d’une sur-maturité. Trouver le juste équilibre en matière d’acidité est essentiel pour déclencher la récolte.
Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements.
Mesures de l’acidité totale sur l’exploitation avec de petits équipements ou par un laboratoire d’œnologie de proximité.
Les dosages du pH et de l’acide malique sont réalisés dans des laboratoires.

L’état sanitaire

p15.jpgLe développement du botrytis sur les raisins au cours de la maturation engendre toujours des déviations qualitatives majeures : pertes d’arômes, fragilité de la couleur, sensibilité des vins aux altérations bactériennes, perte de rendement…
Le botrytis et les pourritures associées quand elles se développent au cours de la maturation sont un danger majeur pour la qualité.
La réalisation d’observations visuelles hebdomadaires durant les contrôles de maturité est importante.
Comptages sur les échantillons de baies prélevées pour les contrôles de maturation et sur des souches identifiées.
Test laccase, dosage de l’acide gluconique réalisés sur les moûts et utilisation de kit de dosages rapides (bandelettes colorimétriques)..

Les arômes et la structure phénolique

Cépages blancs et rouges aspect visuel de la couleur des baies, des pédicelles et des rafles.
Plus la couleur des baies s’intensifie, plus leur maturation progresse :
– en blanc, on passe de la teinte verte au jaune parfois bien doré ;
– en rouge, la teinte des baies s’intensifie au cours des semaines.

La dégustation des baies :
– en blanc et en rouge, les saveurs herbacées diminuent progressivement et les saveurs de fruit s’intensifient ;
– en rouge et en blanc, la diminution progressive d’intensité des notes d’astringence liées aux pépins.

La matière colorante :
– mesures analytiques de la concentration en matière colorante et d’extractibilité (pépins et pellicules) réalisées dans des laboratoires d’œnologie ; une à deux analyses en fin de maturation.

La richesse azotée des moûts

Au dernier contrôle de maturité, le dosage de l’azote assimilable apporte une information intéressante sur le « réservoir » d’aliments pour les levures.
Les œnologues de terrain proposent des suivis de maturation complets intégrant un dosage de l’azote assimilable lors du dernier prélèvement.

 

 

 

 

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