La flavescence dorée dans la région de Cognac a connu en 2009 une nette recrudescence alors que, depuis deux à trois ans, la situation semblait dans une phase descendante. En effet, la maîtrise des anciens foyers avait permis d’envisager l’engagement dans des procédures de sortie du périmètre de lutte obligatoire d’un certain nombre de communes. Des résultats encourageants avaient été localement obtenus mais, depuis, la forte nuisibilité de la FD semble avoir été un peu oubliée par beaucoup de viticulteurs de la région situés à l’intérieur et à l’extérieur des périmètres de lutte obligatoire. L’état des lieux à l’issue du millésime 2009 peut être qualifié de scénario catastrophe. Sébastien Bélis, le technicien de l’antenne de Cognac du SRAL Poitou-Charentes, considère que la flavescence dorée connaît une nouvelle phase d’expansion très préoccupante compte tenu d’une part de la découverte de deux nouveaux foyers de forte intensité dans des zones viticoles importantes et d’autre part de la difficulté à savoir si le constat de la situation en 2009 reflète réellement l’aire de développement de la maladie. Le travail de prospection réalisé par les techniciens à l’automne dernier bien qu’ayant été plus important n’a sûrement pas été suffisamment exhaustif pour affirmer que d’autres zones du vignoble régional ne sont pas infestées. L’inquiétude est donc grande pour la pérennité du vignoble car plus d’un hectare sur deux de la région délimitée est concerné par la FD.
Une capacité de nuisance rapide et importante si les foyers ne sont pas détectés précocement
Le jeune technicien ne cache pas sa déception et son pessimisme pour les deux ou trois années à venir. En effet, globalement dans les zones situées dans le périmètre de lutte obligatoire 2009, les prospections volontaires des viticulteurs pour repérer des ceps isolés ont été moins importantes. Cette insuffisance de remontées d’informations dans les zones du périmètre de lutte obligatoire n’a pas permis d’établir un état des lieux réellement objectif. La dégradation de la situation a été révélée grâce à la mise en œuvre de moyens humains supplémentaires au niveau des techniciens régionaux, quatre vacataires encadrés par les équipes du SRAL et de la FREDON. Cela a permis de réaliser des prospections sur plus de 6 000 parcelles dans le périmètre de lutte obligatoire mais aussi en dehors au hasard de passages dans le vignoble.
Les résultats de ce travail ont été malheureusement couronnés de succès comme l’explique S. Bélis : « Au cours de l’automne 2009, on a mobilisé plus de moyens pour chercher des symptômes et fatalement on a découvert plus de foyers. Ce constat somme toute logique atteste de la gravité de la situation d’autant que les nouveaux foyers découverts ne se limitent pas à quelques ceps touchés. Il y a des parcelles si infestées qu’elles vont devoir être arrachées. Cela signifie que la maladie présente dans les parcelles depuis plusieurs années n’a pas été détectée. L’inoculum a pu être diffusé librement dans l’environnement proche et c’est très inquiétant pour l’avenir. Un seul cep de FD non détecté une année dans une zone exempte de protection insecticide peut engendrer 10 ceps contaminés l’année suivante, puis 100 et 1 000 deux à trois ans plus tard. Chaque cep contaminé par l’agent responsable, le phytoplasme, est perdu, d’où l’importance d’essayer de détecter les foyers précocement. La flavescence dorée est une maladie de quarantaine ancienne implantée dans la région depuis plus de 10 ans et pourtant beaucoup de viticulteurs en sous-estiment encore la capacité de nuisance. La pérennité des parcelles est en jeu ! »
Une responsabilité individuelle et collective des viticulteurs pour une lutte globale contre le vecteur et l’inoculum
Dans les périmètres de lutte obligatoire, la seule réalisation d’une protection insecticide n’est pas une réponse suffisante pour lutter efficacement contre cette maladie. Eliminer le vecteur, la cicadelle de FD ne représente qu’un volet de la lutte. Il ne faut pas penser que la mise en œuvre des traitements insecticides est suffisante pour éradiquer l’expansion de la maladie. Lutter efficacement et durablement contre la flavescence dorée repose à la fois sur la maîtrise du vecteur de la maladie et l’élimination de l’inoculum dans les parcelles. Il faut absolument détecter les souches contaminées qui sont porteuses des agents responsables de la maladie, les phytoplasmes présents dans les vaisseaux du liber et qui circulent dans toute la plante (des feuilles jusqu’aux racines). Lorsqu’un cep est contaminé, les symptômes peuvent apparaître dès l’année suivante ou plusieurs années après. Le travail de prospection pour rechercher les ceps extériorisant des symptômes dans les zones contaminées, limitrophes et aussi ailleurs doit être effectué chaque automne d’une manière exhaustive sur l’ensemble des surfaces et pendant plusieurs années. Parcourir tous les rangs de vignes d’une propriété début septembre est souvent perçu par les viticulteurs comme un travail fastidieux et long. C’est vrai que cela demande du temps mais c’est le seul moyen de repérer les souches porteuses de la maladie et ensuite de détruire l’inoculum en procédant à l’arrachage de ces ceps. Les symptômes les plus caractéristiques apparaissent dans le mois précédent les vendanges, lorsque l’aoûtement des bois est suffisamment avancé. Les feuilles jaunissent, s’enroulent et prennent un aspect « gaufré ». Le jaunissement des feuilles est caractéristique car contrairement à des carences (chlorose, carence en bore…), il commence par les nervures et ensuite gagne le limbe. Les grappes disparaissent ou se dessèchent au fil du déroulement du cycle végétatif. Cela peut commencer au printemps au moment de l’apparition des inflorescences et se poursuit tout l’été jusqu’à la veille de la récolte. En été, la rafle se dessèche et les baies flétrissent. Le symptôme le plus caractéristique concerne les sarments qui ne s’aoûtent pas du tout. Les rameaux atteints restent totalement verts jusqu’à leur base, ce qui les rend facilement repérables dans le reste de la végétation. Le souhait de S. Bélis est de créer dans le courant de l’été 2010 une vaste campagne d’information pour aider les viticulteurs et les techniciens à mieux reconnaître les symptômes. Lutter contre la flavescence dorée nécessite à la fois un engagement personnel de chaque viticulteur et une adhésion collective à un projet de lutte global à l’échelle de chaque propriété et d’un secteur entier. Seul un sens de la responsabilité à la fois personnel et collectif des viticulteurs peut permettre de construire une stratégie de lutte globale susceptible d’endiguer de façon durable cette maladie. L’enjeu est capital pour préserver la pérennité collective du potentiel viticole du vignoble régional.
Deux nouveaux foyers de fortes intensités découverts au cœur de zones viticoles importantes
Deux nouveaux foyers de fortes intensités ont été détectés à l’automne dernier dans des secteurs de la région à fort potentiel viticole. Le premier, situé entre Pons et Saint-Genis-de-Saintonge, concerne les communes de Belluire, Champagnolle, Clion, Givrezac, Mosnac, Saint-Genis-de-Saintonge, Saint-Palais-de-Phiolin et Saint-Quentin-de-Ransannes. L’intensité des dégâts rend nécessaire l’arrachage de 3 parcelles concomitantes dont l’une est touchée à plus de 80 %.
Un tel niveau d’infestation signifie que la maladie était présente depuis trois à quatre ans dans ces zones. Quelques viticulteurs avaient observé des phénomènes de jaunissement en fin de saison depuis 2 ans, sans en avoir trouvé la cause. Aucune prospection n’avait été réalisée les années passées dans cette zone, ce qui laisse à penser qu’en 2010, d’autres ceps isolés et des foyers plus importants pourraient logiquement être découverts. Le deuxième foyer identifié en 2009 touche le vaste secteur viticole situé entre Burie, Asnières-la-Giraud et Matha (la jonction entre les deux foyers de Burie et d’Asnières-la-Giraud). Les communes contaminées sont celles d’Asnières-la-Giraud, Villars-les-Bois, Brizambourg, Saint-Hilaire-de-Villefranche, Nantillé, Saint-Même, Aujac, Thors, Mons, Courcerac, Matha, Sonnac, Mesnac. Elles vont être encadrées par un vaste périmètre de communes de sécurité dont l’importance concernera presque toute la zone viticole du Pays bas.Les premiers symptômes de ce grand secteur, qui ont été identifiés par un technicien de distribution, ont ensuite permis à l’automne dernier de réaliser de nombreuses prospections. L’ampleur des dégâts dans certaines communes (des parcelles devant être arrachées à Burie, Villars-les-Bois et Thors) atteste aussi de l’antériorité de la présence de la maladie. Dans le courant du mois de septembre dernier, des réunions d’information avec les viticulteurs des différentes communes ont été organisées dans l’urgence pour les aider à reconnaître les symptômes. L’enjeu dans ce secteur est important compte tenu à la fois des surfaces importantes en vignes et de la présence de nombreuse activités de production de plants. Les pépiniéristes pratiquent une lutte rigoureuse (obligatoire et contrôlée par France-Agrimer) contre la flavescence dorée dans les parcelles de prémultiplication, dans les pépinières et sur leur propriété, mais l’inquiétude provient de leur entourage où jusqu’à présent la lutte insecticide et les prospections d’automne n’étaient pas réalisées systématiquement.
Une recrudescence dans divers secteurs de la région
Outre la découverte de ces nouveaux foyers, il semble aussi que la maladie connaisse un regain d’intensité dans les zones déjà touchées à leur proximité. Un autre petit foyer (de seulement quelques souches) a été découvert sur la commune de Saint-Laurent-de-Cognac et les prospections effectuées sur les communes avoisinantes de Louzac, Javrezac, Bréville, Cognac et Cherves-Richemont n’ont pas révélé d’autres foyers. Dans le sud Charente, deux nouveaux foyers ont été identifiés à Saint-Souline et à Saint-Laurent-des-Combes grâce à des prospections volontaires des viticulteurs de ces communes dans le cadre d’une action collective.
Sur la commune de Barret (déjà contaminée en 2009), un particulier possédant 0 ha 20 de vigne fortement infesté va devoir arracher cette parcelle. Ce petit îlot côtoyait des parcelles appartenant à un viticulteur qui depuis deux ans avait repéré des symptômes de FD dans une vigne adjacente. C’est en faisant des prospections dans ses propres parcelles à l’automne dernier que ce viticulteur a trouvé l’origine des dégâts qu’il observait.
Cette situation atteste du fait que la moindre faille dans le dispositif de lutte collectif peut mettre en péril tous les efforts précédemment mis en œuvre. Messac et Lachaise, deux communes qui devaient sortir en 2010 du périmètre de lutte obligatoire, se retrouvent contaminées.
Tout à fait dans le sud de la Charente-Maritime, le secteur de Mirambeau, où avait été découvert un foyer conséquent il y a deux ans, continue d’être préoccupant. En effet, quelques ceps contaminés ont été découverts sur la commune de Saint-Sorlin-de-Conac, ce qui tend à prouver que la FD n’est pas encore dans une phase de réelle régression. L’inquiétude dans ce secteur du vignoble charentais est renforcée par la proximité de surfaces en vignes conséquentes sur le nord Blayais, elles aussi touchées par la maladie. Les deux vignobles limitrophes représentant un vaste territoire viticole qui n’avait pas jusqu’à présent harmonisé leurs méthodes de luttes, notamment au niveau des stratégies de couvertures insecticides. Apparemment, un dialogue technique est en cours entre les équipes du SRAL Poitou-Charentes et Aquitaine pour proposer des méthodes de lutte plus harmonisées. Autre sujet de préoccupation, une souche de flavescence dorée a été identifiée dans l’île de Ré, ce qui va entraîner la mise en place en place d’un périmètre de lutte obligatoire sur plusieurs communes. Compte tenu de la proximité de l’ïle d’Oléron, des prospections ont été réalisées (à la fois dans les parcelles cultivées et dans des vignes abandonnées) sur cette zone viticole et elles n’ont pas révélé la présence de symptômes.
Un périmètre de lutte obligatoire proche de 40 000 ha de vignes
Le périmètre de lutte obligatoire (PLO) en 2010 va donc connaître une nette extension avec 38 344 ha concernés alors qu’en 2009, il ne concernait que 31 520 ha. Pratiquement 1 ha sur 2 du vignoble régional est concerné par la flavescence dorée. La situation s’est donc nettement dégradée en 2009, après une phase de régression régulière depuis 2006. Pendant cette période, les surfaces rentrant dans le PLO s’étaient stabilisées autour de 2 000 ha/an et celles qui en sortaient étaient bien supérieures. Au global, l’aire d’expansion de la FD dans la région de Cognac avait diminué de 11 700 ha entre les campagnes 2006 et 2009 : un résultat très encourageant dont on peut penser, avec le recul, qu’il masquait sûrement des failles dans le dispositif de surveillance de la maladie. Tous ces efforts d’assainissement sont quasiment anéantis au cours de la seule année 2010 puisque le PLO va augmenter de 6 824 ha et son accroissement devrait malheureusement se poursuivre en 2011. En effet, S. Bélis se montre assez pessimiste pour les deux campagnes à venir car il est probable que les nouveaux foyers de Pons/Saint-Genis-de-Saintonge et de Matha s’étendent pour le premier vers Cognac, Archiac et Salles-d’Angles et pour le second vers le nord et l’est.
Pas assez de prospections spontanées et une couverture insecticides pas toujours bien réalisée
La dégradation de la situation en 2010 suscite deux réflexions importantes : « L’insuffisance des recherches de ceps contaminés par les viticulteurs chaque automne est une réalité et ensuite la qualité des couvertures insecticides dans les périmètres de lutte obligatoire n’est pas parfaite. » Quand les techniciens abordent ce sujet sensible avec les viticulteurs, les questionnements sont nombreux car l’époque est à la réduction de l’utilisation des intrants phytosanitaires.
Il est indéniable que la très grande majorité des viticulteurs situés dans les PLO réalisent les traitements, mais leur positionnement en terme de dates d’application n’est peut-être pas parfait. On cherche souvent à associer la couverture insecticide à un traitement anti-mildiou de couverture générale, d’où un décalage de quelques jours (et parfois d’une petite semaine) qui représente une faille dans le dispositif de lutte collectif. Le respect des dates des deux premières applications d’insecticides est prioritaire car il correspond à l’éclosion des cicadelles. Le fait aussi que les insecticides homologués sur la cicadelle de la grillure ne soient pas efficaces sur la cicadelle de la FD peut également conduire à certaines erreurs dans le choix des produits utilisés. Ensuite, les symptômes de flavescence dorée sont encore méconnus par de nombreux viticulteurs et certains techniciens de la distribution, ce qui ne facilite pas l’identification des ceps isolés au cours des travaux de fin d’été et lors de visites ponctuelles des parcelles.
Le degré de sensibilisation était retombé depuis quelques années
Peut-on nier que le niveau de sensibilisation autour de la FD des viticulteurs et de l’ensemble des prescripteurs au cours des dernières années a baissé ? Non, il est indéniable que l’actualité vigne s’est concentré autour d’autres problèmes importants comme le mildiou en 2007 et en 2008 et les maladies du bois. L’une des spécificités de la flavescence dorée est que c’est une maladie sournoise touchant à la pérennité du vignoble mais dont le développement apparaît sporadiquement.
Elle apparaît dans un secteur de 5 à 20 communes et localement une mobilisation pour la lutte se met en place de façon sérieuse pendant deux, trois, quatre ans ; puis intervient une phase de régression et naturellement la préoccupation FD redevient plus secondaire. Dans les zones jusqu’à présent considérées comme indemnes, les viticulteurs ont l’impression que la maladie ne les concerne pas, d’où leur moindre degré de sensibilisation aux informations sur la connaissance des symptômes et sur les opérations de prospections à caractère préventif. La mobilisation n’est pas là !
L’un des grands enseignements de la recrudescence de la FD en 2010 est justement que l’on ne combatte pas la maladie par intermittence et de façon isolée.
S. Bélis estime qu’il faut que la FD redevienne une problématique technique de premier plan dans l’ensemble de la région de Cognac et surtout que cela perdure dans le temps. Il avoue aussi humblement que les moyens investis par le « staff technique » régional n’ont sûrement pas été suffisants et que les problèmes de fonctionnement de l’antenne SRPV de Cognac, devenu SRAL au cours des cinq dernières années, n’ont pas facilité les choses.
2010 , une année pour construire une stratégie de lutte pérenne
Son souhait est d’aborder les choses différemment en 2010 et dans le moyen terme. Un certain nombre de décisions vont être prises au niveau des arrêtés préfectoraux pour renforcer l’évaluation de la situation dans les communes qui s’engagent dans des démarches de retrait. La qualité de l’appréciation de la situation dans ces zones est un problème majeur. Les communes souhaitant s’engager dans un processus de retrait à partir de 2010 devront s’investir dans des démarches de prospection systématiques pendant plusieurs années et le retour au statut de communes non contaminées ne pourra être envisagé qu’après trois campagnes sans aucun symptôme.
Autour des communes nouvellement contaminées, la mise en place de communes de sécurité deviendra systématique. Les communes considérées comme encore saines mais limitrophes des communes de sécurité feront l’objet à l’automne prochain d’une communication spécifique pour inciter les viticulteurs à réaliser des prospections. Ensuite, le renforcement des moyens d’information autour de la flavescence dorée doit devenir une cause régionale prioritaire associant tous les acteurs techniques, le SRAL, les Chambres d’agriculture, la Station Viticole du BNIC, le FD Ceta, l’IFV et le Syndicat des pépiniéristes.
S. Bélis considère que la mise en place d’une stratégie de communication importante et pérenne à l’échelle de toute la région est le seul moyen de créer une sensibilisation collective. Les contacts en cours entre tous les acteurs techniques vont sûrement déboucher sur des initiatives concrètes dès le printemps prochain.
L’agent responsable de la maladie : un phytoplasme
* Présent dans les vaisseaux du LIBER des ceps atteints, et capable de circuler jusqu’aux racines du porte-greffe.
* Donnant en général des symptômes un an après la contamination mais pouvant « incuber » plusieurs années avant d’extérioriser la maladie.
* Dissémination assurée par un vecteur, la cicadelle de la flavescence dorée, qui possède une grande mobilité.
* La maladie se généralise par taches qui s’étendent dans la parcelle puis gagnent les parcelles voisines.
* La progression suit souvent le sens des vents dominants.
* D’UN VIGNOBLE à l’autre, sur de grandes distances, les plants peuvent transporter la maladie.
* Les porte-greffes contaminés montrent peu ou pas de symptômes mais constituent des porteurs permanents apparemment « sains » capables de contaminer les plants après greffage.
* Les vignes mères de greffons, de porte-greffes et les pépinières doivent être traitées contre les CICADELLES depuis 1987 (arrêté du 17 avril 1987). Des contrôles sont effectués chaque année par les services de France Agrimer dans les pépinières et les parcelles de multiplication pour s’assurer de la réalisation des traitements insecticides et de l’absence de flavescence dorée.
* Le traitement à l’eau chaude des plants permet d’avoir une meilleure garantie d’absence du phytoplasme.
La profession doit se mobiliser
Philippe Guélin, viticulteur à Pérignac et président de la commission technique du BNIC, est particulièrement inquiet vis-à-vis de la recrudescence de la flavescence dorée. La forte extension de la maladie en 2009 lui laisse à penser que dans les périmètres de lutte obligatoire, beaucoup de viticulteurs réalisent peu de prospections dans les vignes chaque automne sous prétexte qu’ils appliquent une couverture insecticide sérieuse. Or, ce type de comportement n’est pas une démarche suffisante pour éradiquer la maladie du vignoble charentais.
Aller dans les vignes pour éradiquer le problème « à la source »
Les traitements insecticides n’éliminent que le vecteur alors que le vivier de ceps contaminés reste intact dans les parcelles. La solution pour éradiquer la maladie est de traiter le problème à la source en éliminant les ceps porteurs des phytoplasmes. Ph. Guélin en tant que viticulteur est aujourd’hui convaincu que chaque année, début septembre, la recherche des symptômes doit devenir une intervention systématique : « En septembre, il me paraît important de dégager un peu de temps sur nos propriétés pour aller dans les vignes pour repérer les ceps contaminés. Parcourir les rangs demande du temps, c’est aussi fatigant mais c’est indispensable. A l’échelle de mon vignoble de 35 ha, faire des prospections nécessite une petite semaine de travail. Je pense que le fait d’utiliser un quad pour circuler dans les rangs me paraît être une solution plus rationnelle. L’autre problème se situe au niveau de la reconnaissance des symptômes qui sont encore méconnus de beaucoup de viticulteurs. L’extériorisation de symptômes dans des vignes très jeunes suscite aussi des interrogations au niveau des risques de transmission par les plants de vignes. La mise en œuvre du traitement à l’eau chaude est une technique dont l’intérêt a été validé pour éliminer les phytoplasmes au niveau des greffons, des porte-greffes et des greffés soudés. Les réticences des pépiniéristes liées à des taux de reprises moindres sont justifiées et c’est pour cette raison que l’IFV a lancé un nouveau programme d’études sur de nouvelles procédures de mise en œuvre du traitement à l’eau chaude. Etre sûr de mettre en terre des plants sains serait déjà à mon sens un progrès. A court terme, il y a un gros travail d’information à faire autour de la FD pour mobiliser l’énergie des viticulteurs dans la lutte. J’ai le sentiment que la pérennité du vignoble régional est en jeu. L’interprofession doit se mobiliser pour faciliter les actions techniques et la mise en œuvre de démarches de communications dynamiques avec les autres organismes. »
Travailler d’autres pistes de recherches pour maîtriser les cicadelles de façon plus respectueuse
L’autre sujet d’inquiétude soulevé par certains viticulteurs avec la FD est la protection insecticide systématique qui est incontournable dans le périmètre de lutte obligatoire mais difficilement compatible avec les nouvelles exigences de réduction des intrants phytosanitaires. Ph. Guélin considère qu’à court terme, aucune autre alternative que les traitements insecticides ne permet de contrôler les vols de cicadelles mais, à plus long terme, il est convaincu que d’autres pistes de lutte doivent être explorées : « Vouloir se passer d’une couverture insecticide quand une propriété est située dans le périmètre de lutte obligatoire est aujourd’hui illusoire. Par contre, s’interroger pour essayer de trouver d’autres moyens de contrôler les vols de cicadelles me paraît être une voie incontournable. Pourquoi ne pas rechercher des prédateurs susceptibles de limiter les populations, ou s’intéresser à l’implantation de plantes répulsives, faire une expertise botanique du vignoble, travailler au niveau de la vie biologique des sols… Il y a de nombreuses pistes à explorer en s’inspirant peut-être des méthodes de travail développées dans le maraîchage bio. Le retour en force de la flavescence dorée doit nous amener à construire dès maintenant des programmes innovants sur tous ces sujets. »
" La Flavescence Dorée : Je Ne l’Ai Pas Vu Arriver »
« La flavescence dorée, je ne l’ai pas vu arriver dans une de mes parcelles et en deux ans elle a fait des ravages considérables. » Ces propos sont ceux d’un viticulteur de la région délimitée, M. P. X., situé jusqu’en 2009 dans un secteur non contaminé. Son témoignage anonyme très courageux atteste de la rapidité de développement de la maladie et de la difficulté à identifier les symptômes. Il a souhaité parler dans nos colonnes du vécu de sa mauvaise expérience pour sensibiliser ses collègues viticulteurs aux conséquences de la flavescence dorée. L’anomalie de développement végétatif d’une dizaine de pieds observée et repérée en 2007 s’est transformée en scénario catastrophe pour une seule raison : une insuffisance d’information sur cette maladie.
Au moment des relevages, fin juin 2007, P. X. avait bien remarqué dans une parcelle de 15 ans vigoureuse d’environ 1 ha, une dizaine de souches dont les grappes avaient flétri aussitôt la floraison. Bien que les ceps aient eu à cette époque de l’année une apparence végétative normale avec des rameaux puissants et des feuilles bien vertes, une disparition aussi précoce des jeunes grappes lui a paru bizarre. Ce n’était pas du mildiou, et pas non plus un phénomène de coulure habituel. La seule explication qu’il lui a paru plausible était liée au fait que ces souches se trouvaient dans un endroit particulièrement humide de la parcelle propice peut-être au développement de la nécrose bactérienne. Le printemps et le début d’été 2007 humide et pluvieux venaient aussi cautionner cette hypothèse. Il a même fait part de sa découverte à un technicien de distribution qui, au vu de la description des symptômes, l’a conforté dans le pronostic de dégâts liés à la nécrose bactérienne.
« J’ai repéré une anomalie végétative mais je n’ai pas pensé à la FD »
Au moment des vendanges 2007, la petite dizaine de souches suspectées présentait un léger aspect foliaire plus jaune mais le niveau de rendement de la parcelle largement supérieur à 100 hl/ha a calmé cette inquiétude. Au moment du débourrement 2008, des traitements spécifiques au cuivre contre la nécrose bactérienne ont été effectués et à l’approche de la floraison, P. X. a surveillé de près la parcelle. Fin juin, le constat est devenu alarmant car un nombre plus important de souches avait des raisins qui flétrissaient. Plus de 20 % des ceps de la parcelle avaient des raisins qui flétrissaient à partir du stade grain de la taille d’un petit pois. La protection cuprique ne semblait pas donner satisfaction et le viticulteur, plus inquiet, a repéré les ceps perdant des raisins. Il a continué d’observer leur développement tout au long de l’été : « Jusqu’au 15 août, les ceps avaient un aspect végétatif normal bien vert et ensuite, en quelques semaines, les feuilles de certains rameaux ont commencé à prendre une couleur jaune citron. Sur ces souches à la fin septembre, 25 % des sarments n’aoûtaient pas et l’ensemble de la végétation présentait un aspect jaune qui n’était pas vraiment flagrant et dominant. La description de l’intensité des symptômes aux techniciens de la coopérative a encore renforcé mon inquiétude sans pour autant remettre en cause le diagnostic d’origine de la nécrose bactérienne. Lors des vendanges 2008, le rendement de la vigne, bien qu’inférieur à 100 hl/ha, était tout de même convenable. Aussitôt la récolte, un traitement cuprique sur l’ensemble de la végétation a été réalisé. Mon inquiétude étant de plus en plus grande, j’ai suivi de près la parcelle dès le débourrement 2009. Au moment de la floraison, beaucoup de raisins ont commencé à disparaître et il était alors flagrant que je n’avais pas affaire à de la nécrose bactérienne. A partir de la mi-août, beaucoup de souches se sont mis à jaunir et c’est là que j’ai pris contact avec l’équipe Sral de Cognac qui m’a tout de suite parlé de flavescence dorée. Les analyses ont ensuite confirmé les symptômes visuels. Mon grand regret aujourd’hui est de n’avoir pas été en mesure de connaître les symptômes de la maladie car, dès 2007, j’avais repéré l’anomalie végétative. Mon manque d’information m’a fait perdre deux années cruciales et le potentiel de production d’une parcelle entière. En faisant part de ce triste constat, je souhaite inciter les autres à penser au risque flavescence dorée quand quelques souches prennent un aspect jaunissant à la mi-septembre ».
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