« Viti Essentia » : un concept de protection à base d’extraits de plantes

17 janvier 2018

 L’histoire du développement du nouveau concept de protection contre le mildiou et l’oïdium Vitis-Essentia est l’aboutissement d’une prise de conscience de deux hommes connectés aux réalités du vignoble, un viticulteur ingénieux, François de Conti et un oenologue de terrain expérimenté, Julien Frumholtz. Le partage des mêmes objectifs de production en termes de qualité et d’économie et la synergie des compétences des deux acteurs ont débouché sur un projet ambitieux qui passe maintenant du stade de l’expérimentation de terrain à la phase de validation scientifique et de construction industrielle.

      Tout a commencé quand F de Conti et son épouse ont acquis en 1999 une propriété de 27 ha dans le vignoble de Bergerac à Thénac après avoir eu plusieurs expériences dans l’univers agricole. Le parcours professionnel de cet homme a toujours été marqué à la fois par une forte sensibilité au respect de l’environnement et un sens des réalités économiques. Au départ, la conduite du vignoble a été gérée avec des pratiques conventionnelles pendant presque 10 ans mais son souhait était de s’engager dans la production de vins bio sans prendre le risque de perdre une récolte tous les 5 ans.

 

Un projet construit à partir de résultats issus d’une parcelle pilote

     Au sein de l’aire de production de Bergerac, les niveaux de valorisation des vins bien inférieurs à ceux des zones prisées du Bordelais, ont amené ce viticulteur à réfléchir au positionnement de ses productions sur le marché. Son envie de s’engager dans une démarche de production de vins « bios » ne pouvait être abordée qu’en faisant preuve de réalisme économique. Il avait besoin de produire des volumes réguliers ! Comme les pratiques existantes de protection du vignoble ne le satisfaisaient pas, il a décidé de chercher d’autres méthodes alternatives. Le viticulteur s’est donc transformé en expérimentateur en réalisant de nombreux essais, de couverts végétaux, de plantes bio-indicatrices, de fertilisation plus raisonnés et de divers fongicides d’origine naturelles,… sur une parcelle pilote de 0,40 hectare.

 

Un viticulteur «mixeur» de substances naturelles

       Le sujet qui a mobilisé toute son énergie a été l’étude des moyens de lutte alternatifs aux fongicides chimiques, au cuivre et au soufre. F de Conti travail a démarré cette étude au milieu des années 2000 en s’appuyant sur un gros travail de veille scientifique. L’objectif prioritaire était de contrôler l’oïdium et le mildiou avec des substances d’origines naturelles ayant un très bon niveau d’efficacité et permettant de minimiser l’utilisation du cuivre et du soufre. Le viticulteur-expérimentateur est devenu en quelque sorte un « mixeur » de substances naturelles dont diverses formulations ont été testées dans la parcelle pilote. Au bout de quelques années, les résultats intéressants obtenus avec « le cocktail maison » l’ont convaincu du besoin de compétences extérieures pour aller plus loin. Pour passer à l’étape supérieure, il fallait fiabiliser le cocktail de substances naturelles afin de le rendre opérationnel pour réaliser des essais plus larges à l’échelle de propriétés entières. Julien Frumholtz, l’œnologue du vignoble de F De Conti est devenu le partenaire scientifique de cette démarche de développement de fongicides alternatifs. Sa mission a été de transformer le procédé de fabrication artisanal pour quelques dizaines d’hectares en un process maîtrisé de production débouchant sur l’obtention d’un fongicide stable et facile à utiliser. L’action conjointe du viticulteur Mixeur et du technicien a débouché en 2009 sur le développement d’un concept de lutte mixte oïdium mildiou Vitis-Essentia qui va bien au-delà la seule découverte d’un fongicide d’origine naturelle.

 

Bien comprendre les  modes d’action dans la plante

      F De Conti et J Frumholtz expliquent que le fait d’explorer l’utilisation de substances d’origine naturelle repose sur des modes d’action dans les plantes différents de tous les autres fongicides. Il leur a fallu bien appréhender ces spécificités pour construire un concept de lutte global. Leur démarche de recherche ne s’est pas limitée à la seule production d’un fongicide à base de substances naturelles mais aussi, à la compréhension des mécanismes contribuant à optimiser et à fragiliser leur efficacité. Les deux acteurs indiquent aussi qu’ils ont travaillé de façon très pragmatique en tirant uniquement profit des retours d’expériences des essais dans la parcelle pilote de F de Conti. Ils ont fait le choix de travailler seuls ! Les observations du comportement des épidémies de mildiou et d’oïdium suites aux diverses applications formulations d’extraits de plantes sont à l’origine de la création du cocktail Vitis-Essentia. F de Conti et J Frumholtz considèrent désormais que depuis 4 à 5 ans, leur démarche de protection a atteint un bon niveau d’efficacité à la fois contre le mildiou et l’oïdium. Les premiers essais aux champs en grandes parcelles à l’échelle de deux propriétés entières ont été réalisés à partir du cycle végétatif 2 014.

 

Une stratégie de lutte globale pendant 6 à 8 semaines

       Les retours d’expériences des essais dans la parcelle pilote sont l’unique sourcing qui a alimenté la réflexion technique de développement des méthodes d’utilisation adaptées à la nature spécifique de ce nouveau fongicide. F de Conti et J Frumholtz estiment aujourd’hui que leur nouveau concept de protection du vignoble rentre désormais, dans une phase de plus en plus opérationnelle : « Les retours d’expériences des premières applications nous ont permis d’observer et de comprendre comment le produit fonctionnait dans la plante. Les premières années, nous avons tâtonné, puis, les choses se sont progressivement formalisées. On s’est rendu compte que pour obtenir de bons niveaux d’efficacité, il était nécessaire de mettre en œuvre un cycle d’applications spécifiques durant une séquence de temps de 6 à 8 semaines. Nous avons acquis de meilleures connaissances sur les conditions nécessaires à l’optimisation de l’efficacité du produit. Cela a débouché sur la définition d’un protocole de stratégie de traitements complet. Les essais dans deux propriétés de surfaces importantes depuis trois ans ont permis de le valider. Les différentes substances d’origine naturelles intervenant dans la constitution de notre produit ont des modes d’action sur les champignons responsables du mildiou et l’oïdium bien différents de ceux, des fongicides de synthèses, du cuivre et du soufre ».

 

Associer les substances naturelles à de petites doses de cuivre et de soufre

      La formulation du fongicide Vitis-Essentia a été protégée depuis plus d’un an et un dépôt de brevet sera finalisé d’ici la fin de l’année 2017. La constitution du produit n’est pour l’instant pas communiquée pour des raisons de confidentialité. D’un point de vue réglementaire, le produit fait partie de la catégorie des PNPP (Préparation Naturelles peu préoccupantes). Il s’agirait d’un cocktail de plusieurs adjuvants naturels associé à des purins d’orties. Les conclusions des essais ont permis de construire une stratégie de lutte fondée sur un effet d’accumulation de matière active dans la plante. La préconisation de l’entreprise est de positionner 6 traitements consécutifs (entre la mi-mai et la mi-juillet) associés à de petites doses de cuivre (150 à 200 g de cuivre métal/traitement) et de soufre de mouillable (1 kg/ha). L’association des substances naturelles au cuivre et au soufre permet d’accroître la rémanence du produit qui se situe entre 8 et 12 jours selon la pression de parasitisme.

 

Des modes d’action différents sur le mildiou et l’oïdium

      Les éléments d’informations communiquées sur le mode d’action révèlent des différences de comportement selon les maladies. Toutes ces données sont fournies par les obtenteurs du produit. Au niveau du mildiou, le mode d’action serait à la fois de type préventif et multisite. Les matières actives auraient un effet SDN (stimulateur des défenses naturelles) par le biais d’éliciteurs, d’où l’importance de réaliser plusieurs traitements consécutifs avant le développement des épidémies. De très bon niveau d’efficacité sont annoncés sur le mildiou dans le cadre de stratégie de traitements préventifs. Au niveau de l’oïdium, le produit aurait à la fois une efficacité préventive et curative. Des observations de traitements avec les substances végétales seules sur des épidémies déclarées d’oïdium ont mis en évidence un effet de choc à la fois sur les spores et les mycéliums. Le cocktail de substances naturelles Vitis Essentia employé seul présente une certaine sensibilité à la lumière que les apports de cuivre et de soufre viennent compenser.

 

On peut regretter l’absence de travaux scientifiques  indépendants

      Que faut-il penser du concept de protection Vitis-Essentia ? La présentation du produit et de la démarche paraît séduisante mais on peut regretter que l’expertise scientifique n’ait pas été confiée à des acteurs techniques extérieurs comme l’INRA, l’IFV ou les chambres d’agriculture. Tous les éléments concernant les modes d’action, la résistance au lessivage, la rémanence, les niveaux d’efficacités, n’ont pas été confirmés dans le cadre d’essais officiels ce qui incite à une certaine prudence. Il est donc normal de s’interroger sur la validité des bons niveaux d’efficacités annoncés. Le fait que toute la démarche scientifique de développement du concept Vitis-Essentia n’ait été fondée que sur des retours d’expériences d’essais de terrain émanant des deux obtenteurs est certes intéressant mais pas suffisante. La mise en marché d’un nouveau fongicide auprès d’un public large de viticulteurs bios et conventionnels représente un engagement de responsabilités fort qui doit être cautionné par une expertise scientifique indépendante.

 

Se donner les moyens de convaincre un public large en 2018

      F de Conti et J Frumholtz justifient l’absence d’essais officiels par le fait qu’ils voulaient avoir suffisamment de recul au niveau de l’efficacité au champ avant de réaliser des expérimentations plus approfondies : « Nous avons voulu tester pendant plusieurs années notre produit en conditions réelles avant d’engager des travaux scientifiques plus approfondis. Il fallait s’assurer que notre démarche fonctionnait et travailler dans la discrétion était aussi un moyen de protéger notre produit. Les démarches de protection de notre formulation sont en train d’être finalisées et c’est la  jeune société Terres du Futur qui va désormais porter le projet. Nous sommes conscients qu’il est indispensable pour convaincre, un public large de viticulteurs, d’engager des travaux scientifiques avec des organismes référents de la filière viticole. C’est un de nos objectifs prioritaires en 2018 et déjà des contacts sont pris. Les moyens limités de notre PME nous obligent à aborder les choses à la fois de façon sérieuse et pragmatique. Sur le principe, l’engagement dans une procédure d’homologation en tant que fongicide biostimulant anti-mildiou et anti-oïdium serait souhaitable mais le coût d’une telle démarche est prohibitif pour une PME novatrice ».

 

 

    De bons résultats depuis trois ans sur une propriété de 50 en Charentes

      Un viticulteur Charentais qui souhaite garder l’anonymat, utilise depuis 2014, sur son vignoble de 50 ha, le concept de lutte Vitis-Essentia. La propriété qui possède un encépagement assez diversifié à base de merlot, de cabernet franc, de colombard, de sauvignon, de sémillon, de chardonnay et d’ugni blanc (50 % de la surface), est devenue un site d’essai pilote en conditions réelles.

      Un cycle de 5 à 6 traitements est réalisé entre le stade 4 à 5 feuilles étalées et la fermeture de la grappe avec un pulvérisateur pneumatique classique. Le produit est associé à de petites doses de cuivre et de soufre durant toute cette période. L’environnement de cette propriété est à la fois sensible au mildiou et à l’oïdium et le viticulteur considère que le produit donne pleine satisfaction : « La première année, le produit a été testé sur une petite surface de 5 ha et les bons résultats m’ont convaincu de l’utiliser sur l’ensemble du vignoble en 2015, 2 016 et 2 017. L’application du cycle de 6 traitements consécutifs (à une cadence de 8 à 10 jours) a permis de bien maîtriser le mildiou et l’oïdium. La qualité du feuillage des parcelles est aussi assez surprenante. J’ai l’impression que la végétation fonctionne mieux et cela engendre une avance de maturité. D’un point de vue pratique, la mise en solution du produit dans la cuve du pulvérisateur se déroule très facilement et en plus, l’odeur dégagée lors des traitements est plaisante ».

                                              

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé