Le projet de plantation sur toutes les lèvres

11 juin 2014

Pas une rencontre entre deux viticulteurs charentais, pas une discussion où le projet de plantation Cognac n’arrive sur le tapis. Si le terme n’était un peu fort, on pourrait dire que la région est comme « bouleversée » par ce projet de plantation qui déboule dans son champ de vision : 8 000 ha, sur 7 ans, assorti « d’indicateurs de pilotage », pour éviter les risques de dérapage (voir article page 6). Certes ce n’est qu’un projet, dont la matérialisation suppose de franchir maintes étapes mais il est suffisamment impactant pour ne laisser personne indifférent.

La viticulture, dans son ensemble, soutient-elle la proposition, telle qu’elle s’exprime aujourd’hui ? Une chose est sûre, c’est que cette proposition « ne tombe pas du ciel ». Le projet a été dûment approuvé par les représentants viticoles, réunis à l’UGVC. Et, au sein du BNIC, le consensus s’est établi entre négoce et viticulture. « C’est une décision partagée » soulignent les professionnels siégeant dans les instances de décision. Pour autant, quel est le ressenti du terrain ou de la « base », pour reprendre l’expression consacrée ? Cela n’étonnera personne. Toutes les opinions s’expriment. Toutes les sensibilités cohabitent. Il y a ceux qui souscrivent pleinement au projet – « il faut soutenir la stratégie de conquête de parts de marchés du négoce » ; ceux qui pensent « qu’il convient de profiter des occasions qui se présentent » en espérant tout de même « qu’on ne nous mène pas en bateau » ; et enfin ceux qui font part de leurs doutes, de leurs craintes, pour ne pas dire plus. Et ceux-là ne sont pas les moins nombreux que les autres. Leur avis, ils l’étayent par une série d’arguments.

Sont cités en vrac les risques de surproduction, de chute des prix, la crainte de « renouveler les erreurs du passé ». Surtout, les viticulteurs s’interrogent sur l’opportunité d’une telle démarche de développement du vignoble, dans le contexte actuel. « Est-ce vraiment le moment de s’engager sur cette voie alors que les expéditions
de Cognac manifestent un certain fléchissement (- 6,3 % à fin avril) ? Si réellement les ventes explosaient, oui, pourquoi pas, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. » Certains épinglent des signaux qualifiés de « négatifs », comme les prix du second marché, qui ont tendance à se « caler » sur les prix des grandes maisons, l’extrême prudence du commerce de place ou encore les ventes de comptes 10, au point mort. Le stock de Cognac connaît également une propension à grossir, surtout si l’on y intègre les réserves de gestion.

Pas mal de viticulteurs estiment qu’avant de passer à autre chose, il vaudrait mieux donner au renouvellement du vignoble la possibilité d’exprimer sa pleine mesure. « Actuellement, le vignoble se renouvelle très vite. Si la nature s’y prête, nous pourrions nous retrouver d’ici peu avec des volumes importants. »

Des réserves sont émises sur la capacité de la région à maîtriser le train en marche : « Planter 1 000 ha, ce n’est pas gênant en soi. Le problème, c’est que l’on ne sait jamais où ça s’arrête. »

Car, intuitivement, tout le monde est convaincu que si un programme de plantation venait à décrocher le feu vert des autorités, tout le monde s’engouffrerait dans la brèche « comme un seul homme ». « On ne voit pas impunément le voisin aligner des piquets sans réagir. » En Charentes comme ailleurs la décision collective est perçue comme un rempart, un garde-fou aux comportements individuels.

Quelque part, ce que la plupart des viticulteurs souhaitent, c’est d’être consultés sur le sujet. Cela leur semble le minimum « syndical ». « Nous sommes en train de parler de la valeur du patri-moine, du prix des eaux-de-vie, de la valeur du stock. »

Certes, les 54 administrateurs de l’UGVC se sont exprimés sur le sujet et personne nie leur représentativité. Certes, le cabinet Eurogroup, dans le cadre du Business plan Cognac, a d’abord interrogé une cinquantaine de viticulteurs sur l’objectif de production (les 11,66 hl AP/ha) et ensuite une trentaine d’entre eux sur la thématique particulière de la plantation, mais est-ce suffisant pour refléter l’opinion générale ? Ce qui semble être attendu, c’est que « la majorité s’exprime, sans présumer de la réponse ».

Le syndicat UGVC tiendra son assemblée générale le mardi 27 mai 2014. Prévue sur la journée, la réunion se déroulera en deux temps. La matinée, réservée aux délégués, se consacrera à l’assemblée statutaire. Pour la première fois, il sera procédé à l’élection des administrateurs. L’après-midi, ouverte à un public bien plus large – adhérents du syndicat mais pas seulement – abordera le Business Plan dans toutes ses composantes. Une excellente occasion de s’informer.

 

 

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