Les conditions climatiques du millésime 2001 ont été marquées d’abord par un hiver particulièrement pluvieux; d’octobre 2000 à mars 2001, les précipitations, enregistrées au poste météorologique du Domaine de la Grande Ferrade à Villenave-d’Ornon (à côté de Bordeaux), se sont élevées à 1 004 mm, soit presque le double de la moyenne des vingt dernières années (556 mm) et dépassant même la normale annuelle (886 mm) ; il faut remonter à l’hiver 1982-1983 pour trouver des précipitations du même ordre de grandeur (944 mm).
En plus de pluies abondantes, l’hiver a également été relativement chaud, comme le montre les écarts des températures moyennes par rapport aux normales.
Cette douceur hivernale a entraîné un démarrage précoce de l’activité de la vigne.
Avril fut, comme les mois précédents, pluvieux (+ 58 mm par rapport à la normale) ; si la température moyenne mensuelle (11°8) fut très proche de la normale (11°9), on observa sur une courte période vers le 20 avril, des températures très basses et des gelées qui entraînèrent des dégâts importants sur des zones limitées, qui n’affectèrent donc pas le volume global de la récolte en Bordelais.
Au cours des mois de mai et de juin, les températures ont été supérieures aux normales (+ 1°6 en mai et + 1°5 en juin) et les précipitations nettement inférieures (la somme des pluies pour les deux mois a été de 66 mm pour une normale de 129 mm).
La floraison a débuté au cours de la dernière semaine de mai. Elle a été rapide et apparemment homogène pour les divers cépages et quelle que soit la situation des vignobles. Pour les vignobles de raisins rouges, qui nous servent de référence depuis le milieu du siècle dernier, nous avons fixé la date de demi-floraison au 7 juin, soit avec une semaine d’avance sur la date moyenne des trente dernières années, mais un léger retard (4 jours) par rapport à la dernière décennie.
Après une période sèche en mai et juin, les pluies sont revenues au mois de juillet pendant lequel on a relevé 103 mm d’eau, soit deux fois plus que la normale ; elles sont tombées pour 90 % au cours des vingt premiers jours du mois, qui furent également frais ; la dernière décade de juillet fut au contraire chaude et sèche. Un orage de grêle s’abattit aux environs du 22 juillet sur des zones très localisées de quelques communes de l’Entre-deux-Mers, causant des dégâts importants chez certains viticulteurs.
Le mois d’août fut chaud et moyennement pluvieux avec, respectivement, par rapport aux normales, + 1°9 et – 8 mm.
Le début de la maturation fut relativement lent à démarrer, en raison de l’alternance des pluies et de la chaleur. Le développement des rameaux ne s’est pas poursuivi aussi longtemps qu’en 1999, mais l’arrêt de croissance n’a eu lieu que vers la fin du mois d’août.
Nous avons noté la demi-véraison des cépages rouges au 12 août. A ce stade phénologique, dans les vignobles qui nous servent de référence, le retard observé à la floraison, par rapport à la date moyenne pour la dernière décennie, s’était maintenu ; il était d’une semaine sur 2000. Dans bien des vignobles, la véraison a été plus hétérogène que le déroulement de la floraison pouvait le laisser supposer. L’importance de l’alimentation en eau de la vigne, la charge et la vigueur de la souche sont des facteurs bien connus de l’étalement de la véraison, dans une parcelle donnée.
A la demi-véraison, par rapport aux valeurs moyennes calculées sur les vingt dernières années, le volume des baies et la teneur en sucres étaient du même ordre de grandeur, mais l’acidité légèrement plus élevée.
La température moyenne de septembre fut, par rapport à la normale, inférieure de 1°1 ; la température maximale ne dépassa 25° que 6 jours et on ne nota aucun jour de grande chaleur (température maximale égale ou supérieure à 30°). Les précipitations furent globalement proches de la normale et tombèrent sous forme d’averses abondantes autour du 22 septembre. La maturation s’achevait par une longue période fraîche et très moyennement humide.
Il est bien connu que ces conditions climatiques sont favorables à l’obtention de raisins permettant d’élaborer des vins complexes, élégants et dominés par le fruit : « Si une grande maturité est un élément de qualité pour un cépage donné, dans un vignoble donné, si pour faire un bon vin il faut un raisin mûr, il ne faut pas non plus une maturation trop rapide et trop complète… » (J. Ribereau-Gayon et E. Peynaud, Traité d’Œnologie, tome I, 1960).
Nous donnons dans le tableau I, pour les cinq derniers millésimes les conditions climatiques entre le 10e jour avant et le 10e jour après la date théorique de la maturation, c’est-à-dire le 45e jour après la demi-véraison ; il s’agit de la période pendant laquelle est effectuée la majorité des vendanges rouges. Les températures, le nombre de jours de chaleur et de grande chaleur en 2001 ont été semblables aux valeurs notées pour 1998, mais plus faibles qu’en 2000, 1999 et 1997 ; les précipitations ont été moins importantes en 2001 qu’en 1998 et 1999, mais plus élevées qu’en 2000. Les observations montrent que les conditions climatiques, en fin de la période de maturation, ont été moyennes en 2001.
Dans le tableau II, nous comparons la constitution moyenne des moûts, quelques jours avant le ramassage des cépages rouges dans les vignobles nous servant de référence, en 2001 avec celles en 2000, 1999 et 1998. Si en 2001, l’acidité du Merlot est identique à celle des autres millésimes, celle du Cabernet-Sauvignon est nettement plus élevée. Par rapport aux années 1998 et 1999, les teneurs en sucres et donc de l’alcool probable en 2001 sont semblables pour le Cabernet-Sauvignon ; elles sont légèrement supérieures pour le Merlot. Cette richesse en sucres en 2001 n’atteint pas celle de 2000 qui affiche un titre alcoométrique potentiel supérieur à 1° pour les deux cépages.
Concernant l’état sanitaire, on n’a signalé aucun problème particulier dans les vignes correctement conduites et protégées. Certes, on a observé des attaques précoces de mildiou suite aux conditions climatiques hivernales favorables au développement de ce parasite et on nota quelques dégâts, parfois importants, mais uniquement par manque de vigilance des producteurs. Par la suite, la pression du mildiou s’atténua fortement. Quant au botrytis, si certains foyers apparurent très tôt, ils n’évoluèrent pas et les raisins récoltés à bonne maturité étaient parfaitement sains.
Il est bien connu que le temps au cours des vendanges est un facteur important de la constitution des raisins et par voie de conséquence des caractéristiques gustatives des vins. Nous donnons dans le tableau III, les données climatiques, par décade, pour les mois de septembre et d’octobre. Elles permettent, en partie, d’expliquer les profils organoleptiques des différents types de vin (vins blancs secs et liquoreux, vins rouges) du millésime 2001.
Vins rouges
Grâce aux bonnes conditions de l’été et du début de l’automne, les raisins rouges sont arrivés en fin de maturation avec une constitution, qui sans être exceptionnelle, était très bonne. Il convient de souligner que comparativement à 2000 la qualité des vins, comme la constitution des raisins, est plus hétérogène. La nature des sols, le mode de conduite de la vigne ont eu une influence très importante tant sur les teneurs en sucres et en acidité que sur les composés phénoliques. Dans certains cas, compte tenu des températures un peu fraîches, il a fallu savoir retarder le ramassage par rapport aux dates initialement prévues ; bien entendu cela supposait une vigne en parfait état sanitaire. Les vins se remarquent par leur fruit et leur fraîcheur qui leur donnent beaucoup d’agrément. Ils ont en outre une belle couleur et une trame tannique qui leur imprime une structure dense et harmonieuse.
Les meilleures réussites, issues de vignes cultivées sur de grands terroirs avec des rendements limités, ont en outre un gras et une complexité qui les rapprochent des plus grands vins.
Vins blancs secs
Tout au long de la maturation, en particulier pendant les deux dernières semaines, les raisins blancs ont bénéficié de conditions climatiques extrêmement favorables. Le temps frais, qui s’est installé à partir du 28 août a permis, d’une part de maintenir les composés aromatiques du raisin à un niveau élevé, et d’autre part de freiner la combustion de l’acide malique. Dans les situations précoces, les premiers Sauvignon ont été ramassés à la fin de la première semaine de septembre. Dans la majorité des cas, les plus grands terroirs étaient prêts à être vendangés avant le 20 septembre, alors que le temps était frais et sec.
D’une façon générale, les raisins étaient en très bon état sanitaire et l’acidité équilibrait parfaitement la richesse en sucres. La réussite est générale en Sauvignon et en Sémillon. Les vins blancs secs expriment parfaitement la typicité des cépages dont ils sont issus ; on note une puissance aromatique alliée à la fraîcheur de structure, rarement atteinte en bordelais.
Vins blancs liquoreux
Pour l’élaboration des vins liquoreux, le botrytis s’est développé très rapidement sur des raisins mûrs et riches en sucres. Les conditions climatiques d’octobre, marquées par des petites pluies bien réparties, des températures élevées, un léger vent sec au cours des après-midi ensoleillés, ont permis d’obtenir des moûts concentrés d’une grande complexité aromatique marqués par le caractère « rôti » typique de la pourriture noble. La réussite est tout à fait remarquable pour la majorité de la récolte et pour toutes les appellations de vins liquoreux ; 2001 sera certainement le millésime de grande notoriété pour ce type de vin.