Le défi à Jean Monnet

29 août 2016

Le jeudi 23 juin, les Britanniques ont choisi, par référendum et à la majorité  de 51,9 % des voix d’appuyer sur le bouton « exit ». D’un coup, les Européens se sont aperçus que leur Union était « mortelle » pour reprendre l’expression d’un homme politique français. Une frange de la population d’Outre-manche a considéré que la Grande-Bretagne avait plus d’intérêt à « nager  toute seule plutôt qu’en bande ». L’expression du libéralisme viscéral des anglo-saxons ! Sans doute en partie. Pourtant, en 1961, la Grande Bretagne faisait le calcul inverse et également en 1973, date de son adhésion à la Communauté européenne. De cette histoire, le cognaçais Jean Monnet fut l’un des acteurs majeurs.

Jean Monnet naît le 9 novembre 1888 à Cognac (décédé en 1979 près de Paris). A 16 ans, il demande à son père, négociant, l’autorisation de voyager. Autorisation accordée. « Les gens de Cognac n’étaient pas nationalistes à une époque où la France l’était » se souvenait J. Monnet dans l’un de ses ouvrages. Le jeune provincial part à Londres, chez Mr Chaplin, client de son père. Il y passera deux ans. Non seulement il apprend la langue mais s’imprègne de la philosophie de la nation. Il accompagne son mentor dans ses bureaux de la City, fréquente son club. Les années passent. Durant la guerre de 14, le jeune négociant devenu fonctionnaire au Ministère du commerce est chargé de créer un comité franco-anglais pour le ravitaillement. Durant la seconde guerre mondiale, il occupera à peu près les mêmes fonctions auprès de Churchill, après avoir été vice-secrétaire général de la Société des Nations à Genève durant l’entre-deux-guerres. Dès 1947, Jean Monnet s’entremet pour convaincre ses amis anglais de s’associer à une entreprise qu’il estime fondamentale, la construction européenne. Les Britanniques ne disent pas non mais sont plutôt partisans d’un régime multilatéral d’échange, sous drapeau américain. Adopté dans le sillage du Plan Marshall, ce sera l’OECE pour Organisation européenne de coopération économique. Cet organisme qui a son siège à Strasbourg est une assemblée consultative dotée de pouvoirs très modestes. Les pères de l’Europe – le français Robert Schuman, l’allemand Konrad Adenauer, l’italien Alcide de Gaspieri – souhaitent, eux, aller plus loin dans la coopération et l’unité européenne. Le 25 mars 1957, ils signent le Traité de Rome créant la CEE (Communauté économique européenne) avec trois autres pays, la Belgique, le Luxembourg et les Pays Bas. Sans les Anglais. Cependant, les sujets de Sa gracieuse majesté ne sont pas loin de la négociation. Jean Monnet, « l’inspirateur », y veille. En pragmatique patenté, adepte de la négociation souple et adaptable, voilà ce qu’il dit à ses amis pro-européens – « Allez de l’avant, les Anglais s’associeront à votre entreprise dès l’instant qu’elle sera en voie de réussir. » Bien vu ! En 1961, coup de théâtre, les Britanniques posent leur candidature à la CEE. Tout bien considéré, ils estiment que la Communauté économique européenne représente « le modèle gagnant » parmi tous les artefacts qui prospèrent alors : AELE (Association européenne de libre-échange), CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’acier)…Manque de chance, le général de Gaulle y mettra son veto estimant que « la nature, la structure, la conjoncture qui sont propres à l’Angleterre diffèrent de celles des états continentaux. » Visionnaire le grand homme ! Mais Jean Monnet n’a pas dit son dernier mot. Pour lui, l’Angleterre « doit » être dans l’UE. Déjà âgé, il participe activement à la triangulaire Pompidou, Brandt, Hearth puis à celle entre Giscard d’Estaing, Schmith et Wilson. En 1973, le vieux monsieur de 85 ans à la satisfaction de voir « son » Angleterre faire son « Bretin » dans la CEE à l’occasion d’un élargissement à neuf (Danemark, Irlande, Royaume Uni). Alors qu’en 1961, il y a cinquante-cinq ans, Jean Monnet avait gagné son pari – convaincre les Britanniques d’embarquer sur le navire Europe – il semble l’avoir perdu le 23 juin. « Modèle perdant !» ont taclé les Anglais.

Qu’en aurait pensé celui que John F. Kennedy appelait « l’homme d’État du monde » ? En personnage de grandes ressources, il aurait sans doute cherché de nouvelles solutions, lui qui considérait que « rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions. » Peut-être aurait-il vu dans cette porte ouverte un moyen de renforcer la construction européenne, en clarifiant le débat entre les pays du noyau dur de la zone euro ? Sans doute les populistes de tous poils auront-ils la partie moins facile pour demander la sortie de l’Union ? Peut-être que dans trois ou quatre ans et aux vues de des difficultés sans nom pour sortir de l’UE, les Anglais demanderont de revenir sur leur décision initiale ?

Quoi qu’il en soit, en deux jours, la livre sterling a perdu 10 % de sa valeur. Le temps de le dire, 350 millions de livre sterling sont partis en fumée, l’équivalent des sommes versées par la Grande-Bretagne à l’UE pendant quinze ans. Une mauvaise nouvelle pour le Cognac qui n’a pas intérêt à ce que ce grand pays amateur de Cognac se détourne du French brandy produit entre Loire et Gironde.

En dix ans, sept phénomènes de grêle…C’est la triste statistique qui s’impose aujourd’hui au vignoble charentais. Le dernier épisode fin mai, bien que circonscrit, a eu de grosses conséquences sur les exploitations touchées (récolte intégralement compromise dans certains cas). Que faire ? Subir ou réagir ? Un groupe de travail élargi, emmené par le syndicat viticole UGVC, va se constituer en juillet. Objectif : améliorer l’anticipation, la lutte et les réactions. Les alertes lancées par Météo France sont-elles efficaces à 100 % ?  Les postes à iodure d’argent, censés constituer un cordon sanitaire, sont-ils bien positionnés et suffisamment nombreux ? Telles sont quelques-unes des questions qui se posent au vignoble. En attendant, Jean-Bernard de Larquier, le président de l’interprofession du Cognac, a déposé une demande auprès de l’INAO pour que les viticulteurs grêlés puissent procéder à des achats de vendanges fraîches, prises au-delà du rendement Cognac de 11,02 hl AP ha.

Les viticulteurs du Beaujolais, eux, viennent de connaître, mardi 28 juin, un nouvel orage violent de grêle sur les Monts du Lyonnais. Après la gelée de printemps et un précédent épisode de grêle à peu près sur la même zone,  ce sont 3 000 ha  qui sont touchés entre 80 et 100 %. Si l’on y ajoute des glissements de terrains affectant les jeunes plantations et une situation de mévente chronique, la viticulture du Beaujolais vit des jours noirs. Solidarité aux viticulteurs sinistrés. Un représentant du Beaujolais était à Cognac lors du congrès de la CNAOC en avril dernier.

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