Le créneau des vins rouges aromatiques et plutôt souples

29 mars 2009

1030_25.jpegLe vignoble Barit Laurichesse, à Verrières, est une exploitation de surface importante qui s’est engagée dans la production de vins de pays charentais dès 1998. Actuellement, plus de 5 ha de vignes ont été reconvertis en Merlot (2,60 ha), en Cabernet Sauvignon (0,80 ha), en Sauvignon (0,90 ha) et en Chardonnay (0,90 ha). La plupart des plantations sont en production. En 2003 une gamme complète de vins blancs, rosés et rouges a été vinifiée sur cette propriété. Bernard et Philippe Laurichesse ont eu, dès le départ, la volonté d’assumer toute la maîtrise de cette nouvelle filière de production sur le plan de la production comme de la commercialisation. La production de vins de pays est maintenant entrée dans une phase opérationnelle et les premiers résultats sont encourageants.

L’implantation de 5 ha de vigne de vins de pays en trois ans nécessite une forte implication car l’élaboration de vins de qualité est un métier bien différent de celui de bouilleur de cru et de producteur d’eaux-de-vie. Les frères Laurichesse se sont beaucoup investis dans ce projet qui, avec le recul, est plus « lourd » à porter qu’ils ne l’imaginaient au départ. Néanmoins, cette démarche de diversification de la production viticole s’avère enrichissante notamment par le fait qu’il faut mettre en œuvre une stratégie globale à moyen terme pour produire de bons vins et ensuite les commercialiser dans de bonnes conditions. Ces viticulteurs ont choisi de typer leur production en jouant le créneau « des vins rouges aromatiques, fruités et plutôt souples » pour capter et fixer les consommateurs. L’implantation des vignes a été réalisée entre 1998 et 2000 ; actuellement, les efforts se portent sur l’aménagement des infrastructures nécessaires à la vente directe à la propriété.

Des densités de 4 000 à 5 000 ceps/ha qui génèrent 20 % de charge de main-d’œuvre en plus

Les Chardonnay et les Sauvignon ont été plantés à une densité de 3 m sur 0,60 m, et les souches sont établies en taille Guyot double très courte réparties sur deux fils d’attaches décalés de 10 cm de hauteur. Le positionnement des deux petites lattes à deux niveaux de hauteur permet d’éviter le phénomène d’entassement de végétation et cela facilite considérablement les interventions en vert d’éclaircissage et de vendange verte. La grande hauteur de palissage permet aux raisins d’avoir une surface foliaire suffisante pour assurer leur maturation dans de bonnes conditions. Lors des deux années de premières productions en 2001 et en 2002, la réalisation de vendange en vert a été indispensable pour maîtriser les rendements autour de 50 à 60 hl/ha alors qu’en 2003, l’effet sécheresse a concentré naturellement les volumes qui se situaient autour de 55 hl/ha. Les parcelles de Merlot et de Cabernet Sauvignon sont plantées à 2,50 m sur 1 m et une grande partie de la surface est conduite en cordons bas palissés établis à 0,70 m de hauteur. Ce mode de taille est assez lourd à gérer au moment de l’établissement des souches mais, par la suite, il permet de simplifier considérablement tous les travaux d’hiver (il ne reste que la taille) et aussi de décaler ces interventions en fin de saison (un avantage non négligeable vis-à-vis des risques de gelées de printemps). L’entretien des vignes à vins de pays nécessite 20 à 30 % de main-d’œuvre en plus par rapport à une parcelle d’Ugni blanc de même densité. Deux passages en vert sont nécessaires pour réaliser un éclaircissage au niveau des bras de cordons et des bois de taille en Guyot afin d’aérer la végétation et ensuite les vendanges en vert interviennent au début de la véraison. Deux épamprages des troncs sont aussi nécessaires sur ces cépages et un effeuillage est effectué de manière systématique sur une face de rang (du côté levant). Le sol est enherbé sur 40 à 50 % de la surface totale car les terres de champagne de l’exploitation disposent de bonnes réserves hydriques ; en 2003, les merlot ont eu une production de 57 hl/ha sans extérioriser de symptômes de sécheresse.

Des vins blancs aromatiques et charnus en bouche

1030_26.jpegLes vinifications en blanc des Sauvignon et des Chardonnay sont conduites avec le double objectif d’extraire les bons arômes des cépages et d’élaborer des vins charnus en bouche. La récolte intervient quand les raisins ont atteint un stade de bonne maturité sans pour autant attendre la surmaturité. B. Laurichesse estime que le critère essentiel pour fixer la date de vendange est l’appréciation des arômes des baies et dans un contexte d’été très chaud comme 2003, il a fallu être vigilant et réactif. La récolte est effectuée de façon mécanique en prenant des précautions pour protéger les raisins aussitôt leur cueillette par un sulfitage et l’apport de neige carbonique.

A l’arrivée au chai, la vendange est éraflée, sulfitée une deuxième fois et dirigée vers le pressoir pneumatique où une macération pelliculaire d’une durée de 10 à 12 heures est effectuée (dans une atmosphère saturée en neige carbonique). Ensuite, un pressurage doux et progressif permet d’extraire des jus les moins bourbeux possibles qui sont mis à débourber. La conduite du débourbage est assez difficile à gérer car il faut trouver un compromis idéal entre l’élimination des particules solides indésirables et le respect de l’équilibre aromatique. B. Laurichesse n’est pas un adepte des débourbages trop serrés qui tendent à appauvrir la qualité potentielle des moûts.

Aussitôt le soutirage, les jus sont refroidis entre 4 à 8 °C et mis en stabulation à froid pendant une durée de 5 à 8 jours selon les années. L’incorporation préalable d’enzymes permet d’intensifier les réactions enzymatiques qui ultérieurement sont favorables à la révélation de la structure aromatique des vins. Après ce dernier traitement, la fermentation alcoolique est lancée en cuve en utilisant des souches de LSA aromatiques et surtout en maintenant les températures entre 16 et 18 °C. Aussitôt la dégradation complète des sucres terminée, les vins laiteux sont soutirés pour éliminer les grosses bourbes et ne conserver que les lies fines qui seront élevées et conservés sur lies en cuves. En 2003, les Chardonnay possèdent des arômes intéressants au nez et une structure complexe et charnue en bouche que l’ensoleillement n’a pas amputés. Avec le recul de plusieurs années de vinifications, B. Laurichesse constate que les Sauvignon extériorisent sur les terres de champagnes à la fois de beaux arômes au nez et une structure très intéressante en bouche, et les caractéristiques du millésime 2003 sont prometteuses.

L’élaboration de vins de merlot souples et fruités

Les vinifications en rouges et tout particulièrement celle des merlot sont abordées avec la philosophie particulière de produire des vins rouges frais, souples et gouleyants.

Ce type de vins s’est presque imposé naturellement compte tenu du succès auprès de la clientèle et du jeune âge des vignes. Les frères Laurichesse commercialisent les productions de vins de pays directement en bouteilles et en petits contenants de 5 et 10 l, et au fil des années leurs vins de Merlot est apprécié par une clientèle régionale à la recherche de vins équilibrés et faciles à boire. Par ailleurs, la jeunesse du système racinaire peut poser des problèmes qualitatifs lorsque les extractions sont poussées au maximum et que l’on obtient des vins certes structurés mais dotés de tannins souvent agressifs qu’un vieillissement prolongé aura du mal à assouplir. Chaque année, un suivi de maturation très sérieux est réalisé sur cette exploitation dès la véraison et dans les deux à trois semaines précédant la récolte, un suivi de la maturité phénolique est effectué. C’est essentiel pour fixer la date de récolte de manière juste pour ensuite conduire les extractions de matière colorante avec le maximum d’efficacité. En 2003, la récolte des Merlot est intervenue les 9 et 10 septembre, et les raisins avaient déjà acquis un titre alcoométrique de 13 % vol. La vinification est conduite pour privilégier les extractions de polyphénols, l’expression des arômes de cépages et les caractères fruités. Les raisins à l’arrivée au chai sont immédiatement protégés par de la neige carbonique, égrappés et mis en cuve pour réaliser une macération à froid de 48 heures à 10 °C de température.

La fermentation alcoolique et la cuvaison ne dépassent pas une dizaine de jours et durant toute cette phase deux remontages sont réalisés quotidiennement. Cette opération est réalisée en prenant le soin de bien faire éclater les jus dans un bac et surtout d’arroser de façon homogène l’ensemble du gâteau de marc afin de favoriser les extractions. Deux délestages sont aussi effectués durant la cuvaison afin de casser la masse de marc dans les cuves. Le décuvage intervient au bout d’une dizaine de jours afin de préserver les caractères fruités et souples des vins de Merlot. Les fermentations malolactiques s’effectuent en général assez rapidement et les vins sont élevés en cuves pendant environ 6 mois avant d’être mis en bouteilles. Les Cabernet Sauvignon sont récoltés beaucoup plus tardivement en s’appuyant comme pour les Merlot sur un suivi de maturité phénolique. En 2003, leur récolte est intervenue tout à fait en fin de vendanges le 2 octobre (après les Ugni blancs). La vinification est conduite avec le souci de pousser les extractions un peu plus loin et en réalisant aussi des saignées aussitôt l’encuvage. Les moûts issus des saignées (environ 30 % du volume d’une cuve) sont ensuite vinifiés en rosé et le potentiel aromatique du cépage Cabernet Sauvignon  s’avère très intéressant pour ce type de vins. Chaque année, B. Laurichesse sélectionne un petit lot de vins structurés de vins de cabernet et de merlot pour réaliser une cuvée privilège qui bénéficie d’un élevage adapté à des vins de garde (avec un peu de barrique).

Un démarrage encourageant de la commercialisation

Les investissements nécessaires à la vinification des vins blancs et des vins rouges ont concerné essentiellement l’acquisition d’un égrappoir et de la cuverie. Deux cuves inox de 100 hl ont été achetées pour la vinification des vins rouges et ensuite plusieurs garde-vins de diverses contenances permettent de vinifier les vins blancs et d’en assurer la conservation. Cette exploitation disposait d’équipements de maîtrise thermique performants pour la vinification des vins de distillation qui ont été utilisés pour les vins de pays.

Les vins sont en général embouteillés au printemps en faisant appel à un prestataire de service, mais une partie significative des ventes est aussi réalisée en cubitainers de 5 à 10 l. Cela oblige à conserver des vins en vrac toute l’année et notamment en été qui est une grosse période de vente. Au départ, la commercialisation des petits volumes de vins de sauvignon et de merlot s’est faite facilement à la propriété par le bouche à oreille et le bon accueil du vin rouge souple par les premiers clients a ensuite entraîné un développement assez rapide de la commercialisation. Ces viticulteurs ont choisi d’avoir une politique de prix raisonnable pour « fixer » leur clientèle régionale et les bouteilles sont vendues entre 2,75 et 3 €. Les niveaux de rendement, de l’ordre de 50 à 60 hl/ha, permettent de dégager un revenu hectare correct.

La commercialisation de la récolte 2002, qui était nettement plus importante en volume (surtout en vins rouges), a été très satisfaisante puisqu’une véritable demande s’est créée autour du vin rouge souple de merlot auprès d’une clientèle de particuliers et de la restauration. D’ailleurs, la mise en bouteille du millésime 2003 est attendue avec impatience car il sera difficile de satisfaire les attentes des clients en ce début d’année.

Malgré un démarrage de la commercialisation encourageant, les frères Laurichesse considèrent que la mise en œuvre d’une production de vins de pays est une démarche lourde sur le plan du travail et au niveau financier. Les investissements concernent bien sûr le vignoble et le chai mais aussi la commercialisation, la création du packaging et tous les aménagements nécessaires à la vente. Par exemple, un petit caveau de vente à la propriété sera prochainement mis en service pour permettre à la fois de stocker les vins (surtout le vrac) dans de bonnes conditions et aussi pour accueillir les clients dans une ambiance plus conviviale. C’est un développement indispensable pour dynamiser les ventes à la propriété qui génèrent aussi les marges les plus intéressantes.

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