Le Champignon de l’Eutypiose difficile à tuer une fois à l’intérieur des plaies de taille

12 février 2010

Une étude menée par l’Institut Français de la Vigne et du Vin montre le rôle de la pluie dans la pénétration des plaies de taille par le champignon « Eutypa lata ». Grâce à l’eau, les ascospores migrent plus profondément dans la plaie que ce qui avait été démontré auparavant. La protection des plaies de taille par un produit chimique appliqué par pulvérisation est désormais illusoire.

Dans le vignoble, deux heures après le début d’une pluie, les ascospores (unités contaminatrices) sont libérées des périthèces (forme de conservation du champignon sur les ceps) et se disséminent. Leur dissémination s’arrête 24 heures, voire 36 heures après la fin des précipitations. Une fois déposées sur les plaies de taille, elles migrent à l’intérieur des vaisseaux. Elles se localisent au-delà des cinq premiers millimètres des tissus ligneux sous-jacents à la plaie, comme le montre une étude réalisée par l’IFV en 2005-2006. Ce travail a été réalisé en se rapprochant des conditions naturelles, contrairement aux études menées jusqu’à maintenant qui consistaient à déposer une suspension d’ascospores sur des plaies de taille en période sèche. Les études en conditions sèches avaient montré que les ascospores restaient localisées dans les premiers millimètres de la plaie de taille.

Des ascospores présentes entre le 6e et le 15e millimètre

Au vignoble, des fragments de bois porteurs de périthèces ont été ainsi mis à proximité de plaies de taille avant une période pluvieuse. Après la pluie, les plaies ont été prélevées et analysées au laboratoire. Les ascospores ont été surtout retrouvées dans les tissus ligneux situés entre le 6e et le 15e millimètre. Elles ont également été observées jusqu’à deux centimètres de la surface de la plaie.

Des expériences complémentaires, menées en conditions artificielles par l’inoculation d’une suspension d’ascospores sous la pluie sur des plaies fraîches, montrent bien qu’elles sont situées profondément dans la plaie de taille. En revanche, en conditions sèches, elles sont préférentiellement situées dans les cinq pre miers millimètres. Ces observations indiquent que le test d’évaluation des fongicides actuellement utilisé en protection des plaies de taille (méthode CEB [1] n° 155 [2]) ne permet pas de juger de manière sûre leur efficacité. Cette méthode, basée sur l’inoculation d’ascospores en période sèche, ne tient pas compte de ce facteur important, la pluie. Les tests devront être désormais réalisés en période pluvieuse ou encore sous brumisation.

La pulvérisation, technique séduisante mais illusoire

escospores.jpgLa protection des plaies de taille par pulvérisation est une technique séduisante, mais au vu de ces résultats devient illusoire. Contrairement au badigeonnage, la pulvérisation d’un produit n’apporte jamais suffisamment de matière active sur une plaie de taille pour empêcher Eutypa lata de se développer. Surtout si le champignon est localisé profondément dans les vaisseaux après la contamination. Déjà en quantités insuffisantes au niveau des tissus ligneux sous-jacents à la plaie de taille, la matière active se retrouve en de plus faibles quantités encore au moment des périodes de contamination, car le produit est dilué par les pluies.

Le badigeonnage, la meilleure façon de protéger les plaies

Le badigeonnage des plaies par des produits appropriés reste donc la meilleure façon de protéger les plaies de taille à l’égard du champignon de l’eutypiose. La taille tardive, plus particulièrement celle réalisée en période des pleurs, permet d’éviter également les contaminations. Ces mesures doivent être impérativement accompagnées par une prophylaxie soignée. Effectuée avant chaque période de taille, elle consiste à éliminer tout cep mort, toute partie de la plante morte (bras, cornes) et tout cep manifestant des symptômes d’eutypiose sur la partie herbacée pendant la période végétative (rabougrissement des rameaux). Tous ces ceps peuvent héberger le champignon qui, deux heures après le début d’une pluie, se dissémine et peut contaminer les plaies de taille environnantes. n

Philippe Larignon
(Institut Français de la Vigne et du Vin,
chef de projet maladies du bois pôle Rhône-Méditerranée)

(1) Commission des Essais Biologiques.
(2) Méthode d’étude des préparations anti-fongiques utilisées en traitement des plaies de taille de la vigne (eutypiose).

La méthode d’étude des préparations anti-fongiques utilisées en traitement des plaies de taille à améliorer
Actuellement, la méthode utilisée ne permet pas de juger véritablement l’efficacité d’une préparation anti-fongique (produits chimiques, mastics, produits biologiques) en protection des plaies de taille. Les tests sont réalisés dans de mauvaises conditions, éloignées de la réalité car ils ne tiennent pas compte de la période pluvieuse nécessaire à la contamination des plaies de taille. Désormais, ces tests doivent être réalisés selon ces étapes : taille, protection, pluie, inoculation de l’agent pathogène lors des pluies ou dans les 36 heures après la fin des précipitations et analyse microbiologique (environ un an après la protection).
Cette méthode n’apporte pas non plus de réponses à ces questions :
– Qu’en est-il de l’efficacité d’un produit lorsque les plaies peuvent être sujettes à plusieurs contaminations pendant la période hivernale ? La méthode CEB ne tient compte que d’une seule contamination.
– Est-ce que les résultats obtenus lors de ce test sur une efficacité sont transposables sur des plaies effectuées sur des bois de deux ans ? Les tests étant réalisés sur des plaies issues du bois de l’année.
– Que signifie le pourcentage d’efficacité obtenu lors de ce test ? Est-ce que 75 % d’efficacité en protection des plaies de taille signifie que vous aurez 75 % de ceps exprimant moins de symptômes foliaires ? Il est possible qu’avec une telle efficacité, vous aurez toujours autant de ceps qui expriment des symptômes ! 25 % des plaies ne seront pas protégées !

 

 

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