Dans une époque sensible aux « projections dans le futur », Courvoisier garde le cap de l’orthodoxie économique. Ce fut tout le sens de l’intervention de Patrice Pinet, président de la société, devant les adhérents de la Sica des Baronnies. Et comme pour faire oublier le camouflet de la vente, par Jean-Hubert Lassalle, de la distillerie du Maine au Bois au groupe Pernod-Ricard, la maison de Cognac a entraîné ses partenaires dans une plongée très festive sur les marchés russes et anglais. A la manœuvre, deux « brand ambassadors » de la marque, aussi jeunes que professionnels.
Philippe Joly, le président de la Sica des Baronnies, y a fait allusion dans son discours d’introduction et Patrice Pinet en a dit un mot, de façon quasi elliptique, dans son intervention de fin. La maison de Cognac a choisi de faire de la vente de la distillerie du Maine au Bois, partenaire historique de Courvoisier, un non-événement. Il a juste été précisé que les liens qui unissaient les viticulteurs à la Sica étaient forts et que la structure serait attentive à la pérennité de ces liens, pour assurer une bonne gestion des volumes. Précision de P. Joly à l’attention de ses collègues viticulteurs concernés par le Maine au Bois : « Benoît (de Sutter, responsable des achats chez Courvoisier ndlr) va vous recevoir très prochainement, si cela n’est déjà fait. » A noter que Bernard Lassalle, fondateur de la distillerie du Maine au Bois, était présent à l’assemblée générale de la Sica des Baronnies, le 2 avril. Il s’agissait de la 27 éme édition.
En 2012, la Sica des Baronnies a accueilli 20 nouveaux adhérents, ce qui porte leur nombre à 668. Si les achats de la société Courvoisier concernent les cinq crus, le plus gros contingent provient des Fins Bois (plus de 70 % des volumes). Cependant, depuis deux ans, les apports de Petites Champagnes et de Bons Bois affichent les progressions les plus fortes. En quatre ans, les volumes globaux rentrés à la Sica ont augmenté de 13,5 %.
Des volumes en hausse
Les entrées de la récolte 2012 se sont élevées à 39 931 hl AP (34 137 hl AP en 2011). « Cette dynamique des volumes signifie que la Sica joue pleinement son rôle d’accompagnement des partenaires de Courvoisier et ce dans la durée » ont commenté les dirigeants de Courvoisier. En ce qui concerne les prix d’achat, ils ont indiqué « que le prix des vins de la récolte 2012 avait fortement augmenté pour tous les crus – +12 % – avec un effort supplémentaire consenti sur la partie Bons Bois (+14,5 %).
En valeur absolue, sur les vins de distillation 2012, les prix se sont étalonnés de 770 € l’hl AP en Bons-Bois à 910 € l’hl AP en Grande-Champagne (prime qualité de 15 € incluse pour tous les vins, compte tenu de la performance qualitative atteinte par 95 % d’entre eux).
Sur les eaux-de-vie (00 et Bonnes Fins), la hausse a représenté, en moyenne, + 11 % pour tous les crus et + 12,5 % pour les Bons Bois.
L’engagement contractuel de la Sica des Baronnies porte sur l’achat en 00 de 65 % des apports et 35 % en compte d’âge (compte 1, 2 ou 3 selon les crus). Caractéristique du contrat : « des prix minimum garanti, avec clapet anti retour, ce qui constitue l’un des piliers du fonctionnement de la Sica » a souligné B. de Sutter (voir encadré p. 18).
Sur la partie achetée en 00 (récolte 2012 payée le 15 avril 2013), les prix se sont établis dans une fourchette allant de 920 €/hl AP pour les Bons Bois à 1060 €/hl AP pour les Grandes-Champagnes.
En ce qui concerne les prix de dénouement des contrats de bonne fin (35 % de l’engagement contractuel), dont le paiement est également intervenu le 15 avril 2013, ces prix ont fait l’objet de discussions « franches et ouvertes » en conseil d’administration de la Sica avant d’être communiqué le 2 avril, jour de l’assemblée générale. Leurs niveaux sont les suivants : 1060 € l’hl AP pour les Bons Bois compte 1 (année 2011), 1254 € pour les Fins Bois compte 2 (récolte 2010), 1378 € pour les Petites-Champagnes compte 3 (récolte 2009), 1420 € pour les Borderies et 1455 € pour les Grandes-Champagnes (toujours en compte 3). A leur égard, la direction de Courvoisier a parlé « d’une évolution dynamique et régulière des prix qui ont augmenté de 30 % depuis avril 2011 »
Un accord de « compromis »
Dans son rapport moral, Philippe Joly a préféré employer, lui, le terme de « compromis » pour qualifier l’accord intervenu avec l’acheteur. En clair, les prix de rachat ne le satisfont pas pleinement. « Nous aurions souhaité 50 € de mieux » avoue le président de la Sica. Les huit viticulteurs membres du conseil d’administration avaient demandé 1 300 € par hl AP (base Fins Bois compte 2). Patrice Pinet ne les a pas suivis sur toute la ligne.
Dans une intervention au scalpel, le président de Courvoisier a livré son « sentiment de marché », quitte à provoquer quelques réactions épidermiques parmi les représentants professionnels (voir éditorial du dernier Paysan Vigneron). Extraits du discours de P. Pinet : « Dans une économie difficile, la filière Cognac fait figure d’exception : ses volumes croissent de 3,3 % et son chiffre d’affaire de + 16 %, grâce notamment au mix qualité et à l’innovation produit. Les prix ont évolué mais certains voudraient aller encore plus loin. Attention au réveil qui pourrait être douloureux ! Parmi les grandes logiques économiques, figure la maîtrise des prix. Pour le groupe Beam et sa marque phare Courvoisier, la croissance se réalise sur des bases très solides. Nous ne laisserons pas tomber nos marchés traditionnels. Au Royaume-Uni, la moitié de nos ventes se réalisent en hyper et supermarchés. Doit-on abandonner le marché anglais comme on l’a fait du marché français (- 12 % en 2012) ? Doit-on mettre en danger le marché VS aux Etats-Unis ou le marché russe sous prétexte que nos clients n’ont pas le pouvoir d’achat des classes asiatiques aisées ? Sur le mois de mars, les statistiques de ventes du Cognac affichent – 19 %, suite au problème des phtalates en Chine. J’espère que les ventes se rétabliront durant les mois à venir mais restons vigilants. »
Le P-DG de Courvoisier s’est ensuite livré à une digression sur la difficile prise de décision, dans un contexte volatil, aussi bien chez les viticulteurs que les marchands en gros ou les distillateurs. « Faut-il acheter, faut-il vendre des vignes, des stocks avec, certes l’espoir de réaliser une belle plus-value mais aussi le risque de perdre ? » L’occasion pour lui de glisser une allusion à la distillerie du Maine du Bois. En contrepoint, Patrice Pinet a rendu hommage à la Sica des Baronnies « pour la politique de confiance et de partenariat sécurisé qu’elle dispense. » Il a indiqué que sa maison, pour la récolte 2013, s’orientait vers une hausse des achats de l’ordre de 5 %.
Sica des Baronnies
Des contrats avec clapet anti-retour
Sécurité, visibilité et système de financement modulable sont les trois points forts mis en avant par Benoît de Sutter pour décrire le système contractuel de la Sica des Baronnies. Sans oublier le « clapet anti-retour ».
Avoir l’assurance d’être payé plus cher que le prix minimum garanti et en aucun cas moins cher. C’est le mécanisme que Benoît de Sutter désigne de l’expression imagée de « clapet anti-retour ». Le responsable des achats de la société Courvoisier y voit « l’un des piliers du fonctionnement de la Sica ». Le paiement à date fixe (le 15 avril, aussi bien pour les eaux-de-vie 00 que pour le dénouement des contrats de bonnes fins) constitue un autre point fort à ses yeux. A la sécurité s’ajoute la visibilité. « C’est important pour investir sur les exploitations. Ces principes sont chers à nos amis banquiers. » Enfin, l’engagement contractuel offre un financement modulable. En premier lieu, l’apporteur peut choisir l’engagement contractuel classique de la Sica, 65/35 (65 % vendus en 00 et 35 % en comptes d’âge) ou opter pour 100 % en 00 (une infime minorité des cas). Mais surtout, sur la partie bonne fin, il peut obtenir un financement représentant soit 40 %, soit 85 % de la valeur 00. Commentaire de B. de Sutter : « Au 15 avril, le viticulteur peut toucher jusqu’à 95 % de la valeur 00. Ce système de financement offre l’opportunité de lever de la trésorerie rapidement. »
Concernant les modalités de fixation du prix, à partir d’un prix minimum garanti calculé à l’entrée, le prix minimum garanti de rachat des bonnes fins fait l’objet d’un recalcul, pour intégrer les « vrais » frais financiers, la « vraie » évaporation. Le prix final de rachat additionne par ailleurs des éléments plus négociables comme la marge complémentaire de vieillissement. S’y ajoute cette année de manière systématique la prime qualité de 15 € ainsi qu’une prime d’engagement de 20 € par hl AP.