Le bourgeon de mars remplit les chars, celui d’avril le baril, celui de mai le chai

29 mars 2022

À la suite des gelées d’avril et de mai ayant pris à revers un printemps précoce l’an dernier (comme en mai 2019), l’hiver continue de s’étendre tranquillement durant ce mois de mars 2022. Les températures fraîches, malgré quelques poussées de douceur diurne, restent ancrées dans les journées charentaises. Le début repoussé du réveil de la vigne (qui nécessite des températures moyennes ne descendant pas en deçà des 10 °C) protège d’autant plus les premières feuilles à venir des gelées printanières. Une protection naturelle calendaire de bon augure après les nuits blanches d’avril et de mai 2021.
L’autre point noir du millésime précédent fut, bien évidemment, la pression sanitaire, comme en 2020 d’ailleurs, très précoce, annonciatrice d’une année dense. Le réveil végétatif de la vigne repousse d’autant les informations sur la virulence du mildiou en début de campagne printanière. Malgré la rosée, l’hiver fut plutôt sec, avec des gelées matinales régulières. Le début des beaux jours avec, ou non, son humidité donnera le la des travaux en vert et de la protection dans les semaines à venir.
De l’ouvrage avec la nature naissent l’angoisse et la beauté de l’incertitude.

De la campagne agricoleà la campagne militaire

Alors que le Conseil de l’Union européenne, présidé par la France jusqu’au 30 juin 2022, adoptait, le 15 mars dernier, une nouvelle salve de sanctions contre les oligarques russes, en interdisant « de vendre, de fournir, de transférer ou d’exporter, directement ou indirectement », des articles de luxe – dont le Cognac – « en Russie ou aux fins d’une utilisation dans ce pays », « dans la mesure où leur valeur dépasse 300 euros par article », le BNIC, questionné en amont de cette annonce, se voulait à la fois prudent et rassurant quant aux conséquences attendues sur les expéditions de cognac dans le contexte de guerre en Ukraine. « Le marché russe représente aujourd’hui moins de 3 % de la part de marché du cognac en volume. Néanmoins, nous sommes conscients de l’importance de ce marché pour certains de nos opérateurs. » Pour rappel, à fin février 2022, les expéditions en Russie (18e marché mondial) représentaient 0,44 % du marché mondial en volume, soit un peu plus d’un million de bouteilles expédiées sur la campagne, tandis que la Lettonie (6e marché mondial et plate-forme de redistribution vers le marché russe) représentait, à cette même date, 2,18 % des expéditions de cognac, pour 4,9 millions de bouteilles. A noter sur ce dernier marché une forte augmentation des expéditions sur les deux dernières décennies, passant d’envois quasiment inexistants au début du siècle à un niveau de près de 14 000 hl AP aujourd’hui, essentiellement sur des qualités jeunes. Ainsi et si les expéditions de cognac ne seront que peu impactées au global, certains opérateurs de la filière très investis sur ce marché subissant les conséquences économiques (et pas uniquement) de ce conflit, l’amont de la filière s’attend néanmoins aujourd’hui à subir les conséquences de l’inflation des coûts de production.

L’agronomie comme solution aux pénuries d’intrants ?

Si nous évoquions déjà, au sein de notre revue de novembre, l’affolement des cours des matières premières et notamment des engrais, dans un contexte alors à corréler à une crise sanitaire sans précédent, c’est aujourd’hui une crise géopolitique majeure qui accentue encore cette problématique, mettant les agriculteurs au pied du mur.
Dans un contexte où Russie et Biélorussie fournissent un tiers de la production mondiale de potasse et où 25 % des engrais européens proviennent du marché russe, alors que nos systèmes comptent encore largement sur des outils de performance agronomique produits en dehors du territoire national, la question de l’optimisation de l’utilisation des intrants se pose plus que jamais. Les leviers évoqués en novembre et tendant à positionner l’agronomie, l’utilisation de solutions alternatives, mais aussi la modélisation dans les itinéraires prennent alors encore davantage tout leur sens, permettant de reprendre – au moins en partie – les rênes, dans le but de sécuriser la production. Si les rendements pourraient temporairement en pâtir, c’est bien sur le long terme que l’approche doit être considérée, comme la garantie d’une exposition réduite aux fluctuations des marchés internationaux sur lesquels l’exploitant n’a aucune prise.
Si la durabilité était jusque-là en pôle position des enjeux de la filière, l’accélération du changement de modèle se justifie aujourd’hui encore plus par des motifs économique, financier mais aussi de souveraineté, encore accrue par l’inflation des cours du gaz qui, pour certains opérateurs de la filière, pourrait être éminemment impactante.
Le commencement de réponse apporté par l’actuel Président de la République et son ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation dans l’annonce du « Plan de résilience » gouvernemental sera-t-il à la hauteur des attentes et enjeux du monde agricole français ?

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