Le botrytis et les pourritures : Un danger permanent : Ne pas les sous-estimer en 2014

2 octobre 2014

L’obtention de raisins en bon état sanitaire au moment de la récolte est un élément primordial vis-à-vis de la préservation de la qualité des moûts qui sont libérés aux cours des diverses interventions technologiques durant les vinifications. Des raisins exempts de botrytis et de toutes autres formes de pourriture sont en mesure de libérer les composés qualitatifs sans risque qu’ils puissent être dégradés. À l’inverse, un état sanitaire dégradé engendre toujours divers processus d’altération qui s’avèrent toujours préjudiciables. La présence de botrytis provoque une perte de qualité au niveau de toutes les productions, les vins blancs, les vins rosés, les vins rouges, les pineaux, les vins de distillation et, bien sûr, les eaux-de-vie. Les conséquences du botrytis et des pourritures altèrent de nombreux composés, des teneurs en sucres plus faibles, des précurseurs d’arômes et des polyphénols dégradés… de moindres concentrations en azote, et un enrichissement en composés indésirables fragilisant la stabilité biologique des vins. Les raisins botrytisés hébergent une flore de micro-organismes, des levures, des bactéries des enzymes (la laccase) qui contribuent à fragiliser la conservation des vins et des composés responsables de déviations aromatiques et gustatives majeures.

Les vinificateurs ont parfois du mal à apprécier la présence du botrytis dans les lots de vendange récoltés mécaniquement dont l’intensité d’altération est faible à moyenne. La quantification des niveaux d’atteinte de botrytis au moment de l’arrivée des bennes au chai est toujours délicate, sauf si la vendange est très pourrie. La présence de baies éclatées totalement ou partiellement et de jus libre ne facilite pas les choses. Une juste appréciation du taux de pourriture ne pourra être effectuée qu’en observant l’état des raisins sur les souches dans les jours précédant la récolte. De petits niveaux d’attaque de pourriture (inférieurs à 10 %) sont trop souvent perçus par les vinificateurs comme peu dangereux, alors que ce n’est pas du tout le cas. L’impact qualitatif de faibles attaques de botrytis ne se révèle pas durant les vinifications mais ultérieurement au moment de la conservation des vins. Le potentiel aromatique des vins blancs donne l’impression de s’évaporer au fil des semaines et après quelques mois de conservation, les produits deviennent neutres. Au niveau des vins rosés et rouges et des pineaux rosés et rouges, la couleur se dégrade très rapidement et l’équilibre gustatif se dégrade aussi. L’impact des attaques de botrytis d’intensités faibles à moyennes semble souvent peu perceptible au niveau des vins de distillation. Les vins ont perdu une partie de leur potentiel aromatique mais ne présentent pas de défauts réels. Les déviations qualitatives apparaissent à l’issue de la distillation dans les eaux-de-vie avec des notes aromatiques de champignon et un manque de structure. Il arrive aussi que des  eaux-de-vie nouvelles qualifiées de neutres révèlent des défauts du type « note de champignon » après une à deux années de vieillissement.

2014 sera-t-il un millésime entaché par le botrytis ? En cette mi-septembre, il est impossible de le savoir. L’état de la vendange sur les souches permet seulement d’observer la présence de petits foyers (de faibles intensités) qui n’ont pas évolué depuis une quinzaine de jours. La structure des grappes compactes et assez lourdes pourrait représenter un facteur de sensibilité si des pluies abondantes venaient à se produire d’ici la fin du mois. Un gonflement rapide des baies provoquerait leur éclatement et serait à l’origine de nouveaux foyers de pourriture. Le suivi rigoureux de l’état sanitaire lors des contrôles de maturité est le seul moyen d’anticiper les conséquences du botrytis. À l’échelle de chaque propriété, la mise en place d’un suivi de l’évolution du botrytis dans plusieurs parcelles est le moyen fiable de cerner son évolution. C’est un outil qui peut contribuer à optimiser le planning de récolte et à isoler les lots de vendange à risque.

 

Les différentes familles de pourriture

La pourriture grise Un brunissement des pellicules et leur rupture. Des conséquences graves : la formation de laccase, perte en jus, perte en sucre, perte en acidité, perte d’arômes, perte de couleur.

La pourriture grise peut évoluer vers d’autres formes de pourriture :
– Pourritures blanches, vertes, bleues.
– Pourritures acides, aigres.

Les pourritures blanches, vertes apparition d’odeurs et de goûts désagréables.

Les pourritures acides, aigres présence de bactéries lactiques et acétiques, entraînent des altérations du type piqûres lactiques et acétiques sur souches.

Les acides du raisin dégradés

Les acides maliques et tartriques sont dégradés d’une façon proportionnelle à l’intensité du développement de la maladie :
– une attaque faible à moyenne et courte aura peu d’incidence
– une attaque précoce et intense aura des conséquences significatives

La pourriture acide entraîne la formation dans des quantités importantes d’acides fixes (comme l’acide gluconique), d’acidité volatile et d’acétate d’éthyl.

Une aptitude à combiner le soufre

Les moûts et les vins issus de vendange botrytisée combinent davantage le soufre en raison de la présence en quantités nettement plus importantes d’acides cétoniques.

Le déroulement du processus fermentaire issu de moûts botrytisés provoque la formation de quantités importantes de ces acides cétoniques.

Des apports de thiamine, d’azote ammoniacal, d’oxygène (par un remontage à l’air) et d’acti-vateurs de fermentation permettent de limiter l’enrichissement en acides cétoniques au cours de la fermentation alcoolique.

Plus de composés minéraux et moins d’azote ammoniacal

Le développement de la pourriture entraîne une augmentation de la concentration en composés minéraux (Na, K, phosphates…).

Une diminution des composés azotés de la forme ammoniacal qui constitue la base alimentaire des levures.

Une augmentation des composés azotés sous la forme protéique.

Une augmentation de la teneur en glycérol.

Un enrichissement des moûts et des vins en substances colloïdales (dont le glucane qui peut être partiellement éliminé par l’apport de glucanase) qui gêne considérablement les clarifications naturelles (et les filtrations) et nuit à la qualité des lies.

Une perte de composés aromatiques

Le botrytis contribue directement à la dégradation des arômes.

L’apparition de défauts bien connus de type moisi, phénolé, iodé… est très difficile à atténuer. Les déviations aromatiques peuvent mettre un certain temps à s’extérioriser dans les vins (2 à 3 mois), ce qui peut conduire les viticulteurs à sous-estimer les conséquences de la pourriture aussitôt les fermentations alcooliques terminées.

Les déviations aromatiques liées au botrytis peuvent être accentuées dans les eaux-de-vie car l’alambic concentre naturellement les composés aromatiques des vins. Des vins de distillation francs de goût à la dégustation mais issus de vendange botrytisée peuvent donner des eaux-de-vie avec un nez de « moisi ou de champignon ». Ne jamais utiliser des lies issues de vendanges botrytisées.

La laccase détruit les polyphénols

Le botrytis provoque la formation en quantité importante d’enzymes pectolitiques dont la plus connue est la laccase. Cette
enzyme est localisée dans la pellicule des baies et lors de la récolte et du transfert de la vendange, elle est immédiatement dispersée.

La laccase possède une action destructrice au niveau des polyphénols et elle constitue un danger majeur pour la qualité des pineaux rosés et des vins rouges. L’effet de la laccase a ten-dance à s’accentuer au fil des mois et des années d’élevage. Cela provoque un vieillissement accéléré et une usure prématurée de la couleur et de la structure des vins rouges et des pineaux rosés et rouges.

L’isolement de lots, de vendanges, de moûts ou de vins présentant un niveau d’activité laccase anormalement élevé constitue une priorité pour le vinificateur.

Comment identifier efficacement la présence de pourriture au niveau de la vendange et des moûts

L’observation de la vendange et la dégustation des moûts arrivant au chai doivent être complétées par d’autres moyens dès que le vinificateur doute de l’état sanitaire.

Il faut essayer d’avoir une approche sur plusieurs paramètres pour identifier la présence des pourritures :
– Etre informé de l’état sanitaire des raisins sur les souches avant la récolte.
– Le dosage de la laccase caractérise l’activité du botrytis à un moment donné.
– Le dosage de l’acide gluconique caractérise l’effet cumulé du botrytis et des microorganismes secondaires engendrant la pourriture acide. Sur vendange ou sur moût, il pourrait être systématisé.
– Le dosage de l’acidité totale est un indicateur de la pourriture acide en comparaison avec l’acidité totale de raisins sains.
– Le dosage de l’acide volatile est caractéristique de la pourriture aigre. A la récolte, des moûts issus de vendange saine ont une acidité volatile inférieure à 0,10.

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PRINCIPES GÉNÉRAUX

Le développement du botrytis au cours de la maturation provoque toujours des déviations qualitatives majeures, pertes d’arômes, fragilité de la couleur, sensibilité aux altérations bactériennes… qui sont malheureusement irréversibles.

Au cours de la maturation, les pellicules des baies deviennent naturellement plus sensibles aux attaques de pourritures et le Botrytis cinerea peut prospérer de manière spectaculaire à la faveur de conditions climatiques chaudes et humides. Les conséquences de la maladie sont de deux ordres, l’une directe liée à la rupture des pellicules entraînant une altération de tous les composés contenus dans les baies, et l’autre indirecte découlant de la prolifération de microorganismes indésirables (levures, bactéries lactiques et acétiques) et de moisissures au sein des baies altérées. La dégradation de l’état sanitaire ne se développe pas de manière homogène dans les parcelles. Les vinificateurs doivent être attentifs à la qualité de la vendange, qui peut varier rapidement au sein d’une parcelle ou d’un îlot. L’identification des lots de raisins altérés et du type de pourriture représente un acte œnologique important pour justement séparer cette vendange à risque et la traiter avec les moyens qui s’imposent.

 

Un impact qualitatif fort "des pourritures" sur les eaux-de-vie
Le botrytis modifie de manière forte la structure qualitative des moûts et aucun moyen correctif au cours de la vinification permet d’en éliminer les conséquences. Les composés issus du botrytis et des autres formes de pourriture présentent dans les moûts et les vins modifient profondément la structure qualitative des eaux-de-vie. Les interventions de traitement de la vendange deviennent très délicates à conduire en raison d’une part de la libération de quantités de bourbes importantes et d’autre part de l’extraction de nombreux composés indésirables (levures, bactéries, laccase…).
L’impact des attaques des différentes formes de pourriture est à l’origine de déviations aromatiques dans les eaux-de-vie nouvelles parfois discrètes aussitôt la distillation (un potentiel aromatique très limité et pas de défaut réel) ou marquées nez de champignon avec des notes phénolées. Par contre, les eaux-de-vie qualifiées de neutres au départ peuvent extérioriser des défauts marqués de type champignon au bout d’une à deux années de vieillissement.
Des recherches de la Station Viticole du BNIC ont permis de relier le défaut « nez de champignon » dans les eaux-de-vie à la présence d’un composé olfactif responsable de cette déviation qualitative : le 1-octène-3-one. La relation entre la présence de marqueur et les attaques de botrytis sur les raisins a été établie et validée.
Le 1-octène-3-one, bien qu’étant réellement un marqueur de l’incidence négative du botrytis sur la qualité des eaux-de-vie, n’est pas forcément un élément révélateur de la présence de la flore associée.
En présence de fortes attaques de botrytis, de nombreuses interrogations existent au niveau de la qualité des lies.
Pour limiter l’impact qualitatif du botrytis, il est possible d’utiliser un adjuvant, le Trubex, qui facilite la filtration des moûts au cours du cycle de pressurage. Des essais réalisés au cours des dernières années ont mis en évidence l’efficacité de ce produit qui limite les extractions de bourbes et de certains composés liés aux différentes pourritures. La réalisation de décantations rapides des moûts est aussi un autre moyen qui permet de limiter l’impact du botrytis. La réussite de cette intervention est très liée aux conditions de sa mise en œuvre (températures des moûts et moyens technologiques).

 

 

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