Le BNIC reconnu ODG

31 janvier 2011

Le 13 décembre dernier, la commission permanente de l’INAO a validé la reconnaissance du BNIC comme ODG. L’interprofession de Cognac devient la seule interprofession viticole française à avoir le statut d’ODG (Organisme de défense et de gestion de l’appellation). Au sein du BNIC, la section ODG exerce ses missions de manière distincte et conserve son autonomie de décision. Le législateur y a veillé et la viticulture aussi.

 

guionnet_lepage.jpgRevenons à la genèse de l’histoire. Dans les années 2005-2006, est lancée la grande réforme de l’INAO. Sa philosophie ? Faire du contrôle le fil rouge qui s’exercera tout au long de la chaîne de production. Exit l’agrément « cerise sur le gâteau », une fois le vin tiré… et en bouteille. Dorénavant l’appellation se revendique « sur facture », c’est-à-dire sur preuve du travail bien fait. Cette réforme, initiée par la loi d’orientation du 5 janvier 2006, donnera naissance aux fameux ODG (organismes de défense et de gestion), chargés de veiller à l’orthodoxie des appellations. S’en suivront cahiers des charges, plans de contrôle, habilitation des professionnels… L’ODG Cognac se met en place en juillet 2007. Ressemblera-t-elle aux autres ODG viticoles, confiées aux syndicats de défense de l’appellation ? Non. Le particularisme charentais parle, une nouvelle fois. Des représentants viticoles tentent bien de résister mais un accord se conclu aux forceps. Il débouche sur une ADG (Association de défense et de gestion) « adossée » à l’interprofession et bien entendu de nature paritaire, c’est-à-dire composée à 50/50 de viticulteurs et de négociants, avec cependant une voix prépondérante pour le président, toujours viticulteur. Va-t-on en rester là ? Le 10 juin 2009, l’assemblée générale de l’ADG Cognac vote son rattachement au BNIC. C’est le feu vert pour que l’interprofession dépose auprès de l’INAO une demande de reconnaissance en tant qu’ODG. Car l’ordonnance du 7 décembre 2006 créant les ODG le lui permet. A l’article L 642-19 du Code rural créé par l’ordonnance (voir texte ci dessous) il est dit en substance que pourront être reconnus ODG les syndicats de défense mais aussi les interprofessions « qui ont exercé un rôle de défense de l’appellation avant le 1er janvier 2007 ».

La décision des professionnels déclenche tout un processus juridique, que va porter la nouvelle directrice du BNIC Catherine Le Page assistée des services du BNIC. Une grosse partie du travail consiste à apporter la preuve que, historiquement, le BNIC a bien joué un rôle de défense de l’appellation et, qu’à ce titre, il peut donc être reconnu comme ODG. A Cognac, plusieurs structures peuvent prétendre à la qualité de syndicats de défense mais le BNIC, indiscutablement, fut omniprésent dans la défense et la gestion de l’appellation. Des éléments factuels sont avancés, comme la consultation systématique de l’interprofession par l’INAO à chaque modification réglementaire…

La demande officielle de reconnaissance est déposée le 15 juillet 2010 sur les bureaux de l’INAO et du ministère de l’Agriculture. En septembre, est reçu à Cognac le cabinet du ministre de l’Agriculture puis le directeur de l’INAO fin octobre. Le jeudi 16 décembre 2010, la commission permanente de l’INAO, siégeant à Paris, valide la demande du BNIC. Dans la foulée, l’interprofession de Cognac, réunie le lundi 20 décembre en assemblée plénière ordinaire puis extraordinaire, modifie ses statuts. A l’article 8 des statuts est créée une section ODG. Comme auparavant, le fonctionnement de la section ODG repose sur la parité. Son conseil d’administration se compose toujours de 17 viticulteurs (dont le président) et 17 négociants (dont le vice-président). Pour la prise de décision, un système original de navette est instauré.

« le dernier mot »

C’est là l’illustration de la reconnaissance du BNIC comme ODG. Toute proposition soumise à l’ODG doit d’abord être discutée en assemblée plénière du BNIC. Par contre, en cas de désaccord entre la section ODG et l’interprofession, la section ODG a le dernier mot. Sur toutes les missions de l’ODG, la position de l’Organisme de défense et de gestion l’emporte, y compris sur le sujet le plus polémique, la proposition de rendement. « Le président reste un viticulteur et les décisions, en cas de litiges, reviennent à l’ODG. Ce dispositif est de nature à lever les craintes de mainmise » a précisé Catherine Le Page lors de la conférence de presse donnée à l’issue de l’assemblée plénière. Ceci dit, la parité viticulture/négoce s’exercera dans les deux enceintes. Ce qui devrait donc largement déminer les situations de bras de fer. La viticulture souligne cependant l’équilibre subtil qui s’instaure. « L’interprofession est reconnue ODG sous réserve que la prise de décision de l’ODG soit totalement libre. » Elle insiste aussi sur le fait que l’ODG soit reconnue comme une section à part entière et non comme une simple commission de l’interprofession. « Qui dit section dit fonctionnement démocratique et représentation de toutes les composantes de la viticulture via des élections libres. » Au lieu de la section, la commission interprofessionnelle aurait-elle pu s’imposer ? « Non, tout le monde avait bien en tête que la viticulture avait accepté la reconnaissance du BNIC en tant qu’ODG à condition d’obtenir cette section. D’ailleurs le texte créant les ODG parle bien d’une section et non d’une commission. »

Comme le prévoit la réglementation, la section ODG du BNIC sera dotée d’une autonomie financière et d’une autonomie de management. Le budget prévisionnel s’élève à 180 000 €, financé par une cotisation spécifique. Pour les viticulteurs, la cotisation volontaire représentera 0,18 € par hl AP commercialisé. Le prélèvement ne s’effectuera pas trimestriellement comme pour les CVO (cotisations volontaires obligatoires) mais semestriellement, compte tenu des montants.

Hasard du calendrier, trois ans se sont écoulés depuis les précédentes élections ADG (du 26 mai au 11 juin 2008). Les prochaines élections auront lieu en juin-juillet 2011. Ainsi les syndicats viticoles s’apprêtent à vivre une nouvelle campagne élective (voir encadré). Comme en 2008, le renouvellement du BNIC suivra de près les élections ODG. Et, là aussi, le scrutin ODG servira de référence pour nourrir les rangs viticoles à l’interprofession. « Ce ne seront pas forcément les mêmes personnes mais oui, il y aura une harmonisation entre les deux. Sinon, nous aurions un monstre à deux têtes » commente un observateur. A n’en pas douter, un fort enjeu professionnel entourera ces élections.

Viticulture – Election à l’ODG Cognac
Enchères et en os
A la recherche de la « pole position », les syndicats viticoles font déjà vrombir le moteur. A qui la meilleure stratégie pour convaincre la viticulture de mettre le bon bulletin dans l’urne ?
Les premières élections à l’ADG Cognac, du 26 mai au 11 juin 2008, n’avaient mobilisé que 1 700 votants sur les 6 000 viticulteurs de la région délimitée. Normal ! L’ADG venait juste d’être créée et ne comptait encore qu’un peu plus de 2 000 adhérents. Arriver à en capter presque 80 % constituait déjà une belle performance. L’édition 2011 devrait ratisser beaucoup plus large puisque tous les producteurs de Cognac sont potentiellement membres de l’ODG Cognac. Il s’agira alors d’un vrai test de représentativité. « Il y a trois ans, tous les viticulteurs n’avaient pas compris les enjeux » relève un témoin. « Cette fois, ils sont beaucoup plus au fait. Ils connaissent l’impact du scrutin, tant au niveau de l’ODG que du BNIC, puisque le vote sert aussi de test de représentativité pour le renouvellement de l’interprofession. »
debriefing_odg.jpgL’élection à la section ODG du BNIC est prévue de se dérouler fin de printemps 2011. Comme précédemment, le vote se fera par correspondance. Les viticulteurs recevront chez eux le matériel électif.
Avec ce vote à l’ODG, de quoi est-il question ? Pour la viticulture, il s’agira d’élire dans un premier temps ses 68 délégués. Dans un second temps, ces délégués désigneront eux-mêmes les 17 représentants viticoles siégeant à la section ODG proprement dite. En effet la section ODG du BNIC – équivalente à un conseil d’administration – compte 34 membres, répartis en deux collèges, de 17 membres chacun, viticulture et négoce.
En 2008, trois listes syndicales avaient concouru, celles du SGV, du SVBC et du Modef ainsi que des candidats indépendants. Sur les 68 postes à pourvoir, le SGV avait obtenu 37 postes et le SVBC 31.
A quelques mois des élections 2011, les syndicats viticoles fourbissent leurs arguments sinon leurs armes. Le SVBC, présidé par François-Jérôme Prioton, confirme que son « fil rouge » restera « la défense du maximum de rentabilité sur les ha » ainsi que « l’amélioration de la régulation de nos productions ». A ce titre, le quota d’exploitation sera sans doute à l’épicentre de la communication du SVBC. Sa réunion annuelle dite « de mise au courant », programmée en février, servira de rampe de lancement à la campagne du syndicat.
Au SGV, Christophe Forget, président de la formation, revendique un syndicat « au service et à l’écoute des viticulteurs. » Après l’arrivée en rafale de nombreuses réformes – affectation parcellaire, réserve climatique, réserve de gestion, plan de contrôle… – il propose que les viticulteurs « s’approprient les outils », quitte à chercher à les rendre plus efficaces, « avec pragmatisme ». Le syndicat défendra sans doute une affectation en deux temps, qui correspond, dit-il, « à une forte demande des viticulteurs ». De même il proposera de réfléchir à une meilleure valorisation des excédents. Mais, précise Christophe Forget, « pour nous cette valorisation ne passe pas par la disparition du potentiel ».
Au plan stratégique, le SVBC joue une nouvelle fois l’audace voire la provoc., quitte à mettre dans l’embarras l’autre syndicat. Il propose rien de moins qu’une liste commune SGV/SVBC. « Nous tendons la main au SGV pour porter un projet commun » exprime son président F.-J. Prioton. « Nous avons cru comprendre que l’on nous reprochait d’avoir divisé la viticulture. Ce qui est sûr, c’est que les viticulteurs veulent autre chose que la guerre entre nous. Nous avons retenu la leçon du premier scrutin ADG et nous proposons de faire liste commune avec le SGV. Nous sommes bien capables de travailler ensemble au sein de FVPC (la Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac). Malgré les points de divergences, nous arrivons à dégager des compromis et convaincre. Quand les arguments n’arrivent pas à convaincre, c’est qu’ils ne sont pas bons. » Le SVBC reconnaît que son projet de liste commune « ne séduit pas plus que cela le SGV » mais persévère dans sa proposition de « main tendue ». « Une campagne électorale classique est forcément dure et laisse toujours des traces. »
Christophe Forget a eu connaissance de l’idée. « Pourquoi pas dit-il. Montrer l’image d’une viticulture unie serait plutôt une bonne chose. Mais, poursuit-il, il ne pourrait s’agir que d’une liste ouverte, qui laisse le choix aux viticulteurs. Présenter une liste verrouillée, comptant juste le nombre de candidats éligibles, n’offrirait aucun intérêt. Ce ne serait plus une élection mais une cooptation. Les viticulteurs souhaitent avoir le choix. » Le SGV appelle, quant à lui, « à une plus grande représentativité géographique des délégués ». « Des zones sont sur-représentées et d’autres sous-représentées. A l’image de notre syndicat, nous plaidons pour une plus juste répartition géographique. » Dans les deux mois qui viennent, le SGV va procéder au renouvellement de ses 224 délégués, avec une dizaine de réunions de secteurs à la clé*, puis lancera à nouveau un cycle de réunions en avril-mai, avant les élections.

 

Article L 642-19 du Code rural créé par ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 – « Une organisation interprofessionnelle ne peut se voir reconnaître la qualité d’organisme de défense et de gestion que si elle a été reconnue (comme une interprofession) et qu’elle assumait au 1er janvier 2007 les missions dévolues jusqu’à cette date aux syndicats de défense des appellations d’origine.
L’organisation interprofessionnelle qui se voit reconnaître comme organisme de défense et de gestion assure de façon distincte les missions qui lui sont dévolues au titre de chacune de ces qualités.

 

 

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