Le bon sens et la volonté d’anticiper le développement de foyers de fortes intensités d’une dizaine de responsables de propriétés issus des ODG viticoles du Libournais (1) ont permis de construire un projet global fondé sur la surveillance biologique du territoire viticole. L’idée de départ était de connaître avec précision le degré d’implantation de la maladie sur la totalité du territoire pour ensuite mettre en place une stratégie de lutte innovante permettant de gérer la couverture insecticide de façon différenciée entre les zones réellement infestées et les secteurs sains.
Maîtriser la maladie tout en respectant l’environnement
Philippe Bardet, l’un des vignerons ayant joué un rôle moteur au moment de la création du Gdon, considère que les aspects environnementaux ont joué un rôle majeur pour la mise en œuvre de cette démarche : « L’apparition de foyers de FD dans diverses zones du vignoble bordelais nous inquiétait depuis quelques années, mais le vignoble du Libournais n’était pas encore touché. La découverte de quelques ceps infestés dans la grande zone du St-Emilionnais à l’automne 2006 a changé totalement le contexte. Le danger était à quelques kilomètres de nos vignobles et avec quelques collègues soucieux de concilier efficacité et respect de l’environnement, on s’est dit qu’il fallait mettre en place une stratégie de lutte globale et raisonnée. Si la maladie n’était pas détectée précocement, son développement allait être spectaculaire. Par ailleurs, à l’intérieur des PLO, la perspective de réaliser une couverture insecticide permanente pendant des années ne nous paraissait pas être une solution satisfaisante vis-à-vis des attentes environnementales justifiées des consommateurs et des objectifs de réduction des intrants dans le cadre du projet Ecophyto. Le petit groupe de vignerons partageant cette philosophie est arrivé à convaincre l’ensemble des collègues du grand Libournais de mettre en place une démarche technique de surveillance biologique du territoire inédite. C’était un vrai challenge qui, quatre ans plus tard, a démontré son efficacité. »
Un banc d’essai pour la méthode des cercles de lutte sur 12 200 ha
Le Gdon du Libournais couvre actuellement un territoire de 12 200 ha répartis sur 16 communes comprenant 1 300 châteaux. Cette aire de production représente une entité homogène qui possède deux limites géographiques naturelles, d’un côté l’Isle et de l’autre la Dordogne. Seule une zone est directement concomitante à d’autres vignobles, ceux des Côtes de Castillon et de Bordeaux. En 2007, le périmètre d’activité du Gdon englobait d’ailleurs plusieurs communes de cette zone représentant 1 000 ha qui se sont retirées de l’action au bout d’une campagne. Les responsables n’ont pas souhaité pérenniser à l’époque leur adhésion au projet de lutte, compte tenu de l’absence de FD. Or, deux ans après ces communes ont vu réapparaître la maladie et ont intégré d’autres Gdon en 2010 et 2011. Au printemps 2007, une fois la constitution du Gdon officialisée par l’ODG, le recrutement d’une équipe technique a été lancée pour mettre en place un dispositif de surveillance des vols de cicadelles autour des deux foyers qui avaient été identifiés de façon fortuite. Antoine Verpy, un jeune ingénieur de Bordeaux Sciences Agro (l’Enita de Bordeaux), a été recruté pour mettre en la place la stratégie de lutte en s’appuyant sur la technique des cercles créée par M. Maarten Van Helden, enseignant chercheur à l’Enita de Bordeaux.
Une stratégie de lutte implantée dans l’urgence en 2007
Les zones limitrophes plus infestées de ceps isolés en 2011
2007 a été l’année « du baptême du feu » pour le Gdon du Libournais après que le SRAL Aquitaine ait validé la feuille de route de cette nouvelle entité. Les responsables du Sral et tout particulièrement son chef de service, M. Simon, ont soutenu le projet et fixé des objectifs de travail en souhaitant la réalisation des prospections sur l’ensemble des surfaces. La création de la structure étant intervenue au mois de mars ne permettait pas d’envisager la mise en œuvre de prospections avant l’automne suivant. Néanmoins l’identification à l’automne 2006 de deux foyers distants de 5 km (l’un à Lussac et l’autre à Montagne) a permis de constituer deux cercles de lutte autour des zones infestées. Une surveillance des vols de cicadelles a été mise en place sur le territoire en implantant plus de 300 pièges qui, de fin mars à début octobre, étaient relevés deux fois par semaine (une fois par le technicien et une fois par le vigneron). La densité des pièges varie en fonction du niveau de risque FD (1 piège/5 ha à proximité des foyers et 1 piège/40 ha à plus de 2 km). La lutte insecticide est également modulée en fonction du gradient de risque. Dans un rayon de 0 à 500 m autour du foyer, les trois traitements sont obligatoires. Ensuite, entre 500 m et 2 km et au-delà 2 km, le premier traitement reste obligatoire mais les autres sont positionnés en fonction des captures de cicadelles. Ce principe a évolué au fil des années en tenant compte de la gravité des foyers. Un foyer de 5 ceps contaminés représente un danger potentiel moindre pour l’environnement proche que 50 ou 80 souches porteuses de la maladie. Au cours du mois d’août 2007, la prospection de l’ensemble des surfaces a été organisée en faisant appel à un prestataire de travaux viticoles régional, la société Banton Lauret. L’équipe de techniciens du Gdon a organisé les prospections sur toutes les communes en passant dans les vignes étroites et basses tous les 4 rangs. Les résultats des prospections 2007 ont révélé la présence de deux nouveaux foyers (5 ceps). Les années suivantes, les prospections ont été volontairement limitées à ¼ des surfaces pour que les coûts de la prestation demeurent acceptables. Les résultats restent très encourageants même si, au cours des deux dernières années, la proportion de ceps isolés porteurs de la maladie est en augmentation dans certaines zones du Gdon limitrophes d’autres secteurs viticoles infestés plus récemment.
Une réaction objective face à la situation 2011 dans le Libournais et en Gironde
Des techniciens formés encadrent des équipes de marcheurs-prospecteurs salariés
Adapter les méthodes de prospection aux spécificités du territoire viticole
A. Verpy estime que l’organisation des prospections au sein du Gdon du Libournais donne satisfaction : « La méthode de travail que nous mettons en œuvre pour réaliser les prospections nous semble adaptée aux spécificités des vignes de notre zone. Le fait de faire appel à un prestataire de service qui dispose de personnel indépendant des propriétés et habitué à réaliser des travaux manuels dans le vignoble représente à notre sens un avantage non négligeable. La proportion de petites parcelles à forte densité représente une contrainte pour la recherche des symptômes à laquelle les techniciens sont particulièrement sensibilisés. Ils jouent un rôle essentiel dans le bon déroulement des travaux. C’est pour cela que nous faisons appel à des gens bien formés et soucieux de s’investir dans un travail rigoureux. Dans une zone à prospecter, aucune parcelle ne doit être oubliée, sinon tout le dispositif s’effondre. Nous n’avons pas la prétention de penser que notre méthode d’organisation des prospections est un modèle susceptible d’être mis en œuvre dans toutes les zones viticoles touchées par la FD. L’un des points clés pour réussir la lutte est de toujours mettre en œuvre des méthodes de travail adaptées aux spécificités du contexte de production local. C’est ce que l’on a cherché à faire au niveau des prospections et de la surveillance biologique du territoire. Dans d’autres Gdon, l’organisation des prospections est envisagée autrement, soit avec le personnel salarié des grandes propriétés ou soit avec des équipes de prospecteurs salariés plus réduites travaillant sur une longue période (de la mi-juillet à la chute des feuilles) et cela donne de bons résultats aussi. »
70 à 80 % d’économie de traitements obligatoires
Le suivi des vols de cicadelles sur tout le territoire du Gdon est également une démarche capitale pour moduler la lutte insecticide d’une façon maîtrisée. Chaque année, un réseau de 200 pièges est surveillé de début mars à la fin septembre. Cette action mobilise des compétences humaines bien structurées avec la présence sur le terrain de deux ingénieurs à plein-temps (Antoine Verpy et Frédéric Gil) et de trois techniciens pendant 6 mois. Passer dans chaque parcelle une fois par semaine, formaliser ensuite les résultats, les transmettre aux 1 000 propriétés de la zone et nourrir la banque de données du site internet du Gdon (2) représentent un pool d’activité permanent pendant toute la phase végétative. A l’issue de la campagne 2007, le réseau d’observation biologique des cicadelles a donné parfaite satisfaction pour piloter la couverture insecticide de manière différenciée sur toute l’aire du Gdon.
D’autres prestations de suivi biologique pérennisent l’activité du Gdon
Très rapidement, les ingénieurs et quelques professionnels ont proposé aux vignerons d’utiliser les réseaux d’observations pour la surveillance d’autres organismes nuisibles (les vers de la grappe, la cicadelle verte) et la mise en place d’un réseau de parcelles témoins dédié au suivi de l’apparition de maladies cryptogamiques comme le mildiou, l’oïdium et le botrytis. Cette évolution de l’activité du Gdon a permis à la fois de pérenniser l’investissement technique dans la lutte contre la FD et d’en amortir plus facilement le coût en proposant d’autres prestations. Cela traduit aussi l’engagement des vignerons du Libournais de s’engager durablement dans une démarche de réduction d’utilisation des produits phytosanitaires et dans une stratégie de préservation de la biodiversité au sein de leur territoire. Chaque année, une enquête sur les pratiques de traitements est réalisée pour apprécier l’impact de l’investissement technique du Gdon. En 2011, la lutte insecticide obligatoire contre la cicadelle de la FD n’a concerné que 19 % des surfaces, ce qui représente une réduction de traitements de 81 %. En moyenne, les réductions d’utilisation d’insecticides se situent entre 70 et 80 % depuis 2008.
20 €/ha de charges supplémentaires générant une économie de plus de 40 €/ha
(1) Les ODG viticoles du Libournais regroupent les appellations de St-Emilion (St-Emilion, St-Emilion Grand Cru, Lussac St-Emilion, Montagne St-Emilion, Puisseguin St-Emilion et St-Georges-de-St-Emilion), les appellations de Pomerol (Lalande de Pomerol et Pomerol) ainsi qu’une partie des appellations Bordeaux et Bordeaux supérieur situées sur les communes des Artigues-de-Lussac, Libourne et St-Sulpice-de-Faleyrens.
(2) site : www.gdon-libournais.fr
Les points clés du Gdon du Libournais
• Un PLO de 12 200 ha réparti sur 16 communes et touchant 1 200 châteaux.
• Création du Gdon en 2007, suite à ladécouverte de 2 foyers.
• Prospection totale des surfaces en août 2007, puis d’un quart des surfaces chaque année.
• Les prospections sont réalisées en faisant appel à un prestataire de travaux viticoles régional, la société Banton & Lauret.
• Une surveillance biologique permanente du territoire depuis 4 ans.
• Un réseau de suivi des vols de cicadelles s’appuyant sur 300 pièges.
• Une équipe technique constituée de 2 ingénieurs à plein-temps et de trois techniciens présents d’avril à octobre
• Le développement d’autres actions techniques de suivi des tordeuses et d’un réseau de parcelles témoins.
• Une diffusion hebdomadaire par mail d’un bulletin d’information de début avril à octobre.
• Un site Internet pour accéder à l’intégralité des actions techniques : www.gdon-libournais.fr
• Un coût à la charge des vignerons de 20 € ht/ha.
Le Pyrévert® est aujourd’hui l’unique substance commerciale homologuée en Agriculture Biologique pour la lutte contre les cicadelles de la flavescence dorée. Cette courte synthèse rappelle les modalités d’application de ce produit pour maximiser son efficacité.
Les bonnes pratiques lors de l’application
Le Pyrévert® est un pyrèthre naturel qui agit par action de choc. Bien utilisé, son efficacité est quasiment comparable à des spécialités commerciales de synthèse. Toutefois, son origine naturelle le rend facilement dégradable. Voici les 8 étapes clefs de la réussite du traitement :
Quantifier l’efficacité des traitements
L’éclosion des oeufs de cicadelles de la flavescence dorée est généralement très échelonnée. Différents stades larvaires sont présents à la même date dans la vigne. Le Pyrévert® ayant une rémanence d’action relativement limitée, il est parfois difficile voire impossible de détruire toutes les larves avec un unique traitement, particulièrement dans le cas de fortes populations initiales.
Le comptage larvaire est un excellent moyen de quantifier l’efficacité du traitement. Les larves de cicadelles de la flavescence dorée sont des petites larves blanches, situées en face inférieure des feuilles de vignes. Elles ressemblent grossièrement à des larves de cicadelles vertes mais se distinguent par 2 critères : la présence de 2 points noirs en bas de l’abdomen et leur comportement « sauteur » lorsqu’on les dérange (au contraire les larves de cicadelles vertes se déplacent en crabe et ne sautent pas).
Un comptage sur 100 feuilles dure en moyenne 10 minutes. On peut trouver jusqu’à 130 larves pour 100 feuilles de vigne dans les cas de fortes populations.
Environ 3 à 4 jours après le traitement, il est possible de passer à nouveau dans les vignes pour qualifier son effet. Si les résultats du comptage démontrent un maintien d’une population de cicadelles de la flavescence dorée survivante supérieure à 3 %, un nouveau traitement doit alors être appliqué.
Ce message résume les conclusions de la réunion technique « Pyrévert ® » 2011. Elle a rassemblé les GDON de Gironde, la FREDON et le SRAL Aquitaine, le CIVAM BIO 33, AgroBioPérigord, le Syndicat des Vignerons Bio d’Aquitaine, la Chambre d’Agriculture de Gironde, la firme phytosanitaire SAMABIOL.