Courtiers en vins et spitirueux : 56ème congrés national

29 juin 2010

C’est bien connu. Les courtiers n’apprécient rien tant que la discrétion. La confidentialité est leur marque de fabrique. Pourtant, de loin en loin, ils aiment se rencontrer et échanger sur les arcanes de la profession. Le congrès national, biannuel, fait partie de ces occasions. Cognac a accueilli le 56e congrès de la Fédération nationale des courtiers en vins et spiritueux les 6 et 7 mai dernier.

beguin_fourmont.jpgVoilà une bonne vingtaine d’années que les courtiers des Charentes n’avait pas reçu leurs homologues des autres régions de France. Patrick Béguin, le président des courtiers charentais et son « team congrès » resserré (15-20 collègues) ont donc jeté toutes leurs forces dans la préparation de cette manifestation. S’ils ont anticipé très tôt l’événement – il y a presque un an – le résultat s’est révélé à la hauteur de leurs espérances. La satisfaction se lisait chez la soixantaine de congressistes, accompagnés pour certains de leurs épouses (ou époux)… Lors du déjeuner du 7 mai qui réunissait, en plus des congressistes, 90 invités de la région délimitée (représentants des maisons de négoce, bouilleurs de profession, membres de l’administration, responsables professionnels…), une exceptionnelle « ronde des Cognacs » captait tous les regards. Alors qu’au centre sur une grande table nappée de blanc trônait une chaudière en état de fonctionnement (maison Chalvignac), autour était proposé à peu près tout ce que la région peut compter de Cognacs. A la fin du repas, les courtiers furent invités à se déplacer pour goûter les Cognacs de leur choix, en profitant des commentaires de dégustation des collègues du cru. Sentiment assez réjouissant de voir l’effervescence que peut provoquer le Cognac auprès d’amateurs éclairés (et français). « J’adore ça » confiait Vincent Duntze, à la tête d’un gros cabinet de courtage en Champagne. Dans une partie de la salle, les courtiers avaient concocté une autre collection, celle de bouteilles de Vin de pays charentais. D’ailleurs, au cours du déjeuner, ne furent servis que des Vins de pays charentais. Durant les deux jours, en plus de leurs travaux, les courtiers ont visité deux maisons de Cognac (Hennessy et Martell), les chais ORECO, profité d’une présentation de Jérôme Durand, directeur marketing et communication du BNIC. A chaque fois, ils furent « piqués » au Cognac. « Nous n’avons pas de châteaux plus beaux que le Bordelais ni de propriétés plus prestigieuses que la Bourgogne mais nous avons un stock et un produit incroyables » résume Patrick Béguin. Ainsi les courtiers ont-ils découvert les chais de l’ORECO, qui renferment 15 % du stock régional. Ils se sont également familiarisés avec la langue du Cognac. « Ici, l’on déguste de l’alcool à 70 % vol. Cela change un peu du vin. »

« les guetteurs du marché »

Yves Fourmon, président de la Fédération nationale des syndicats de courtiers en vins et spiritueux, est un Champenois pure souche. A Reims, son cabinet de courtage partage le même immeuble que celui de V. Duntze. Cet homme à la syntaxe parfaite, parle bien de son métier. « Nous sommes un peu les guetteurs du marché » dit-il. La profession remonte loin dans le temps. Au départ, la fonction de courtier s’assimilait à une charge royale, héréditaire. Travailleur indépendant, le courtier apporte « une sécurité, un professionnalisme aux transactions ». Dans les régions de vins de bouche, il est l’homme des contrats annuels, encore appelés « contrats ponctuels ». « Le courtier est souvent considéré comme l’officier ministériel de la contractualisation » confirme Y. Fourmon. Dans le Bordelais, à peu près tous les primeurs passent entre ses mains. En Champagne, les courtiers gèrent environ 80 % des volumes (achat de raisins, achat de vins en cuve, en lattes…). A travers l’acte de courtage, le courtier met en relation un acheteur et un vendeur et l’accord lie les parties. Toujours dans les régions de vin, c’est lui qui rédige le « bordereau » précisant le volume, les modalités et le prix. Il s’assure de la solvabilité de l’acheteur et, plus globalement, de la bonne exécution du contrat. La mécanique charentaise répond à une logique un peu différente. C’est le fruit des « us et coutumes » locaux, eux-mêmes conditionnés par la nature du produit. « La notion de Bonne Fin des eaux-de-vie complique un peu les choses, explique P. Béguin. Nous travaillons davantage sur des contrats pluriannuels et les accords sont parfois moraux et oraux ». Si le courtier charentais est souvent assimilé au marché libre des Cognacs (environ 15 % des transactions), il participe aussi au marché contractuel des eaux-de-vie. Sur ce créneau, on estime que sa part affleure les 60 % (80 % pour les moûts et vin de table, comme dans les autres régions de France). Le dernier après-midi du congrès, les courtiers ont consacré leurs travaux au thème de la contractualisation. Ils ont fait l’inventaire de l’existant – « pour voir ce qui marchait bien et ce qui marchait moins bien » – en essayant d’en tirer des enseignements. Une autre dimension caractérise le métier de courtier, celle de la confidentialité. Yves Fourmon s’y est arrêté. « Un acheteur qui n’est pas d’accord sur la transaction ou la qualité du produit nous le dit mais nous ne répercutons pas forcément l’information au vendeur. Ce dernier ne sait pas toujours où va son lot et l’acheteur ignore souvent qui le vend, au moins dans un premier temps. Dans certaines régions, la confidentialité est totale et c’est très bien ainsi. Une affaire qui n’aboutit pas risque de laisser des traces, des années voire des générations plus tard. » Il arrive parfois que les courtiers soient suspectés de créer des « bulles spéculatives », d’interférer sur les prix, à la hausse comme à la baisse. Yves Fourmon dénie formellement : « Notre éthique professionnelle nous interdit de faire circuler de fausses informations. L’information que nous communiquons se doit d’être réelle et concordante, la plus transparente possible. D’ailleurs, il n’y va pas de l’intérêt des courtiers d’influer sur les cours. Leur intérêt, c’est que la transaction se fasse et se fasse bien. Une transaction bien faite se renouvellera dans le temps. En ce sens, elle représentera le meilleur gage de pérennité du portefeuille clients du courtier. »

« courtier de campagne »

Quelles évolutions est appelée à connaître la profession ? Internet est-il en train de révolutionner un métier fait de contact et de proximité ? « Autrefois, le courtier vivait au rythme de la vigne. Il se déplaçait en bicyclette ou à cheval, de village en village. Aujourd’hui, les cabinets de courtage ont adopté les moyens modernes de gestion. Les jeunes courtiers ont souvent un niveau de formation équivalent à leurs interlocuteurs vignerons ou négociants. Ils sortent des écoles de commerce, sont œnologues. Mais notre activité ne se dématérialise pas pour autant. Notre métier reste un métier de contact. » Patrick Béguin exprime tout son attachement à l’expression « courtier de campagne ». Il s’y reconnaît. « Cette expression nous va bien. Elles collent à nos racines, aux hommes et femmes de terrain que nous sommes. »

« Quand Le Vignoble Va Bien Nous Allons Bien »
La Fédération française des courtiers en vins et spiritueux regroupe 300 courtiers (et dix syndicats), répartis dans les onze principales régions viticoles françaises. La structure syndicale fédérerait 95 % des courtiers. Ont participé à cette 56e édition des représentants d’un peu toutes les régions, Bordeaux, Champagne, Alsace, Côtes-du-Rhône, Pays nantais, Midi… Cette année, il n’y avait personne du Beaujolais. La région viticole, prise en tenaille entre la Bourgogne et des Côtes-du-Rhône, connaît une mauvaise passe et la santé financière des courtiers locaux s’en ressent. « Quand le vignoble va bien, nous allons bien et quand la région va moins bien, nous suivons la même courbe. » Au terme de statistiques un peu empiriques, la profession estime qu’il y a un courtier pour mille ha. Cette proportion se vérifie assez bien : 35 courtiers en Champagne pour 32 000 ha, une centaine à Bordeaux pour 100 000 ha. Même Cognac ne déroge pas trop à la norme : une soixantaine de courtiers pour 75 000 ha. Dans des régions comme la Champagne ou Bordeaux, le phénomène « cabinet de courtage » se développe. Mais le métier s’en trouve-t-il réellement modifié ? Y. Fourmon ne le pense pas vraiment. « Nous cherchons surtout à mutualiser les charges administratives. »
Yves Fourmon préside la fédération nationale depuis trois ans. Le mandat de président n’est soumis à aucun délai. Mais, comme partout, il doit être « assez long pour être efficient et pas trop pour éviter l’essoufflement. » Depuis la réforme de 1997, modifiée en 2006, la qualité de courtier est suspendue à un examen. A l’issue de ce passage, les Chambres de commerce régionales délivrent les cartes de courtiers, valables pour la France entière. A côté du courtier de campagne, existe le courtier assermenté. Rien n’interdit à une même personne d’avoir les deux casquettes. Naturellement l’examen de courtier assermenté manifeste un degré d’exigence nettement supérieur à celui de courtier tout court. Normal, son rôle se rapproche de l’officier ministériel. Expert en vins et/ou en eaux-de-vie, le courtier assermenté peut participer à une commission de cotation officielle, délivrer des certificats de prix. Un peu comme les médecins possèdent leur Conseil de l’ordre, les courtiers ne s’interdisent pas de « laver leur linge sale en famille ». Certains syndicats – le syndicat champenois pour ne pas le nommer – voyait d’un assez mauvais œil que les chefs de cave juste à la retraite prennent un peu trop souvent leurs cartes de courtier. « On a voulu arrêter ça, considérant que le métier de courtier était une profession à part entière et non un hobby de fin de carrière. L’idée, c’est que le courtier ne fasse que du courtage et en fasse toute l’année. » Même chose lorsqu’un « mouton noir » se glisse dans la profession. Ceci dit le métier est « open ». De mémoire, quelqu’un cite le cas d’un courtier anglais qui a trouvé chaussure à son pied dans les Côtes-du-Rhône ; ou encore un certain Francesco, Italien de son état, honorablement connu dans le Midi.

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