La Typicité Des « Barriques » Indispensable Au Grand Marnier

2 mars 2009

La société Marnier Lapostolle achète tous les ans des volumes significatifs d’eaux-de-vie (plutôt des jeunes comptes) qui sont utilisés pour élaborer les différentes qualités de Grand Marnier. Contrairement à certaines idées reçues, la fabrication de la liqueur élaborée à partir d’écorces d’oranges amères ne nécessite pas une base d’eaux-de-vie nouvelles neutres et dépourvues de bois. L’équipe animée par M. Patrick Raguenaud, le directeur de Marnier Lapostolle, a réalisé, ces dernières années, un gros travail sur la qualité des eaux-de-vie et leur vieillissement afin de pouvoir mieux conseiller les livreurs de la société.

Un certain nombre de travaux de recherche internes à l’entreprise ont mis en évidence que la mise en œuvre de coupes de Cognac extériorisant une certaine typicité était indispensable pour que les saveurs de la liqueur aux écorces d’oranges amères s’extériorisent. Des coupes de Cognac trop neutres ne permettent pas aux arômes et aux saveurs d’écorce d’orange amère de la liqueur de trouver leur parfait équilibre, et à l’inverse des eaux-de-vie trop typées (distillées avec beaucoup de lies et marquées par des bois très riches en tannins) viennent concurrencer et couvrir leur intensité aromatique. Le véritable challenge de recherche de typicité qui a été engagé sur tous les aspects de la filière de production doit concilier l’apport de structure et la finesse aromatique.

La première phase (actuellement terminée) a concerné la conduite de la distillation où l’objectif n’est absolument pas d’élaborer des eaux-de- vie ayant des arômes et des saveurs standardisées, mais au contraire de laisser la typicité de chaque cru s’exprimer et ensuite de rechercher une complémentarité entre tous les arômes et toutes les saveurs. Pour cela, il est conseillé de conduire la distillation de manière différente dans les Bons Bois, les Fins Bois et la Grande Champagne et les Borderies. Dans certains crus, on repasse les secondes dans le vin, dans d’autres on les recycle dans les brouillis et elles peuvent aussi être réparties dans les deux fractions de distillats selon des proportions variables en fonction des millésimes. L’apport d’une petite proportion de lies est même conseillé en Grande et Petite Champagne.

Une structure boisée et élégante des Cognacs qui contribue à la qualité finale des liqueurs

La deuxième phase de la démarche de recherche de typicité concerne bien sûr le vieillissement des eaux-de-vie qui joue un rôle important sur la qualité finale des produits commerciaux. M. P. Raguenaud et ses collaborateurs ont fait récemment préciser leurs préconisations en matière de vieillissement et d’une manière générale, l’élevage des eaux-de-vie dans des contenants bois de petites capacités avec au départ un apport de bois neuf bien spécifique s’avère indispensable : « C’est une évolution importante pour beaucoup de nos livreurs qui jusqu’à présent ne cherchaient pas à favoriser l’enclenchement d’une démarche de vieillissement. Notre entreprise n’avait pas formulé d’attentes précises dans ce domaine et beaucoup de bouilleurs de cru stockaient les eaux-devie dans de grands contenants jusqu’au moment de la livraison. Les conclusions des essais sur le vieillissement nous ont permis d’affiner les choses, en terme de nature de fûts neufs à utiliser, de proportions à intégrer et du travail des eaux-de-vie. L’élaboration du Grand Marnier Cordon Rouge et des qualités supérieures est bonifiée par l’utilisation de coupe de Cognac présentant une structure boisée à la fois typée et élégante. Pour nous, l’élevage d’une partie de la production de chaque millésime dans des fûts neufs est souhaitable pour enrichir les eaux-de-vie en composés aromatiques. L’apport d’excès de tannins ne constitue pas une priorité et à l’inverse même cela peut nuire à l’expression aromatique des saveurs d’oranges amères. Ces deux éléments se sont avérés déterminants dans la réflexion qui a conduit à la définition du type de bois et des chauffes les plus adaptés aux attentes de Grand Marnier. »

Des grains fins et des chauffes médium plus

Les essais de vieillissement ont été effectués avec deux types de bois, des grains fins de type Tronçais et des gros grains du type Limousin. Les eaux-de-vie élevées dans des merrains à gros grains présentaient une structure tannique trop intense qui se « mariait » mal avec les arômes d’oranges amères, alors que la structure à la fois plus légère et plus fine aromatiquement des grains fins les bonifie. Fort de ce constat, la société Marnier Lapostolle conseille aux bouilleurs de cru de privilégier l’utilisation des grains fins et d’intégrer une petite part de Limousin. L’utilisation de chauffes de type médium plus permet d’obtenir des arômes à la fois typés et pleins de finesse alors que des chauffes fortes favorisent l’extériorisation de notes grillées trop concurrentielles vis-à-vis de la liqueur. Quant à la proportion de fûts neufs à intégrer tous les ans, elle doit se situer autour de 10 % pour apporter de la typicité sur tous les millésimes et la notion de barriques neuves correspond à la première et deuxième rotations d’eaux-de-vie. En effet, les phénomènes d’extraction de composés aromatiques issus de la chauffe ne peuvent se produire que lors des premiers contacts de l’eau-de-vie avec les douelles neuves. La durée du premier élevage dans les fûts neufs devra être d’environ une année et à l’issue de cette étape, un assemblage de la fraction boisée avec le reste du millésime est souhaitable.

Demander des certificats d’origine, de nature et mode de séchage du bois aux tonneliers

M. P. Raguenaud observe que les viticulteurs ont tendance à acheter leurs barriques neuves sans réellement prendre conscience de l’importance qualitative des caractéristiques du bois :

patrick.jpg« L’achat de barriques neuves est un acte qualitatif important et les viticulteurs doivent préciser leurs exigences au moment de la prise de commande. Sans aller jusqu’à la notion de cahier des charges, la formulation de critères précis au niveau du type de grain du bois, de l’origine, des conditions de séchage des merrains et de la conduite des chauffes est aujourd’hui vivement conseillée afin de satisfaire nos attentes. Les entreprises de tonnellerie doivent être en mesure de garantir la qualité des bois mis en œuvre et les conditions de fabrication des barriques. Il nous paraît souhaitable qu’il y ait un engagement écrit du tonnelier sur l’ensemble des points évoqués précédemment (une attestation précisant l’origine et le type de bois, le mode de séchage des merrains et la nature de la chauffe) pour tous les achats de barriques neuves. Le mode de séchage des merrains joue un rôle très important sur la capacité ultérieure des douelles à céder des composés aromatiques et des tannins de qualité. L’idéal est d’utiliser du bois séché entre deux et trois ans sur parc à l’air libre. Des bois pas assez mûris occasionnent des déviations aromatiques préjudiciables à la qualité des eaux-de-vie. Les viticulteurs sous-estiment souvent l’importance des méthodes de séchage des merrains. Le bois est un matériau naturel qui a besoin de s’affiner à l’air libre pendant au moins deux ans avant d’être mis en œuvre. »

Ensuite, la mise en vieillissement des eaux-de-vie nécessite un suivi qualitatif régulier par la dégustation, pour maîtriser les durées de passage en fûts neufs, la réalisation des assemblages et des aérations, et se rendre compte de l’incidence du bâtiment de stockage. Les chais d’eaux-de-vie doivent posséder une hygrométrie suffisante, une bonne ventilation et une isolation satisfaisante mais nullement comparable à celle des chais à vins. L’utilisation de fûts roux de 350 et 400 l permet aussi d’accélérer le processus de vieillissement alors que dans des tonneaux de petites ou grandes capacité, les échanges air/eaux-de-vie sont naturellement très limités.

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