La taille 100% Poussard, une centenaire encore très jeune

26 mars 2019

Le respect des courants de sève, un gage de longévité et de productivité

 

            Tailler en ayant comme souci prioritaire de préserver au maximum la longévité des ceps est un concept ancien mais toujours d’actualité. La mise en pratique de ce principe nécessite un savoir-faire et une réflexion intellectuelle véritable de la construction de l’architecture des souches. Un fidèle lecteur de la Revue a été interpellé par le contenu de plusieurs articles traitant de la taille des vignes grêlées suite au sinistre de l’été 2018. Il a souhaité nous faire part de ses réflexions personnelles concernant l’interaction indissociable entre la notion du respect des courants de sève et les bons gestes de taille. Le témoignage de Jean-Paul Barbut repose à la fois sur une réflexion technique étayée et des résultats concrets depuis trente ans dans son vignoble. La visite des parcelles a permis d’observer les bienfaits du concept de taille Poussard. L’expression et le niveau de nuisance des maladies du bois sont particulièrement faibles dans des vignes de tous âges.

Jean-Paul Barbut porte une attention particulière à la taille depuis de nombreuses années. Dans son vignoble de 35 ha situé à Vignolles, il pratique avec une grande maîtrise une taille qu’il qualifie de 100 % Poussard avec des résultats probants en matière de moindre sensibilité des parcelles aux maladies du bois. Lors de ses études au lycée agricole de Barbezieux, les enseignants en viticulture de l’époque, Messieurs Pierre Furet, Yves Lhéraud et Compain-Ménétreaud avaient un discours très argumenté sur l’importance de mettre en place des principes de taille favorisant le respect de la circulation de la sève. Le jeune lycéen très réceptif à ce discours, une fois devenu viticulteur s’est évertué à mettre en pratique ces bons principes. Aujourd’hui, J-P Barbut considère que la taille 100 % Poussard est un atout majeur de la conduite de son vignoble pour conserver une forte proportion de ceps en forme très longtemps.

 

Tailler en ayant le souci permanent de la pérennité des souches

 

            La visite du parcellaire de cette propriété cautionne le bien-fondé de ses convictions. Dans des vignes larges (de 3,40 X 1,40 m) de plus de 40 ans, la proportion de manquants reste étonnamment faible et les niveaux de rendements sont encore généreux et réguliers. La taille est abordée dans cette propriété en ayant le souci permanent de construire la pérennité des souches. La surface actuelle du vignoble oblige J-P Barbut à employer de la main-d’œuvre saisonnière qui est formée et encadrée. Les candidats aux travaux de taille doivent passer « un petit bilan de compétences en taille » et suivre un cursus de formation accéléré pour manier le sécateur selon les principes « Barbut ». Ce n’est qu’après, un cycle d’encadrement de quelques jours débouchant sur une juste appréciation de leurs capacités qu’ils sont lâchés dans les parcelles pour construire de façon pérenne la vie des souches.

 

La taille 100 % Poussard : « c’est le respect des courants de sève »

 

            Le niveau d’exigence au niveau de la taille de J-P Barbut s’apparente à une approche de construction permanente des souches. Il revendique une adhésion totale au concept de la taille Poussard qu’il différencie des principes des tailles guyot et guyot-poussard : « Une taille en guyot intègre comme principe de base de laisser de façon systématique des coursons avant les lattes mais sans se soucier de leur positionnement. Ces coursons sont des éléments de reconstruction de la future taille mais le fait de ne pas s’interroger sur leur bon positionnement rend cet objectif souvent impossible à atteindre dans des vignes de plus de 15 ans. C’est souvent à partir de cet âge que les conséquences des mauvais choix de taille commencent à être visibles. En laissant des coursons sur le dessus ou de chaque côté des bras des troncs, on ne peut pas stimuler durablement, le bon équilibre de développement des deux bras de souches. C’est en faisant maintes fois ce constat que je me suis dit que la taille devait être abordée autrement. Tailler chaque hiver doit s’apparenter à une intervention de construction de l’architecture des souches pour qu’elles soient en mesure d’assurer le double objectif de pérennité et de productivité. Cela peut paraître simpliste mais pour moi c’est fondamental. La taille Poussard, c’est avant tout une démarche de construction de l’architecture des souches pensée en respectant les courants de sève et donc adaptée à besoins de productivité et de longévité. Les coursons sont toujours situés en dessous les bras dans le prolongement des courants de sève ».

 

La technique taille définie par Eugène Poussard toujours d’actualité un siècle plus tard

 

             Eugène Poussard avait observé dans sa propriété de Pérignac au début des 1900, l’incidence des anomalies des plaies de taille sur les tissus du bois et leurs conséquences sur la circulation de la sève. Le vigneron était doté d’un sens de l’analyse avisé qui l’a amené à tirer des conclusions toujours aujourd’hui pleinement d’actualité : Éviter toute gêne de la circulation de la sève dans le dessous des bras des troncs car c’est le l’endroit ou sont situés les principales canalisations de transport de la sève. Toutes plaies de taille à ce niveau pénalisent de façon irréversible la circulation de la sève. La formation de cône de dessèchement de bois obstrue les vaisseaux de transport de la sève. M. E Poussard, parlait alors du respect des courants de sève, un principe toujours aussi pertinent et essentiel en ce début de XXIe siècle. J-P Barbut revendique être un adepte de ce principe de taille respectant les courants de sève dont la mise en œuvre repose des notions essentielles et précises. Avec un cépage comme l’ugni blanc sensible à l’acrotonie, l’intérêt du principe de taille Poussard est encore renforcé.

 

Laisser des coursons en dessous et dans le prolongement des bras des troncs

 

            Alors, quels sont les éléments importants pour réussir une taille Poussard ? J-P Barbut s’est lui-même posé cette question pendant longtemps et c’est en pratiquant qu’il a trouvé les réponses : « La priorité des priorités est de ne jamais «casser» la circulation de la sève en dessous les bras. Il ne faut pas faire de plaies de tailles dans ces zones d’alimentation permanente des souches. Si malheureusement des plaies de taille sont présentes dans certains endroits du dessous des troncs, il ne faudra jamais prendre de coursons dans les zones nécrosées car elles sont forcément mal alimentées. Les coursons de taille (pour l’hiver suivant) devront toujours être sélectionnés en dessous les bras et dans leur prolongement. Il ne faut jamais laisser de coursons sur le dessus des bras car ils ne sont pas situés dans les courants de sève. Ces coursons mal placés jouent le rôle de tire-sève qui pénalisent la sortie de beaux gourmands dans le courant de sève. Tailler sans faire de plaies de taille est impossible mais par contre éviter d’en faire en dessous les bras est souhaitable. Il convient aussi de savoir adapter la charge de bourgeons à la vigueur des souches. Vouloir tailler longs des ceps maigres les fragilise encore plus».

 

Des coursons de taille de préférences à 2 bourgeons

 

            La longueur des coursons de taille est également importante. En théorie, un courson ne doit porter que deux bourgeons et le dernier doit être situé sur le dessus des bois. La raison de ce positionnement est toujours corrélée au respect des courants de sève. Le développement végétatif va engendrer la croissance de deux rameaux, le premier en dessous dans le prolongement du courant de sève sera le futur courson de la taille de l’hiver suivant. Le second au-dessus sera potentiellement la future latte productrice de raisins. Avec un cépage comme l’ugni blanc, il arrive fréquemment que les bourgeons de la base débourrent difficilement. Cela oblige les tailleurs à laisser des coursons plus longs mais dont le dernier bourgeon reste toujours situé dessus. Il arrive aussi que les sarments soient vrillés et les bourgeons se retrouvent positionnés dans l’axe de la largeur des bois et des rangs. Leur sélection obéira aux mêmes règles : prendre le coursons le mieux situé dans le courant de sève et allonger un peu sa longueur  pour que le dernier bourgeon soit situé toujours dessus le bois.

 

Ne pas chercher à raccourcir systématiquement des bras de ceps longs

 

            L’une des observations que J-P Barbut considère comme importante concerne l’allongement des bras de souches : « Le principe de la taille Poussard oblige souvent à aller chercher des coursons un peu loin pour respecter les courants de sève ce qui provoque un allongement naturel des bras de souches même sur des vignes relativement jeunes. Certains tailleurs cherchent à raccourcir de manière systématique les bras sans avoir préparé cette intervention. Mon expérience me laisse penser qu’il ne faut pas chercher à raccourcir systématiquement les bras même si ceux-ci sont longs. Avoir des bras de ceps longs mais bien alimentés n’est pas un problème. Ce n’est peut-être pas beau mais l’équilibre des souches est préservé durablement. À l’inverse, la réalisation de grosses coupes représente des voies d’entrées privilégiées pour les champignons responsables des maladies du bois qui ne manqueront pas de s’extérioriser 4 à 5 ans plus tard ».

 

Anticiper la régénération des bras avec des coursons de ravalement

 

            La solution pour faire face à ces problèmes d’allongement des bras dans des vignes ayant passé le cap des 20 ans est d’essayer d’anticiper la régénération des souches chaque fois que c’est possible.  Quand les courants de sève en dessous les bras demeurent bien fonctionnels, il arrive que des gourmands bien placés se développent. Ces bois peuvent servir de base de reconstruction d’un côté de souches en devenant des coursons de ravalement. La présence de ce type de bois situé dans le courant de sève va permettre de prévoir la reconstruction du bras si la végétation se développe bien. La souche sera taillée normalement avec un long bois de taille, un courson de taille bien placés et bien sûr en dessous le coursons de ravalement. J-P Barbut considère que ces bois doivent être taillés sous la forme d’une demi-latte portant 3 à 4 bourgeons (le reste étant ébourgeonné) pour limiter la sensibilité des rameaux à l’essolage et équilibrer la vigueur. Le bon attachage de ces demi-lattes est également important vis-à-vis du développement de cette végétation destinée à régénérer ces bras de troncs. L’hiver suivant, quand le bras de ceps aura été régénéré, la coupe de l’ancien bras interviendra à une distance respectable des bois laissés sur les coursons de ravalement.

 

Des vignes bien taillées vieillissement mieux et plus longtemps

 

            Les résultats de la stratégie de taille « 100 % Poussard » testée depuis plusieurs décennies dans le vignoble de J-P Barbu sont concrets : les symptômes d’eutypiose et surtout ceux d’esca sont globalement moins présents et moins intenses ; la mortalité des souches apparaît plus tardivement et s’exprime moins et au global, les vignes vieillissent mieux. Les démarches d’entre-plantation ne commencent en général qu’après le cap des 25 ans et l’état actuel des parcelles plantées entre 1972 et 1980 laisse penser qu’elles passeront le cap de la cinquantaine. L’une des difficultés que rencontre ce viticulteur et beaucoup de ses collègues concernent l’implication des ouvriers saisonniers dans la réalisation des travaux de taille : « L’une de mes inquiétudes actuelle est la transmission du savoir en matière de taille. Depuis, une dizaine d’années, suite au départ à la retraite d’une génération d’ouvriers viticoles, on a perdu de véritables compétences. Il est de plus en plus difficile de trouver des tailleurs qui pratiquent du 100 % Poussard. Les principes sont différents de la classique taille en guyot qui est trop souvent devenue une référence. Former des tailleurs demande des connaissances, un encadrement sérieux dans le temps et des moyens. Il faut susciter des vocations et rendre cette intervention plus attractive. Une taille bien conduite est à mon sens le moyen de lutte préventif le plus efficace contre les maladies du bois ».

 

           

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé