Affectation de récolte 2009

7 juillet 2009

Affecter un, deux ou trois ha pour absorber les surplus et faire de la trésorerie… C’est la solution « raisonnable » qui devrait prévaloir sur les exploitations en cette période de repli du Cognac. Certains y souscriront, d’autres pas. Un calcul individuel qui ne manquera pas d’avoir des conséquences collectives, d’abord sur le rendement Cognac 2010, ensuite sur la pérennité de la filière charentaise des « autres débouchés ». Malgré tout, la sagesse l’emportera-t-elle ?

Des esprits soutiennent, sans doute avec raison, qu’une certaine inertie caractérise la viticulture charentaise. « Elle met un ou deux ans à s’apercevoir que la crise est là et a tendance à patiner quand la reprise se manifeste, d’où le phénomène des 6 hl de pur. » Outre le fait que ce syndrome ne touche pas que la seule viticulture, on peut aussi admettre que l’environnement réglementaire n’aide pas à une plus grande réactivité. Voir les atermoiements autour de la déclaration d’affectation. Annoncée comme devant se faire avant le 1er juillet, cette affectation n’interviendra finalement qu’un mois après la sortie des cahiers des charges Cognac et Pineau. Car ces cahiers des charges ont connu un retard à l’allumage. Ils ne sont toujours pas publiés (pas plus d’ailleurs que ceux des autres régions viticoles), encalminés qu’ils sont dans un bureau parisien, pour d’obscures batailles internes.

Qu’on se le dise ! En elle-même, la déclaration d’affectation ne saurait constituer un obstacle à l’affectation. Le formulaire reprend très exactement la déclaration de récolte 2008, hormis la partie volume bien sûr. L’esprit du document est de consigner par anticipation les surfaces affectées au débouché (Cognac, Pineau, Vins de pays, produits autres) par commune et par cru. Non, la vraie question concerne les intentions des viticulteurs. Accepteront-ils d’affecter un certain pourcentage de leur récolte à autre chose qu’au Cognac ? Les paramètres qui présideront au choix, tout le monde les connaît peu ou prou : le volume et la solidité des relations commerciales nouées avec le négoce de Cognac (d’où un recoupement évident avec la notion de cru), l’existence ou pas d’une diversification sur l ‘exploitation, la capacité à se projeter dans le futur proche, à appréhender son besoin de trésorerie, à faire des simulations chiffrées, en acceptant que l’équation comporte une inconnue, celle du prix. Mais n’est-ce pas assez fréquent de raisonner en grande masse. L’affectation relèverait d’une stricte décision individuelle s’il n’y avait une sanction collective, le rendement Cognac 2010. En l’absence d’affectation – ou avec une affectation par trop mince – beaucoup voient plonger ce rendement à 7 ou 7,5 hl AP/ha l’an prochain. Avec les problèmes que l’on peut imaginer. « L’affectation pourrait jouer le rôle de soupape de sécurité. Mais sera-t-elle suffisamment enclenchée dans les têtes en 2009 ? » Une question latente dont beaucoup craignent de connaître la réponse.

« Je ne vais pas stocker de marchandise »

Daniel M. – Viticulteur en Petite Champagne (24 ha) et Bons Bois (5 ha)

« En ce qui concerne l’affectation de la récolte 2009, je vais fournir mon débouché Cognac, par un contrat dans une grande maison et des intentions d’achat dans une autre. Je pense que tous les ha Petite Champagne iront au Cognac. Pour les ha Bons Bois que j’ai achetés – chers – dans l’intention claire de les arracher et de les rapatrier en Petite Champagne, ceux-là ne font pas l’objet d’engagement. L’an denier, j’ai correctement vendu la récolte en vin Cognac, payé 650 € l’hl AP juste après les vendanges. Cette année, je vais certainement l’affecter aux débouchés industriels, vins de table, vins de base mousseux, car le marché du Cognac sera, j’en suis sûr, complètement nul. Je ne vais pas stocker de marchandise, surtout en début de crise. Cela peut s’envisager en fin de crise, quand les stocks sont épongés, quand la période se normalise. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la peine d’y songer. Je me souviens de copains qui, en 1994, me charriaient parce que j’avais vendu du vin Cognac sur le marché libre à 25 F le °hl. Selon eux, j’avais bradé mon produit. Quelques années plus tard, ils ont vendu leurs comptes 2 700-
2 800 F l’hl AP après distillation, stockage et évaporation. »

« Affecter pour faire de la trésorerie »

Henri N. – 45 ha de vigne, 37 en Petite Champagne et 8 en Bons Bois

« A mon avis, la seule chose qui pourrait inciter les viticulteurs à affecter, ce serait que les opérateurs « autres débouchés » communiquent des prix. Je sais bien qu’ils ne veulent ou ne peuvent le faire mais ce serait pourtant la seule alternative pour éviter que les viticulteurs aillent se jeter dans la gueule du loup, en affectant tout au Cognac. A la marge, ce serait le seul argument capable de motiver certains « mordus du Cognac ». Si tout le monde affectait ne serait-ce que 5 % de son vignoble, cela relancerait pas mal de choses. Entre autres, cela pourrait aider à sauver la région et nos prix. Ce que j’attends des prix « autres débouchés » ? Qu’ils m’apportent l’équivalent d’un revenu Cognac moyen, que je situerai à 6 000 € l’ha pour passer au-dessus des coûts de production. Après c’est une question de diviseur, 200, 250, 300 hl/ha. Personnellement, je pense que je vais affecter une partie du vignoble aux autres débouchés. Je préfère réaliser de la trésorerie rapidement plutôt que d’être complètement à la rue et lâcher des comptes 2 à 500 € pour payer les phytos. C’est malheureusement ce qui va se passer et le négoce le sait bien, qui va appuyer pour s’approvisionner à bon compte. Il y a peu d’illusion à se faire. D’après les contacts que je peux avoir dans mon autre activité, les viticulteurs, dans leur très grande majorité, attendront d’être pris à la gorge avant d’affecter à autre chose qu’au Cognac. Et quand ils seront au pied du mur, ils céderont leurs eaux-de-vie à vil prix. Réaliser de la trésorerie avec les débouchés industriels ne représente sans doute pas la panacée mais, dans le contexte actuel, je ne vois pas d’autre solution. A ce titre, la réserve climatique joue à contre-courant de l’affectation. Elle va conforter ceux qui veulent tout distiller. Pourtant elle coûte cher et personne connaît son impact fiscal. Comment la rentrer dans la compta ? Personnellement, je n’en ferai surtout pas. Qui va affecter ? Malheureusement, je pense que les crus périphériques seront encore aux premières loges. Ils sont habitués aux revers de situation. Et c’est dommage que les crus supérieurs comptent sur ce mécanisme. Moi qui suis des deux côtés, je ne trouve pas ça très correct. Il vaudrait mieux partager l’effort. Mais ce n’est pas ce qui ressort du terrain. »

« Je me déterminerai sur les chiffres »

Didier V. – 18 ha de vignes, 8 en Fins Bois et 10 en Bons Bois

« En fait, je ne sais pas trop encore. Je vais peut-être mettre 2 ou 3 ha en produits autres. Depuis deux ou trois ans, je vendais tout au Cognac, la moitié sous contrat et l’autre en vin. Je pense que le contrat ne va pas bouger mais pour le reste ? Je ne sais pas trop. Le plus avantageux l’emportera. Je me déterminerai en fonction des chiffres. Mon courtier va certainement m’appeler dans les jours qui viennent. C’est un peu sur lui que je me repose. C’est quelqu’un de sérieux. J’ignore quand il faudra affecter. De toute façon, quelle que soit la date, il faudra bien se positionner sur les débouchés. Je n’en suis pas sûr mais, en principe, les vignes autres ne supportent pas de limites de rendement. Il faut simplement rester dans le raisonnable. Je pense que 200 hl vol./ha, c’est déjà pas mal mais s’il faut mettre 300 hl… En fait, c’est le chiffre de revenu ha qui, pour moi, servira de juge de paix. »

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