Un essai sur la protection des plaies de taille, mené au lycée agricole de Saintes, mis en place en 1990 par le groupe de travail Eutypiose Charentes (*) et suivi par la Station viticole du BNIC, montre l’inefficacité de la taille tardive réalisée en période de pleurs à l’égard de l’esca/BDA. Les ceps présentent autant de symptômes foliaires caractéristiques de ces maladies lorsqu’ils sont taillés en période de repos ou de pleurs. L’échec de cette pratique culturale face à l’esca ou au BDA a conduit à une réflexion au sein de l’IFV sur la nécessité ou non de protéger les plaies de taille face à ces deux maladies.
La taille tardive suggère que les plaies sont protégées face aux champignons durant tout l’hiver par les sarments eux-mêmes. Malgré la protection assurée par les sarments, qui est la plus efficace de toutes les protections, les ceps expriment toujours autant de symptômes foliaires ! Cette absence d’efficacité peut être expliquée par la capacité des champignons à pénétrer par les plaies de taille après la période des pleurs comme l’ont montré les travaux conduits à l’IFV, ou encore par leur aptitude à contaminer d’autres plaies réalisées lors des opérations en vert telles les plaies d’épamprage ou d’ébourgeonnage… Ces observations conduisent à penser que la seule protection des plaies de taille ne permettra pas de lutter contre l’esca ou le BDA. Elle sera certainement nécessaire mais sûrement pas suffisante. Il a été montré par la Station Viticole du BNIC que la protection des plaies de taille par des produits comme des mastics ou encore l’escudo, assez efficace face à l’eutypiose, s’avérait inefficace sur l’expression des symptômes foliaires d’esca/BDA.
De nouvelles contaminations nécessaires
Une troisième hypothèse pourrait expliquer l’échec de la taille tardive face à ces deux maladies : la présence des champignons dans les plants dès l’installation de la parcelle. Cette hypothèse paraît peu vraisemblable car la plante elle-même les compartimente et de plus, les premiers symptômes ne sont visibles que plusieurs années après la plantation. Pour qu’il y ait expression foliaire, il semble que de nouvelles contaminations pouvant provenir du plant lui-même ou de l’environnement soient nécessaires.
Protection ou non protection ? Telle est la question
Les questions que nous nous posons sont les suivantes : est-ce que la protection des plaies de taille avec des produits résistants à la période des pleurs et restant toujours efficaces permettra de protéger les ceps des champignons des maladies du bois ? Ne faudra-t-il pas non plus protéger les plaies réalisées lors des opérations en vert comme les plaies d’épamprage par exemple ? Ce sont autant de questions que l’IFV doit éclaircir pour mieux identifier les voies de pénétration.
Ne pas oublier l’eutypiose
Le problème de l’esca/BDA ne doit pas faire oublier celui de l’eutypiose, qui est toujours une maladie fortement présente dans nos vignobles. La taille tardive ou la protection des plaies de taille par des mastics doivent être réalisées face à cette maladie pour la limiter.
Philippe Larignon
(Institut Français de la Vigne et du Vin, chef de projet maladies du bois pôle Rhône-Méditerranée)
(*) Station Viticole du BNIC, Chambres d’agriculture Charente et Charente-Maritime, Service de la Protection des Végétaux, INRA Bordeaux, Université de Bordeaux I.