La journée du Cognac PWH / Crédit Agricole : Chine, le défi de la classe moyenne

27 mars 2013

Invité de marque à la 2e Journée du Cognac organisée par le cabinet PwC et les caisses régionales de Crédit Agricole : l’ambassadeur de Chine en France. Francophile et cultivé autant que facétieux, Son excellence Kong Quan a distillé à Cognac un message tout sauf anodin : l’intérêt porté par les dirigeants chinois à leur marché intérieur. Objectif : doubler le revenu par habitant et faire passer la classe moyenne de 200 à 700 millions de Chinois. Le Cognac a tout à y gagner.

C’est de bonne guerre. La présence de l’ambassadeur de la République populaire de Chine en France sur le plateau des invités à la 2e Journée du Cognac a quelque peu éclipsée (dans les comptes rendus en tout cas) les deux autres temps forts de la manifestation : le « baromètre du Cognac », présenté par Jean-Marc Olivier et la table ronde sur l’investissement foncier. Ces deux contributions ont pourtant démontré toute leur pertinence et leur actualité auprès des 800 auditeurs (un record) rassemblés le 22 janvier salle du Théâtre à Cognac. Comme lors de la première édition, les deux organisateurs de la rencontre étaient le cabinet PwC (Price-waterhouseCoopers) et la caisse de Crédit Agricole Charente-Périgord, associée à son homologue de Charente-Maritime-Deux Sèvres.

Il y a 15 ans déjà

p44.jpgQu’est-ce qui peut pousser un ambassadeur en exercice à se déplacer à Cognac ? Pour le diplomate chinois, Cognac n’est pas « terra incognita ». Son excellence M. Kong Quan était déjà venue dans la capitale des eaux-de-vie il y a 15 ans, en 1999. A l’époque, il n’était pas encore ambassadeur mais conseiller auprès de l’ambassade de Chine à Paris. A l’invitation du BNIC et du monde du Cognac, il était venu poser les jalons de la protection géographique en Chine (sur fond d’entrée à l’OMC) et aussi de la lutte contre les contrefaçons. Cognac joua dans cette affaire un rôle d’entraînement non négligeable, sous l’impulsion notamment d’Alain Philippe, alors directeur du BNIC et de Jean-Marc Girardeau, responsable du département « Protection de l’appellation et accès au marché ». Sur le thème des AOC, le BNIC s’était vu confier par le ministère de l’Agriculture une mission de coopération bilatérale avec les pays asiatiques. Après une telle prise de contact, le jeune diplomate, devenu ambassadeur de Chine en France, « a toujours gardé un œil bienveillant sur cette région de Cognac ». Une autre raison, plus personnelle, explique sa présence. L’oncle de Francis Descubes, ancien associé de PwC, fut ambassadeur de l’Union européenne en Chine. Une relation amicale lie le diplomate à M. Kong Quan. « Cela facilite un peu les choses » avouaient les associés du cabinet.

Pour la région de Cognac, l’importance du marché chinois ne se démontre plus. En valeur, la Chine est clairement devenue le premier marché du Cognac et, en volume, elle s’en rapproche. Au cours de ces dernières années, un déplacement du chiffre d’affaires s’est opéré, de la « vieille Europe » vers l’Asie. Révolu le temps, pourtant pas si lointain, où le Cognac se réjouissait de voir son marché réparti en trois tiers. Aujourd’hui, l’Asie ravit 50 à 60 % du commerce des spiritueux. « Pour moi, il ne s’agit pas d’un déséquilibre mais d’un équilibre nouveau » a indiqué Patrice Pinet, P-DG de Courvoisier, au cours de l’échange.

La Chine, ses enjeux, ses spécificités, ont fait l’objet de la table ronde organisée entre M. Kong Quan et trois représentants des principales maisons de Cognac : Bernard Peillon, P-DG d’Hennessy, Jean-Marc Morel, directeur général adjoint de Martell, Patrick Piana, directeur général de Rémy Martin.

Tant dans son intervention « ex cathedra » que dans les échanges à « bâtons rompus », l’ambassadeur de Chine en France s’est révélé un orateur hors pair, aussi décontracté et vif que sérieux et profond, ne perdant jamais « le sens de l’histoire ». Et tout cela dans un français châtié et presque sans accent. Du grand art !

Une meilleure répartition des fruits de la croissance

Qu’a dit l’ambassadeur ? Au-delà des propos de circonstances – « approfondissement des connaissances mutuelles, relations bilatérales en la France et la Chine extrêmement positives – il a cité des chiffres précis, des objectifs clairs . Un message « politique » a filtré : celui du marché intérieur et « du défi de la classe moyenne ». Apparemment, c’est le grand chantier de l’actuel gouvernement chinois. L’ambassadeur a effectué un bref retour en arrière. « Dans notre pays, a longtemps primé la notion de rythme de croissance, a-t-il dit. Pendant trente ans, la Chine a connu une croissance de 10 % l’an. Il fallait s’adapter à l’évolution du monde et à la montée en puissance des échanges commerciaux. Ce que vous avez réalisé en 300 ans, la Chine l’a fait en 30 ans. Sur la décennie prochaine, le rythme de croissance sera sans doute plus proche de 7 à 8 % l’an. Plus que la croissance pour la croissance, ce que recherche la nouvelle équipe, c’est de réduire les inégalités entre les différentes couches de la population ainsi que de mieux répartir les fruits de la croissance. Notre modèle économique évolue. Aujourd’hui, il privilégie davantage le développement de la consommation intérieure et le revenu par habitant. »

Ambition déclarée : « Que la classe moyenne passe de 200 millions à 700 millions (pour une population d’1,3 milliard d’individus – ndlr) et que le revenu par habitant soit doublé. »

Accélérer l’urbanisation

Patrick Piana, directeur général de Rémy Martin, a demandé au haut fonctionnaire quels étaient les enjeux clés pour y parvenir : « Dur, dur de répondre à cette question » a glissé en souriant le diplomate. Il a pourtant livré des éléments de réponse. « Compte tenu de l’inégalité entre villes et campagnes, le gouvernement chinois va accélérer l’urbanisation. L’urbanisation ne concerne aujourd’hui que 52 % de la population. Il y a encore 48 % de paysans qui vivent dans la misère. L’écart de revenu entre un habitant d’une ville du littoral et d’un paysan de la Chine profonde est de 4 à 5. Réduire cet écart représente un enjeu primordial. C’est pourquoi le processus d’urbanisation va s’accélérer et je suis sûr que le Cognac en profitera » a-t-il ajouté. « Les habitants des villes représentent autant de consommateurs potentiels pour vous. » L’autre facteur concomitant est l’accélération de l’industrie « dans le respect total de l’environnement ».

Mais quid du « bonheur individuel » et même du « bonheur collectif » dans des mégapoles engorgées et souvent polluées ? Réponse de l’ambassadeur : « Si la Chine a, dans un premier temps, privilégié les mégapoles de 10 millions d’habitants – Pékin compte aujourd’hui 20 millions d’habitants – nous revenons sur cette politique. »

La Chine, empire du milieu fortement centralisé mais qui compte 56 ethnies ; formidable puissance économique mais qui possède des poches d’immense précarité, source de conflits potentiels ; un appétit de consommer à nul autre pareil adossé à une culture et à un raffinement millénaire. Voir le rite de la préparation du thé vert, décrit avec d’infinis détails dans un roman fondateur du 18e siècle, cité par l’ambassadeur : Le rêve dans le pavillon rouge (éd. La Pléiade).

Jean-Marc Morel a insisté sur la dimension temps du Cognac, qui fait écho à celle de la Chine. Avec esprit, l’ambassadeur de Chine en France a relaté une entrevue, dans les années 70, entre Georges Pompidou et Chou-En-Lai. A la question de Georges Pompidou qui lui demandait quels commentaires suscitaient chez lui la Révolution française, le Premier ministre chinois avait répondu : « Il est encore tôt pour donner explications et commentaires. »

 

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé